L’immobilier est confronté à un énorme déficit dans le financement de ses plans de neutralité carbone, et il y aura une opportunité en 2025 afin d’initier des projets de décarbonation et d’accélérer la transition vers une économie à faible émission de carbone.
En effet, et selon une étude du Forum économique mondial (FEM), il ne s’agit pas seulement d’investissements en capital, mais plutôt d’utiliser la dette comme levier pour soutenir l’action. Plus de 90% des 5,8 billions de dollars de dette immobilière émise au cours des cinq dernières années ne sont assortis d’aucun indicateur-clé de performance (KPI) climatique, vient de révéler cette organisation internationale. Longtemps considérées comme faisant partie du problème du changement climatique, les institutions financières sont particulièrement bien placées pour stimuler la décarbonation de l’immobilier.
Cela peut être réalisé en débloquant des fonds pour rénover avec succès 80% des bâtiments existants qui seront encore là en 2050, ce qui permettra de gérer les risques plus efficacement, a-t-on souligné. L’étude estime que rien que dans les pays du Nord, les propriétaires d’immobilier commercial auront besoin de près de 2000 milliards de dollars de financement par emprunt au cours des deux prochaines décennies pour rénover les immeubles de bureaux.
Pour le marché industriel de l’Europe, du Moyen-Orient et de l’Afrique (EMEA), il faudra 80 milliards de dollars, rien que pour mettre à niveau le stock existant de plus de 10 ans. «Pourtant, l’argent est là – il s’agit simplement de le rendre disponible d’une manière qu’il y ait du sens pour les prêteurs, les emprunteurs et l’environnement», estiment les experts du FEM. Selon l’étude, et même avec un nombre croissant d’engagements en faveur de la neutralité carbone, le recours à la finance verte reste faible.
En effet, sur les 7,1 billions de dollars de dette durable émise au cours des cinq dernières années, seulement 7% étaient dans l’immobilier, et seulement 12% des obligations vertes étaient utilisées pour décarboner les bâtiments. Cela est dû en partie à un manque d’alignement des parties prenantes sur les prix et la stratégie, a-t-on estimé. Et d’ajouter que les offres actuelles de financement vert n’offrent souvent pas d’incitations suffisantes aux emprunteurs.
«Les partenariats entre les banques, les emprunteurs et les conseillers immobiliers pourraient mieux façonner les conditions de prêt pour encourager l’adoption, les conseillers s’assurant que les indicateurs-clés de performance spécifiques aux actifs démontrent les avantages directs», a-t-on recommandé.
Relever le défi des données des prêteurs
Par ailleurs, le FEM recommande au monde bancaire d’évoluer dans d’autres domaines. Selon lui, de nombreux prêteurs sous-estiment, aujourd’hui, le risque de mauvaise performance en matière d’émissions et d’obsolescence des bâtiments. Cet oubli constitue une menace pour leurs portefeuilles de prêts et entrave le flux de financement pour les projets de rénovation à grande échelle.
Le problème réside, selon l’étude, dans la collecte de données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) précises sur les bâtiments, ce qui est crucial pour évaluer les risques futurs au-delà des valorisations actuelles du marché et éviter de détenir des prêts pour des actifs échoués.
Et d’indiquer qu’une analyse de 46 600 bâtiments dans 14 villes montre que 65% des immeubles de bureaux et 75% des immeubles multifamiliaux sont confrontés à un risque d’échouement d’ici 2030 si aucune mesure n’est prise pour améliorer les performances des bâtiments.
Et afin de combler ce manque d’information, des capacités de modélisation avancées, telles que celles offertes par les conseillers immobiliers, aident de plus en plus les banques et les prêteurs à évaluer et à atténuer les risques, indique-t-on. Et de souligner que si certains prêteurs négligent encore les risques de transition, ce n’est pas le cas des organismes de réglementation puisqu’à partir de janvier 2025, les normes internationales d’évaluation (IVS) exigent que les évaluations incluent des facteurs liés aux facteurs ESG.
Selon le FEM, ce changement permettra aux banques d’identifier les actifs sous-performants, d’estimer les dépenses d’investissement nécessaires et de collaborer avec les propriétaires d’immeubles pour développer des produits de financement liés à la durabilité, ce qui stimulera les investissements visant à améliorer la performance des bâtiments. Enfin, l’étude estime que le secteur privé ne peut pas débloquer uniquement des financements verts à grande échelle.
Les gouvernements ont un rôle crucial à jouer en fournissant des mécanismes de financement direct, en cultivant des partenariats public-privé et en créant des politiques transparentes. La plupart des prêteurs veulent plus de réglementation dans ce domaine, a-t-on estimé.
Et de conclure que l’immobilier dispose de tous les outils, de l’expertise et de la technologie nécessaires pour se décarboner efficacement. «Les banques ont le pouvoir de stimuler l’innovation, d’encourager les rénovations écologiques et de remodeler l’ensemble du paysage du financement immobilier», a-t-on fait savoir.