Jeudi, la Russie a utilisé son droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies pour éliminer un groupe d’experts de l’ONU qui surveillait les efforts de la Corée du Nord pour échapper aux sanctions liées à son programme nucléaire depuis 15 ans.
L’attitude de la Russie à l’égard du groupe est un fait nouveau. Moscou a souvent salué, par le passé, les rapports détaillés du groupe sur les violations des sanctions et a considéré le programme nucléaire de Pyongyang comme une menace pour la sécurité mondiale. L’attitude de Moscou n’est pas difficile à comprendre. Récemment, le panel a fourni des preuves éclatantes de la manière dont la Russie maintient la Corée du Nord à flot (fourniture de carburant et autres marchandises) vraisemblablement en échange d’obus d’artillerie et de missiles que le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un expédie en Russie.
Le groupe a produit des images satellite de transferts de pétrole d’un navire à l’autre, montrant comment la guerre en Ukraine s’est avérée être une aubaine pour le Nord. Le démantèlement apparent du groupe, qui n’avait aucun pouvoir coercitif, est une preuve supplémentaire de la manière dont ce qui était autrefois un effort mondial visant à limiter la prolifération nucléaire s’est rapidement érodé au cours des deux dernières années. Ce changement est important puisque jusque-là, Washington et Moscou ont fait cause commune pour empêcher la Corée du Nord d’étendre son arsenal d’armes nucléaires. Aujourd’hui, cela s’est effondré.
«C’est un changement remarquable», a déclaré Robert Einhorn, un responsable du département d’Etat sous l’Administration Obama, aujourd’hui chercheur principal à la Brookings Institution. «Pendant une grande partie de la période post-Guerre froide, les Etats-Unis, la Russie et la Chine ont été partenaires pour relever les défis de la prolifération, notamment avec la Corée du Nord et l’Iran. Ils étaient pleinement du côté américain et européen lors des négociations avec l’Iran et ont aidé la Corée du Nord pendant la période de «feu et de fureur» en 2016 et 2017, a-t-il déclaré. A cette époque, la Russie votait régulièrement des sanctions contre la Corée du Nord, tout comme la Chine. Mais comme l’a souligné M. Einhorn, cette unité s’est brisée avec la réémergence de la concurrence entre grandes puissances.
Le partenariat visant à contenir les menaces nucléaires, même celles de la Corée du Nord, dont les installations nucléaires posent un défi à la sécurité de la Chine et de la Russie, a disparu. La Russie aide désormais la Corée du Nord à échapper aux sanctions. Ni Moscou et ni Pékin ne s’emploient activement à faire pression sur l’Iran pour qu’il ralentisse son accumulation d’uranium enrichi, étape cruciale nécessaire s’il décide un jour de fabriquer des armes nucléaires. Lorsque des résolutions ont été adoptées pour condamner la Corée du Nord pour ses tirs constants de missiles, la Russie et la Chine les ont rejetées. Mais la suppression du «comité d’experts», qui a commencé ses travaux en 2009, franchit une nouvelle étape dans la réduction de la pression sur le pays.