Discrimination et stigmatisation en France : Un climat délétère pour les musulmans

28/04/2024 mis à jour: 05:38
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Les musulmans de France connaissent un malaise qui oblige certains d’entre eux à quitter le pays

Le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, Kamel Kabtane, a réagi aux derniers propos du Premier ministre, Gabriel Attal, sur «des groupes plus ou moins organisés qui cherchent à faire un entrisme islamiste», qui prône «les préceptes de la charia, notamment dans les écoles». 

En tant que président du Conseil des mosquées du Rhône, Kamel Kabtane a exprimé «sa plus vive inquiétude». Pour lui, «cette affirmation, qui n’est étayée par rien, vient juste conforter les théories incertaines des groupes islamophobes qui, eux, sont bien une réalité. Enfin, c’est une faute grave que de mettre en cause la question musulmane pour dire : ‘‘Attaquer le mal à la racine, c’est poursuivre notre lutte sans merci contre le séparatisme et notamment le séparatisme islamiste. 

Ce n’est pas acceptable’’, avait-il lancé, refusant qu’‘‘une idéologie religieuse vienne contester la loi dans des quartiers’’». Le recteur musulman de Lyon interpelle le Premier ministre : «Peut-il nous dire ce qu’est ‘‘une idéologie religieuse’’ ? Peut-il nous expliquer sur quels faits il s’appuie pour faire le lien entre cette ‘‘violence des jeunes’’ et ‘‘le séparatisme islamiste’’ ? 

Quelle est la réalité d’un lien entre cette violence et la contestation de la laïcité ? Quelle étude lui permet de dénoncer ‘‘l’entrisme islamiste’’ ? Dans quel but laisse-t-il entendre que dans les écoles s’installeraient ‘‘les préceptes de la charia’’ ?» 
 

«UNE MISE EN SCÈNE DES PEURS SOCIALES»

Le recteur franco-algérien Kamel Kabtane conclut : «Nous sommes atterrés devant tant d’approximations et de ragots, rapportés avec la force qui est celle de la voix du gouvernement, et qui viennent – sans respect des faits, sans analyse des causes et sans solutions – participer au jeu de la mise en scène des peurs sociales. (…) Nous sommes lassés de subir des déclarations iconoclastes qui visent seulement à créer un peu de consensus sur le dos de la communauté musulmane.» Face à cela, «le CMR attend… des paroles et des actes qui rassemblent les Français au lieu de les diviser». 
 

De son côté, la Grande Mosquée de Paris (GMP) a relevé que «l’emploi du terme ‘‘entrisme’’, issu de l’idéologie politique trotskiste, est totalement inapproprié dans ce contexte. Cette notion, politique par nature, ne saurait être assimilée à une prétendue infiltration islamiste, ce qui est préjudiciable au vivre-ensemble et à la cohésion nationale». La GMP renvoie plutôt à «l’inquiétant phénomène de l’‘‘exode silencieux’’ des musulmans de France mettant en évidence le besoin urgent de modèles d’intégration». En effet, un livre vient de paraître sur cet exil de musulmans français, qui ces dernières années ont choisi de partir vers des cieux plus cléments. 


CES MUSULMANS QUI CHOISISSENT DE PARTIR

Des personnes en général très diplômées qui ont trouvé au Canada, en Allemagne ou ailleurs, des postes et des situations qu’elles n’auraient pas obtenus en France. Tous les médias depuis le 25 avril parlent abondamment de ce livre intitulé : La France tu l’aimes, mais tu la quittes (Edition du Seuil). 

Ce sont des gens usés par la discrimination et la stigmatisation pour leur religion ou encore les portes qui se ferment quand ils cherchent du travail ou des postes à plus haute responsabilité qui choisissent l’exil. Trois chercheurs ont donné la parole à 140 personnes, de nationalité française pour la plupart. 
 

Et encore, l’enquête sociologique n’englobe pas les sentiments inquiets des musulmans en France depuis l’attentat du 7 octobre dernier en Israël et le climat délétère qui a suivi sur le prétendu antisémitisme des musulmans, corroboré par aucune donnée sérieuse. Une situation d’autant plus grave que rares sont les pleurs médiatiques sur les milliers de victimes palestiniennes de l’attaque barbare de l’armée israélienne sur Ghaza. 

Pour les musulmans de France, avoir de la compassion légitime est assimilé à être «antisémite». Depuis quelques années, les «musulmans» sont prêts à partir. Les plus aisés font le pas. Mais d’autres, dont la situation est trop précaire pour y penser, rêvent de cet «exode» que pointe du doigt la GMP. 

Etouffant dans l’ambiance toxique des médias, ils voudraient pouvoir souffler sous des cieux humainement plus cléments. Soit par le retour idéalisé vers le pays ancestral ou vers d’autres contrées où ils ne seraient plus montrés du doigt. 
 

France 
De notre correspondant Walid Mebarek

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