A Constantine, l’art scénique n’en finit pas de perdre ses hommes qui ont écrit les plus belles pages de son histoire. Le dernier en date est Torki Abdelmadjid, dit Abdelhamid.
Il rejoint ainsi cette année ses prédécesseurs qui ont pour noms : Mohamed Hazim, Larbi Ghazal, Yamina Bachir Chouikh, Aroun Ahmed, Djamel Bendeddouche, Mustapha Preure, Brahim Berrezoug, Mohamed Chafaa, Cheikha Dahmania, Abdelaziz Charef et Mohamed Hilmi.
Torki Abdelmadjid est parti le 3 mai 2022 à l’âge de 84 ans des suites d’une longue maladie. Sans tambour ni trompette. Décidément, les grands hommes se cachent… pour mourir. Très actif, il tenait la tête d’affiche de 1963 à 1965 en donnant des sketchs humoristiques qui étaient son credo, sans compter la promotion des manifestations artistiques avec la célèbre troupe El Amel El masrahi de Constantine, ainsi que durant les tournées effectuées à travers tout l’Est algérien.
Cet artiste vit le jour le 4 septembre 1939 dans les dédales de la vieille ville de Constantine. Après avoir entamé ses études à l’école Mouloud Belabed (ex-Arago) où il obtint le certificat d’études primaires, et comme tous les «indigènes», sous le joug colonial, il ne pourra pas poursuivre ses études et devra se convertir dès lors à la vie professionnelle. Le jeune Abdelmadjid intègre à l’âge de 15 ans l’établissement de tabac de Bentchikou.
D’ailleurs, pour apprendre les rudiments de ce métier, c’est sa maman qui lui a suggéré de débuter en qualité d’apprenti, et ce, pour mieux préparer sa carrière professionnelle.
Une longue carrière théâtrale
A cette époque, en entrant au scoutisme, il est subjugué par la découverte du quatrième art. Et c’est bien parti pour lui toujours en quête de vivre des expériences théâtrales où les fortes sensations la disputent à l’amour des planches. Juste après l’indépendance du pays et alors qu’il n’a que 23 ans, il joue pour le Groupement artistique constantinois (GAC) sous la présidence de Mohamed Chaker et Amor Bendali. Par la suite, ce groupement devient Le comité artistique départemental (CAD), avant qu’il ne soit dénommé pour la deuxième fois El Ittihad el fenni El kassentini.
Et l’aventure théâtrale continue son bonhomme de chemin.
En décembre 1963, il présente au théâtre national de Constantine des sketchs à l’occasion d’une journée organisée au profit des enfants de chouhada, suivie le 9 janvier 1964 où il campa le rôle principal dans une comédie en un acte intitulée Ellotf min oumi oua abouk. Une autre tragicomédie en trois actes, le Bonheur des fous connut un succès retentissant parmi le public. Durant la même saison, il rejoint la troupe El Amal el masrahi de Hacène Bencheikh Lefgoune en compagnie des stars des séries télévisuelles et productions cinématographiques, comme Segueni Abderrahmene, Zighemi Abderrachid, Kadoum Hacène et Bachir Benmohamed (El Bahalil de 1972 à 1975) ou bien ceux (Aassab wa awtar) ; Bounegab Mouloud, Noui Tayeb, Adjabi Rabah et Hacène Benzerari, pour ne citer que ceux-là.
Au mois de février 1964, et sous l’égide cette fois-ci de l’Union artistique constantinoise, il est distribué dans une pièce intitulée Le pharmacien, texte de Mohamed Benmouafek, mise en scène de Hacène Bencheikh Lefgoune, avec Seghni Abderrahmane, Hacène Lefgoune, Rachid Zighmi, Salah El Adjabi et Mouloud Bounegab. Il fait l’objet de plusieurs convoitises, cette fois-ci, il est sollicité par le dramaturge Bencheikh Lefgoune, qui lui attribua plusieurs rôles dans des pièces produites par la troupe El Amal el masrahi comme ; Zouadj Lemhetem, vaudeville en trois actes (en arabe parlé), texte et mise en scène de Achek Youcef Abderrahmene, où Abdelmadjid s’était illustré dans le rôle de Hadria. Il ne s’arrête pas là : La grande trahison où il s’adjugea le rôle de (Yacoub), aux côtés de Hacène Benzerari (Tarek Ibn Ziad), Allaoua Wahbi (moine), Hacène Bencheikh Lefgoune (le roi Rodrigue) et Tayeb Noui (Le capitaine du palais).
L’année 1976 a vu sa distribution dans une pièce écrite par Toufik El Hakim intitulée Esoltane el hair adaptation et mise en scène de Bencheikh Lefgoune.
D’ailleurs, la représentation a eu un grand succès. Tout comme les sketchs : Bent khouya bent khti ou bien Etneffes avec le grand comédien Ouechen Mohammed dit Kaci El Kassentini. Sans oublier quelques rôles joués au cinéma. Un hommage lui a été rendu le 2 avril 2006 à l’occasion de l’événement du printemps théâtral de Constantine, suivi d’un autre qui a eu lieu le 11 mars 2017 organisé par le commissariat du Festival national du théâtre amateur de Mostaganem à Constantine.
Après 42 ans de bons et loyaux services, c’est le repos du guerrier. Torki Abdelmadjid prend sa retraite en 1999 de la Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA). Avant qu’il ne rejoigne sa dernière demeure. L’enterrement du défunt a eu lieu le lendemain de son décès au cimetière central de la ville de Constantine. Que Dieu l’accueille en Son Vaste Paradis.
Par Mohamed Ghernaout,
Enseignant et auteur d’ouvrages sur le théâtre algérien