Le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord a répété hier qu’il revient à l’Union européenne (UE) d’assouplir sa position pour résoudre le différend sur les dispositions post-Brexit dans cette province britannique en crise politique, rapporte l’AFP citant des médias.
Le gouvernement britannique a provoqué la colère de Bruxelles et Washington en menaçant d’agir unilatéralement pour modifier le protocole nord-irlandais, conclu dans le cadre du Brexit et prévoyant des contrôles douaniers spécifiques pour la province britannique.
Londres tente ainsi d’apaiser le mécontentement des unionistes nord-irlandais qui refusent de participer à un nouveau gouvernement à Belfast, dirigé pour la première fois par les républicains du Sinn Fein après leur victoire aux élections locales du 5 mai, si le protocole n’est pas modifié. Interrogé par le journal Sunday Telegraph, le ministre chargé de l’Irlande du Nord, Brandon Lewis, a dit redouter que l’absence d’un exécutif en Irlande du Nord ne se prolonge, si Bruxelles ne cède pas du terrain. «J’ai moi-même fait valoir ce point auprès de l’UE avant les élections.
A mon avis, il était beaucoup plus facile d’obtenir un accord avant les élections qu’après», a-t-il dit au journal. «L’idée que ça allait être plus facile après les élections était folle de la part de l’UE», a-t-il ajouté.
Le protocole a été signé pour protéger le marché unique européen après le Brexit sans provoquer le retour d’une frontière dure entre l’Irlande du Nord britannique et la République d’Irlande européenne, et ainsi préserver la paix conclue en 1998 avec l’accord du Vendredi saint, après trois décennies de troubles sanglants entre unionistes et républicains. Londres souhaite renégocier en profondeur ce protocole.
L’UE, qui a redit vendredi sa volonté d’aboutir à des «solutions communes», est prête seulement à des aménagements. Ce texte crée une frontière douanière de fait avec la Grande-Bretagne et menace, selon les unionistes, la place de la province au sein du Royaume-Uni à laquelle ils sont viscéralement attachés.
Après que Londres a précisé ses intentions, la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, a exprimé sa «profonde inquiétude», prévenant que le Congrès américain bloquerait un accord de libre-échange convoité par le Royaume-Uni si la paix était menacée. Samedi, la cheffe de la diplomatie britannique, Liz Truss, a accueilli une délégation de parlementaires américains menée par le démocrate Richard Neal.
Ce dernier a évoqué sur Twitter une «franche discussion concernant notre devoir de protéger la paix et la stabilité sur l’île d’Irlande». Il a appelé «à des négociations de bonne foi avec l’UE pour trouver des solutions durables au commerce post-Brexit entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord». Mme Truss a dit sur Twitter avoir discuté avec lui de l’«engagement indéfectible» du Royaume-Uni envers l’accord du Vendredi saint.
Selon le journal The Observer, la ministre a cependant déclaré à la délégation américaine que Londres ne pouvait pas laisser l’impasse politique «s’éterniser» en Irlande du Nord.
Héritage
L’Irlande est divisée en deux depuis 1921 et la guerre d’indépendance. La partition entre le Nord, rattaché au Royaume-Uni, et le Sud, qui forme la République d’Irlande, a conduit à trois décennies de troubles sanglants (entre la fin des années 1960 et la fin des années 1990) entre nationalistes (catholiques), partisans de la réunification, et unionistes et loyalistes (protestants), défenseurs du rattachement de l’Irlande du Nord à la couronne britannique.
L’accord du Vendredi saint, en 1998, a mis fin à cette guerre civile qui a causé la mort de 3500 personnes. Depuis, le gouvernement d’Irlande du Nord doit être dirigé conjointement par les nationalistes et les unionistes.
Le Brexit est venu perturber ce fragile équilibre. En avril 2021, puis en février dernier, les Premiers ministres unionistes d’Irlande du Nord, Arlene Foster et Paul Givan, mécontents de la situation post-Brexit, ont successivement démissionné, entraînant de nouveau une paralysie de l’exécutif local (la province britannique était déjà restée sans gouvernement ni Parlement entre 2017 et 2020).
Le rétablissement des contrôles douaniers dans les ports nord-irlandais, comme si la frontière entre l’Union européenne et le Royaume-Uni était située en mer d’Irlande, est rejeté par les unionistes, opposés à une mesure qui les met symboliquement à l’écart de leur mère patrie.