Dans les écoles de Caracas, les enfants apprennent à survivre aux fusillades

02/03/2023 mis à jour: 19:02
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Lors des exercices, les enfants apprennent à adopter les meilleures attitudes possibles, comme se coucher par terre là où ils se trouvent ou ramper vers «un espace sûr»

Un bruit comme des détonations retentit tout à coup à l’extérieur de la salle de classe et tous les enfants se jettent au sol, se couvrant la tête avec leurs mains. Dans cette école d’un des quartiers les plus violents de Caracas, cet exercice de simulation de fusillade est devenu une routine.  Les coups de feu factices proviennent d’une feuille de métal frappée sans discontinuer pendant l’exercice. La réaction des élèves, désormais habitués, est immédiate et coordonnée. Certains se couchent par terre dans le couloir où ils se trouvent, d’autres, en récréation, courent se mettre à l’abri dans les salles de classe ou rampent vers «un espace sûr», contre un mur de la cour de cette école primaire et secondaire du tentaculaire bidonville de Petare, où sévit une forte criminalité. Quelques jours plus tôt, une fusillade entre gangs à proximité de l’école Manuel Aguirre a interrompu la journée de classe et suscité une grosse frayeur. Une cloche sonne la fin de l’exercice, qui a duré une vingtaine de minutes. Il sera répété dans deux mois. «Tout comme nous enseignons à lire et à écrire, nous devons donner aux enfants des outils pour qu’ils puissent se protéger», explique à l’AFP Yanet Maraima, directrice de l’école de 900 élèves. Selon elle, il est important que les enfants puissent aussi appliquer ce réflexe sécuritaire «à la maison» si nécessaire. L’exercice est dispensé par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui le répète dans de nombreuses écoles de la capitale. A Petare, quartier de maisons aux murs de briques nues et aux toits de zinc construites à flanc de colline, la violence entre bandes de trafiquants de drogue est tellement commune que les enfants savent distinguer avec une facilité déconcertante le type d’arme en fonction de la détonation, ainsi que la distance approximative du coup de feu. «C’est dangereux ici», dit Breylis Breindenbach, 16 ans. «Parfois, j’ai peur de venir à l’école», confie-t-il. En l’absence de statistiques officielles, l’Observatoire vénézuélien de la violence a recensé en 2022 à Petare un taux de 80 morts violentes pour 100 000 habitants, soit plus du double d’un taux national déjà alarmant (35,3 pour 100.000 habitants, soit six fois la moyenne mondiale).  Dans le même quartier, Marisela Mujica, dirige une prière à l’école Jesus Maestro. «Nous avons eu une semaine tendue, nous allons prier pour la paix», dit la religieuse aux élèves réunis dans la cour. «Que voulons-nous ? », lance-telle à l’assistance. «La paix !» répondent en schœur les enfants. L’école Jesus Maestro accueille 722 élèves de maternelle et primaire. Mais lors de pics de règlements de comptes entre gangs, moins de 200 sont envoyés en classe. «On ne s’habitue jamais aux coups de feu, on vit avec ce stress constant», explique à l’AFP la directrice, Ivonne Gonzalez. A Petare, «l’arme est la loi. Nous devons nous battre pour que les enfants voient la vie différemment», renchérit Marisela Mujica. La religieuse va de classe en classe pour répéter les consignes de sécurité. «Quelle est la première chose que nous devons faire» en cas de fusillade ? demande-t-elle à un groupe d’élèves. «Rester calme», lui répond une jeune fille. Pour la directrice, le plus important est que les enfants assimilent les bons réflexes. Elle raconte qu’un élève lui a récemment dit s’être retrouvé au milieu d’une fusillade en pleine rue. «Qu’as-tu fait ?», lui a-t-elle demandé. «Je me suis jeté au sol et me suis glissé sous une voiture», lui a-t-il répondu. De tels exercices de sécurité dans les écoles sont monnaie courante en Amérique latine, comme au Brésil et au Mexique. A Rio de Janeiro, ils sont dispensés depuis 2009 dans plus de 1.500 écoles situées dans des zones où sévissent gangs ou milices d’autodéfense. «Avoir une formation pour vivre dans ce genre d’environnement est très important», assure à l’AFP Renan Ferreirinha, conseiller municipal à l’Education de Rio, «mais espérons qu’un jour ce ne sera plus nécessaire».

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