Fuyant la pauvreté extrême et des conditions de vie déplorables dues aux politiques despotiques du makhzen, des milliers de Marocains ont tenté, dimanche soir, de rejoindre l’enclave espagnole de Ceuta à partir de la ville de Fnideq, suscitant des interrogations sur cette marée humaine qui a déferlé à la frontière et sur la manœuvre de ce régime pour faire chanter l’Espagne.
Des vidéos diffusées par des militants marocains et des médias locaux ont montré les forces de sécurité à Fnideq (nord du Maroc) pourchassant de jeunes migrants clandestins en quête d’une vie meilleure sur l’autre rive après avoir tenté vainement de vivre dignement dans le royaume.
Selon des médias locaux, de nombreuses familles marocaines se sont rendues, tard dans la soirée de dimanche, au point de passage terrestre pour rechercher leurs proches et s’enquérir de leur sort, se demandant s’ils étaient dans des postes de police, s’ils avaient été déportés vers d’autres villes, ou s’ils avaient réussi à traverser, alors que des dizaines de jeunes continuaient de se cacher dans les montagnes attendant le moment opportun pour franchir la frontière. Les premières estimations font état de l’arrestation de près de 5000 Marocains dans l’opération sécuritaire qui a suivi l’appel anonyme à la migration collective le 15 septembre, a déclaré à la presse le président de l’Observatoire du Nord pour la démocratie, Mohamed Benaïssa, précisant que la plupart des personnes arrêtées étaient des enfants, des mineurs et des jeunes de 20 ans.
Dans un article intitulé «Le Marocain, migrant dans son propre pays», le journaliste Younès Meskine a indiqué que la migration vers Ceuta, bien plus qu’une simple quête d’opportunités économiques ou la réponse à un appel, reflète le désir qu’ont les jeunes de trouver un environnement qui leur assure la stabilité sociale. «Ces jeunes se sentent menacés dans leur pays par l’instabilité en raison du chômage et de l’absence de perspectives claires», a-t-il écrit, estimant que «ces tentatives de migration montrent que le Maroc n’assure pas à ses enfants la protection sociale à laquelle ils aspirent : ni logement, ni travail, ni prise en charge sanitaire». «Ces jeunes ne trouvent pas dans leur pays les moyens de vivre dignement, c’est pourquoi ils vont les chercher ailleurs au péril de leur vie», a-t-il poursuivi.
L’arme des migrants
Ce qui s’est passé dimanche soir est bien plus qu’une tentative des Marocains de fuir la misérable réalité dans le royaume. C’est une tentative du makhzen de faire pression sur Madrid en utilisant la carte de la migration clandestine pour qu’il accède à ses demandes, même si elles sont contraires au droit international, estiment les observateurs, qui s’interrogent sur la marée humaine qui a déferlé à la frontière entre le Maroc et l’Espagne en réponse à un appel sur les réseaux sociaux.
Il n’est pas exclu que l’arrivée de milliers de Marocains dans la zone frontalière entre le Maroc et l’Espagne soit un message du makhzen au gouvernement de Pedro Sanchez pour dire que toute action qui irait à l’encontre de ses intérêts, que ce soit au Sahara occidental ou ailleurs, sera suivie de vagues de migrants clandestins. Pour rendre le message encore plus clair, les forces de sécurité du makhzen ont réprimé les jeunes qui tentaient de migrer et emprisonné plusieurs d’entre eux pour montrer que le Maroc «protège les frontières européennes», comme l’affirment plusieurs organisations marocaines et internationales de défense des droits de l’homme.
Le Maroc avait déjà utilisé la carte de la migration clandestine contre l’Espagne, lorsque cette dernière avait accueilli le président de la République arabe sahraouie en 2022 dans un de ses hôpitaux, ce qui avait provoqué une crise avec le Maroc, suivie d’un vaste chantage ayant amené le Premier ministre espagnol à reconnaître la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. L’ancienne ministre espagnole des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a d’ailleurs parlé du chantage exercé par le Maroc sur son pays pour l’amener à changer de position vis-à-vis de la question du Sahara occidental en utilisant le dossier migratoire comme moyen de pression, en plus du chantage exercé par le makhzen à l’aide du logiciel sioniste Pegasus utilisé pour espionner les responsables, les militants des droits de l’homme et les journalistes européens.
Le Maroc utilise également les migrants africains pour faire pression sur l’Espagne et l’amener à changer ses positions en sa faveur. Les forces de sécurité marocaines avaient, rappelle-t-on, commis un effroyable massacre, le 24 juin 2022, en réprimant de manière sanglante les migrants africains qui tentaient de rejoindre l’enclave espagnole de Melilla, dont des dizaines ont été tués.