A l’appel du collectif citoyen Aar Sunu Election (Protégeons notre élection), des milliers d’opposants ont pu manifester hier dans le calme à Dakar, rapporte l’AFP. Il s’agit de la première marche autorisée depuis l’annonce, il y a deux semaines, par le président Macky Sall du report de la présidentielle du 25 février, décision ensuite invalidée par le Conseil constitutionnel.
Les manifestants ont brandi des pancartes traduisant leurs revendications : «Respect du calendrier électoral», «Non au coup d’Etat constitutionnel», «Free Sénégal». Les gendarmes ont quadrillé tout le secteur de la marche, mais contrairement aux précédentes manifestations interdites, ils ne portaient pas de tenue antiémeute.
L’opposition criait depuis début février au «coup d’Etat constitutionnel». Mais depuis la décision jeudi du Conseil constitutionnel d’invalider le report de l’élection au 15 décembre et d’exiger qu’elle se tienne «dans les meilleurs délais», ce qu’a accepté le président Macky Sall, la situation s’est apaisée, comme en témoigne l’autorisation de cette manifestation. «Le mot d’ordre aujourd’hui c’est la mobilisation», a déclaré Malick Gakou, candidat à la présidentielle qui participe à la marche.
«L’Etat du Sénégal n’a plus le droit à l’erreur et il doit organiser l’élection au mois de mars pour que la passation de service entre le président Sall et le nouveau Président puisse se faire le 2 avril», date de la fin du mandat du chef de l’Etat. Bien qu’absent, Ousmane Sonko, leader de l’opposition emprisonné, très populaire auprès des jeunes, est omniprésent parmi les marcheurs qui chantent la célèbre chanson Sonko namenaaalaa (Sonko, tu nous manques). Les précédentes manifestations organisées pour s’opposer au report et au vote de députés fixant la date du scrutin au 15 décembre, toutes interdites, avaient donné lieu à des violences et de nombreuses arrestations. Trois personnes ont été tuées le 9 février.
Pour des élections «libres»
La communauté internationale a fait part de son inquiétude et appelé à la tenue le plus rapidement possible de la présidentielle. Hier, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a souhaité la tenue d’«élections inclusives, libres et transparentes» dans les meilleurs délais. Le mandat de Macky Sall s’achèvera le 2 avril et la présidentielle devrait théoriquement se tenir avant. Le chef de l’Etat a indiqué qu’il entendait mener «sans tarder les consultations nécessaires pour l’organisation de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais», conformément à la décision du Conseil constitutionnel.
Chacun s’accorde à dire, y compris la Cour constitutionnelle qui n’a pas fixé de date, que l’élection n’est plus possible le 25 février. Autre inconnue à part la date, l’identité des candidats à la présidentielle. Les «Sages» ont homologué en janvier 20 candidatures, et en avaient invalidé des dizaines d’autres, Or les vives contestations auxquelles a donné lieu ce processus et les accusations de corruption portées contre le Conseil par le candidat disqualifié Karim Wade ont été l’un des arguments du camp présidentiel pour reporter l’élection.
Pour K. Wade et d’autres candidats éliminés, le report est une nécessité ou une aubaine. Par ailleurs, après la libération ces derniers jours de plusieurs dizaines d’opposants, la pression pourrait rapidement augmenter pour que soit aussi relâché le candidat antisystème et membre du Pastef (dissous) Bassirou Diomaye Faye, prétendant sérieux à la victoire bien que détenu.