Des milliers de producteurs de cannabis graciés : Mohammed VI donne carte blanche pour la culture du kif

21/08/2024 mis à jour: 04:51
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Outre les revenus que lui génère ce trafic, le makhzen utilise le trafic de drogue comme une arme contre les pays de la région - Photo : D. R.

Rabat affiche clairement son ambition de consolider sa place de premier producteur de kif au monde en mobilisant tous les narcotrafiquants, y compris ceux qui croupissent en prison.

Le Maroc accélère la cadence de la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie visant à booster la production du cannabis et à consolider sa place de premier producteur mondial de cette drogue qui fait des ravages dans les quatre coins du globe. C’est dans ce cadre que le roi Mohammed VI a gracié hier des milliers de cultivateurs de haschisch.

Selon un communiqué du ministère marocain de la Justice, «4831 personnes condamnées, poursuivies ou recherchées dans des affaires liées à la culture du cannabis ont bénéficié de cette grâce royale» que les médias marocains ont qualifiée d’«historique», en ce sens qu’il n’est pas habituel de voir des narcotrafiquants profiter de telles largesses.

Le même département ministériel enfonce le clou sans le vouloir en avouant que l’objectif recherché par cette grâce royale est d’intégrer ces producteurs de drogue dans «la nouvelle stratégie» lancée après la légalisation de la culture du cannabis en 2021.

Le Maroc, qui tente vainement de faire croire que la production de cannabis est à «des fins thérapeutiques», est maintes fois accablé par des rapports de l’ONU et d’autres organismes internationaux qui luttent contre le trafic de drogue.

Aujourd’hui encore, Rabat affiche clairement son ambition de consolider sa vile place de premier producteur de kif au monde en mobilisant tous les narcotrafiquants, y compris ceux qui croupissent en prison. C’est de cette manière que le makhzen œuvre à renforcer la production qui se fait désormais sous l’égide de l’Agence nationale de régulation des activités du cannabis (Anrac).

Créée en vertu des dispositions de la loi n°13-21, l’Anrac est officiellement chargée de «la mise en œuvre de la stratégie de l’Etat dans le domaine de la culture du cannabis, de la production, de la fabrication, de la transformation, de la commercialisation et de l’exportation» de cette drogue. La culture du cannabis, longtemps confinée dans le secteur informel, constitue aujourd’hui le principal pilier de l’économie marocaine.

Pour augmenter la production de ce poison qui détruit le tissu social de nombreux pays, à la fois en Afrique, en Europe et dans d’autres régions du monde, l’Anrac distribue à tout-va des licences d’exploitation et des terres aux cultivateurs.

Selon les chiffres communiqués par l’agence elle-même, 3029 licences ont été accordées à des producteurs de drogue depuis le début de l’année 2024. Cela représente une augmentation de près de 25% par rapport à 2023, où seulement 721 licences ont été délivrées.

Les milliards de la drogue

La superficie totale concernée par ces autorisations s’est élevée à 2552 hectares, soit 9 fois plus que la surface qui y était consacrée l’année dernière. Mais la surface réelle cultivée est estimée à plus de 130 000 hectares, produisant chaque année plus de 3000 tonnes de haschisch.

Les revenus d’exportation générés par le marché licite du cannabis pourraient atteindre 6,3 milliards de dollars à l’horizon 2028, selon le ministère marocain de l’Intérieur. Mais le trafic de drogue au Maroc représente une valeur de près de 23 milliards de dollars, selon une étude de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale.

Il constitue la principale source de devises pour ce pays. Et c’est grâce aux importants profits générés par le trafic du haschisch et des drogues dures qui le makhzen nourrit et élargit ses réseaux de clientélisme et finance ses entreprises de déstabilisation au niveau régional.

«Les profits de la drogue sont à l’origine de réseaux de corruption et de clientélisme allant du village aux plus hauts niveaux des autorités de l’Etat, et que ces réseaux se prolongent jusqu’en Europe», a souligné cette étude. Les ravages que provoque le trafic du cannabis au Sahel ont fait l’objet de plusieurs alertes des Nations unies.

En avril dernier, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a affirmé que la résine de cannabis est l’une des trois drogues les plus répandues dans la région.

Dans un rapport intitulé «Trafic de drogue au Sahel : évaluation de la menace de la criminalité transnationale organisée», cet organisme onusien a fait état de l’augmentation substantielle de la production marocaine de résine de cannabis.  Cette substance prend plusieurs routes.

La plus connue et la plus directe est celle qui passe via l’Espagne pour toucher l’Europe, qui constitue le plus grand marché de la résine de cannabis. Le Maroc utilise aussi d’autres voies terrestres pour écouler ce poison en Mauritanie, au Mali, au Burkina, au Niger, au Tchad, en Afrique du Nord ou encore dans le golfe de Guinée.

Outre les revenus que lui génère ce trafic, le makhzen utilise le trafic de drogue comme une arme contre les pays de la région pour tenter de les déstabiliser et de les affaiblir en ciblant leurs populations jeunes.  
 

 

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