Crise malienne : «La situation sécuritaire s’améliore mais la liberté d’expression recule»

23/02/2022 mis à jour: 02:30
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Annonçant faire de la lutte contre la corruption une priorité, les militaires ont arrêté plusieurs hommes et femmes politiques, dont l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga.

Le Mali connaît une «amélioration tangible dans le domaine sécuritaire», mais il y règne un «climat délétère» de recul de la liberté d’expression, a estimé hier un expert indépendant de l’ONU après une visite dans le pays. «Pour la première fois» depuis 2018, «j’ai noté une amélioration tangible de la situation sécuritaire», a déclaré hier Alioune Tine, expert indépendant de l’ONU sur la question des droits humains au Mali, lors d’une visioconférence depuis Dakar.

Il a étayé ses propos en arguant d’une baisse du nombre de personnes déplacées (d’environ 400 000 en septembre à 350 000 en décembre, selon l’ONU) et d’une baisse des violations recensées par l’ONU des droits humains sur le dernier semestre 2021.

Ces «améliorations tangibles» ne doivent «pas occulter les défis sérieux», a-t-il relevé, notamment avec une présence de groupes djihadistes «qui continuent d’attaquer, de tuer et d’enlever des civils».

Selon des sources locales, une quarantaine de civils ont été tués mi-février par le groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS, affilié à l’organisation Etat islamique) dans la région de Tessit, dans la partie malienne de la zone dite des trois frontières, aux confins du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Huit militaires maliens et «une soixantaine» de djihadistes sont décédés lors de combats dans la même zone vendredi, selon Bamako.

Bombe sociale

Alioune Tine a également mis en garde contre une «bombe sociale» qui «se profile à l’horizon» avec la fermeture, par les mêmes groupes radicaux, d’écoles. Le nombre d’élèves affectés a augmenté en 2021, a-t-il rappelé, de 400 000 à 500 000 entre janvier et décembre, selon l’ONU. M. Tine a expliqué s’être rendu du 7 au 18 février à Mopti et Tombouctou et avoir rencontré une large part des acteurs socio-politiques maliens à Bamako.

«Tous sont unanimes qu’il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion dissidente sans courir le risque d’être emprisonné ou lynché sur les réseaux sociaux», a-t-il estimé hier, en exprimant sa «profonde préoccupation par rapport au rétrécissement de l’espace civique».

Annonçant faire de la lutte contre la corruption une priorité, les militaires ont arrêté plusieurs hommes et femmes politiques, dont l’ex-Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga. Evacué en décembre de la prison vers une clinique bamakoise en raison de son état de santé, il a perdu 20 kilos et nécessite une évacuation, selon M. Tine.

Ce «climat délétère a mené plusieurs acteurs à l’autocensure par crainte de représailles des autorités maliennes de transition et/ou de leurs sympathisants», a-t-il encore déclaré, estimant que des «menaces réelles pèsent (notamment) sur l’activité des défenseurs des droits de l’homme».

Les enquêtes sur les présumées violations des droits humains par des acteurs du conflit au Mali, notamment l’armée malienne, sont de plus en plus rares. «Quand vous sortez quelque chose (une enquête, ndlr) vous êtes assaillis puis lynchés par les médias, surtout les médias sociaux», a dénoncé M. Tine. Les partenaires européens, dont la France, ont annoncé jeudi se retirer du Mali, où l’armée affirme engranger victoire sur victoire depuis plusieurs mois.

Le Mali est dirigé par des militaires depuis qu’ils ont renversé, en août 2020, le président Ibrahim Boubacar Keïta. Sous embargo de ses voisins ouest-africains pour ne pas avoir respecté son engagement d’organiser des élections fin février, le Mali est en négociations avec la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest sur la durée de la «transition». Lundi, le Parlement nommé par les militaires a entériné que la période de transition pourrait durer jusqu’à cinq ans. Un délai jugé «inacceptable» par la Cédéao.


 

 

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