Le dirigeant Kim Jong-un a examiné des images prises par le premier satellite nord-coréen de «régions cibles», dont celles de la base militaire américaine de Pearl Harbor à Hawaï et de différents sites en Corée du Sud, a affirmé hier l’agence d’Etat nord-coréenne KCNA.
Pyongyang a réussi à placer en orbite un satellite militaire espion au début de la semaine, mais Séoul a estimé qu’il est trop tôt pour affirmer, comme le prétend Pyongyang, qu’il fonctionne. Selon les experts, un satellite espion opérationnel améliorerait la quête de renseignements nord-coréenne, en particulier sur son rival du Sud, en donnant accès à des données cruciales dans la perspective d’un conflit militaire.
Samedi, KCNA a rapporté que Kim Jong-un a examiné des images prises par son satellite baptisé «Malligyong-1» au-dessus de l’Etat américain de Hawaï vers 5h (20h GMT vendredi), dont celles «d’une base navale à Pearl Harbor, de la base aérienne de Hickam à Honolulu». Le dirigeant nord-coréen a également regardé des images satellite prises vers 10h (01h GMT) samedi, selon Pyongyang, au-dessus de la cité portuaire sud-coréenne de Busan, où est visible le porte-avions à propulsion nucléaire américain USS Carl Vinson.
Le bâtiment de guerre américain est arrivé dans la base navale de Busan mardi, selon l’armée sud-coréenne. Kim Jong-un a aussi passé en revue les «principales zones cibles dans la région ennemie», en référence au Sud, y compris Jinhae, Busan, Ulsan, Pohang, Daegu et Gangneung, a ajouté KCNA. Quelques heures après la mise en orbite mardi, Pyongyang a affirmé que Kim Jong-un a observé des images de bases militaires américaines à Guam. KCNA a également rapporté que le dirigeant nord-coréen a examiné vendredi des images des «principales régions cibles» du sud de la péninsule coréenne, en particulier Séoul et Pyeongtaek, où se trouvent des bases militaires sud-coréennes et américaines. Pyeongtaek, à environ 60 kilomètres de Séoul, abrite Camp Humphreys, la plus grande installation militaire américaine à l’étranger au monde. S’y trouve également la base aérienne d’Osan, où se situent le commandement des opérations de l’armée de l’air de Séoul et une base de l’US Air Force. Les images prises vendredi incluent également certaines zones du Nord, selon KCNA.
L’Administration nationale des technologies aérospatiales de la Corée du Nord devait effectuer un «réglage supplémentaire» de son satellite, a indiqué KCNA. La mise en orbite du satellite nord-coréen a entraîné la suspension, partielle par le Sud et totale par le Nord, d’un accord militaire conclu, il y a cinq ans, pour apaiser les tensions bilatérales. Vendredi, les plus hauts diplomates de Corée du Sud, du Japon et des Etats-Unis ont «fermement condamné le lancement» et «son effet déstabilisateur sur la région», a déclaré le département d’Etat américain dans un communiqué. Pyongyang «a eu recours à la technologie des missiles balistiques en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies», a-t-il ajouté.
Option « irréversible»
Après deux tentatives infructueuses, Pyongyang a reçu l’aide de Moscou pour réussir à mettre en orbite son satellite, selon les services de renseignement de Séoul. Le ministre sud-coréen de la Défense, Shin Won-sik, a déclaré jeudi que les satellites espions ne pouvaient pas produire de photographies dès le premier jour du lancement, mettant en doute les affirmations de Pyongyang, selon l’agence de presse sud-coréenne Yonhap. «Même si le satellite entre en orbite (avec succès), il faut un temps considérable pour effectuer une mission de reconnaissance normale», a-t-il expliqué sur une station de radio.
Pyongyang s’est vu interdire, par des séries successives de résolutions de l’ONU, de procéder à des essais utilisant la technologie balistique. Selon les analystes, il existe une concordance technologique importante entre les capacités de lancement dans l’espace et le développement de missiles balistiques.
«Si la Russie avait fourni à la Corée du Nord une caméra satellite de reconnaissance cette fois-ci, je pense qu’il serait possible d’identifier des objets dans un rayon d’au moins 2 mètres au sol», a déclaré Ahn Chan-il, un transfuge nord-coréen devenu résident de l’Union européenne (UE).Maintenant que Pyongyang a son satellite espion, la prochaine étape pour le Nord sera probablement de poursuivre le développement de ses «armes nucléaires stratégiques» en utilisant des capacités de lancement dans l’espace, a-t-il ajouté. Il y a un an, la Corée du Nord, qui avait déjà procédé à six essais nucléaires de 2006 à 2017, a annoncé une nouvelle doctrine rendant «irréversible» son statut de puissance nucléaire, et l’autorisant à mener une frappe atomique préventive en cas de menace existentielle contre son régime.
Le 2 septembre dernier, elle a organisé un exercice de «simulation d’attaque nucléaire tactique» avec des ogives atomiques fictives attachées à deux missiles de croisière à longue portée qui ont été tirés dans l’océan. L’agence KCNA a présenté cette opération comme une réponse aux activités militaires conjointes entre Washington et Séoul qui, selon elle, ont aggravé les tensions dans la région. Dans un discours rapporté le 28 du même mois par les médias d’Etat, le numéro un nord-coréen a déclaré que son pays a inscrit son statut d’Etat nucléaire dans la Constitution, «que personne n’est autorisé à bafouer».