Les institutions nord-irlandaises ont déjà connu trois ans de paralysie, sur fond de scandale financier, avant qu’un accord ne permette le rétablissement de leur fonctionnement en janvier 2020.
Le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a exhorté hier, sans résultat tangible, unionistes et républicains en Irlande du Nord à s’entendre pour mettre fin à la paralysie politique, rapporte l’AFP. Paralysie provoquée par les contrôles post-Brexit, sur fond de tensions avec l’Union européenne (UE).
Dix jours après la victoire historique des républicains du Sinn Fein aux élections locales, le Premier ministre britannique a rencontré, au château à Belfast, les responsables des formations politiques de cette province britannique Son objectif était les convaincre de «retourner au travail» pour régler les problèmes quotidiens de la population, les institutions nord-irlandaises étant à l’arrêt.
Les adeptes du Parti unioniste démocrate (DUP) ont en effet refusé de participer à l’exécutif local, pourtant censé être partagé en vertu de l’accord de paix de 1998 qui a mis fin à trois décennies de conflit sanglant.
Et ils ont bloqué le fonctionnement de l’Assemblée d’Irlande du Nord en ne rendant pas possible pour le moment l’élection de son président. Les unionistes, attachés à l’union avec la Grande-Bretagne, entendent ainsi protester contre le protocole nord-irlandais, l’accord signé entre Londres et Bruxelles pour répondre à la délicate question de la frontière entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne après le Brexit.
Ce texte crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne, en mer d’Irlande, et menace, selon eux, la place de cette province au sein du Royaume-Uni. Après avoir rencontré Boris Johnson, hué à son arrivée par 200 manifestants, la présidente du Sinn Fein, Mary Lou McDonald, a décrit une rencontre «assez difficile» qui n’a pas apporté de «réponses claires». Selon elle, «malgré toute la rhétorique du gouvernement britannique sur le rétablissement de l’exécutif ici dans le Nord, sa priorité est en fait d’apaiser le DUP».
De son côté, le chef du DUP, Jeffrey Donaldson, a réclamé des «actes» et non des «mots» : «Je veux voir le gouvernement promulguer une loi qui apportera la solution dont nous avons besoin.» La cheffe de la diplomatie, Liz Truss, doit présenter aujourd’hui le «raisonnement» du gouvernement au Parlement, a fait savoir Downing Street, qui a mis l’accent sur la nécessité de «progresser urgemment».
Selon la presse britannique, Londres pourrait annoncer un projet de loi permettant au gouvernement de suspendre unilatéralement certaines parties du protocole en invoquant son article 16. Son adoption prendrait des semaines et ouvrirait la voie à une longue période de crise entre l’UE et Londres, mais aussi en Irlande du Nord.
Protéger l’accord de paix
Invoquant les tensions politiques en Irlande du Nord et des perturbations dans les échanges commerciaux, le gouvernement britannique veut renégocier en profondeur le protocole avec l’UE, qui se dit seulement prête à des aménagements.
Londres agite la menace d’actions unilatérales pour outrepasser cet accord. Une telle position est inacceptable pour l’UE, qui reproche à Boris Johnson de revenir sur un traité signé en connaissance de cause, quitte à violer le droit international, et menace de sévères représailles commerciales. «J’espère que la position de l’UE changera», a écrit Boris Johnson dans une tribune parue dans le Belfast Telegraph, sans quoi «il sera nécessaire d’agir» pour protéger l’accord de paix du Vendredi Saint de 1998.
Les institutions nord-irlandaises ont déjà connu trois ans de paralysie, sur fond de scandale financier, avant qu’un accord ne permette le rétablissement de leur fonctionnement en janvier 2020. A son arrivée à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles, le chef de la diplomatie irlandaise, Simon Coveney, a mis en garde contre «des mesures unilatérales ou des menaces de mesures unilatérales» qui violeraient le droit international.
De tels actes sont «la dernière chose dont l’Europe a besoin, alors que nous travaillons si bien ensemble face à l’agression russe» en Ukraine, a-t-il ajouté, soulignant que le protocole nord-irlandais et l’accord de libre-échange conclu entre Londres et Bruxelles sont «liés».