Contribution / Rachid Kherouatou n’est plus : Un artiste au long cours

08/02/2022 mis à jour: 04:51
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Rachid Kherouatou à gauche avec Mohamed Ghernaout

La ville de Constantine vient de perdre l’un de ses plus illustres artistes en la personne de Rachid Kherouatou qui, rappelons-le, faisait partie d’une grande famille qui a marqué de son empreinte l’histoire artistique de la ville de Constantine, celle des frères Kherouatou, connue sous le nom de Gaïd Errahba. 

Les Kherouatou sont des mélomanes, férus de musique andalouse notamment le patrimoine citadin qu’est le Malouf. Ce dernier, qui signifie «fidèle à la tradition», demeure dans leurs cœurs, et pour toujours. Rachid, a vu le jour à Constantine le 1er septembre 1926 au n° 2 rue Bedeau Dar Gaïd Errahba dans le quartier mythique de Souika. 

Son père Mohamed-Salah, l’un des premiers dentistes prothésistes constantinois, était l’assistant du chirurgien-dentiste français Pierre Pourquié, avant d’ouvrir son propre cabinet au rez-de-chaussée de sa demeure Dar Gaïd Errahba. À ce moment, Rachid est employé à la municipalité, avant d’être influencé par le métier de son père, où il lui succéda jusqu’à sa retraite. D’ailleurs, son fils Dahmane est sur ses traces. 
 

Rachid, cet adepte de musique, intègre plusieurs troupes musicales qui répétaient tout près du quartier des tanneurs sur les rives du Rhumel. Au mois d’octobre 1949, Rachid Kherouatou figure parmi la liste des fondateurs de l’association Al Mezhar El Kasentini (La lyre constantinoise) auprès de Bendali Amor Mostefa, Ahmed Redha Houhou, Abderrahmene Ladjabi, Abdelmadjid Rahmouni, Benelghechi Khellil, Benladjila Salim, Belakehal Laroussi, Daoudi Malik, Acheuk Youcef Omar, Boughaba El Hacene, Cherifi Cherif, Madoui Brahim, Kharouatou Omar, Kharouatou Hamdani, Zadi Kaddour, Bouzzit Brahim, Laatafi Abdeslam, El Hadj Hocine Cherif, Mouloud Amine Khodja, Slimani, El Hadj Abdelmadjid et Tebitna. Au sein de l’orchestre de l’association Al Mezhar El Kasentini, il joue le rôle de métronome que dirigeait Daoudi Malik. Il n’en resta pas là puisqu’il s’est fait distinguer par son jeu, soit au luth arabe (el oud) ou bien la mandole. Un véritable régal pour les mélomanes. Parallèlement, il occupa plusieurs postes de responsabilité au sein de cette association, comme secrétaire adjoint au mois d’août 1951, réélu pour le même poste en 1952. Et avant le déclenchement de la Guerre de libération nationale en 1954, il est délégué de la section musicale. 

La plupart des frères Kherouatou sont des passionnés d’art et de musique. En témoigne le frère ainé, lui-même membre fondateur de ladite association, où il jouait du violon et faisait de la comédie. Benelghechi Khellil le responsable de la section théâtrale lui confia un rôle dans un sketch donné au théâtre municipal le 25 juin 1949 intitulé Le mariage de Rozina avec comme comédiens, Salhi Messaoud, Haddad Omar, Bencharif, Benmabrouk Tahar, Redouane Hamdani, Slimani Rachid et Bouderballa Hacène. Le troisième de ses frères Khodja continua sur la même lancée en se passionnant de la musique. 

Le moins jeune a pour prénoms Hamdani, il chante et en même temps un grand percussionniste. Quand à Sid Ali, il a fait de la mandole et la mandoline ses instruments préférés. Et pour clore il ne faut pas oublier Slimane, grand pianiste devant l’éternel. D’autre part, son cousin Kamel n’est pas en reste ainsi que son oncle Mahmoud qui jouait de la clarinette et la flute au sein de la troupe de l’association Echabab el feni sous la férule de si Brahim El Amouchi. D’ailleurs, Mahmoud est considéré comme la muse qui leur a inculqué les fondamentaux de la musique. 
 

Pour préparer les festivités du 5 juillet 1962, les artistes de la ville de Constantine se sont réunis en assemblée le 5 juin 1962 sous la présidence de Mohamed Chaker et Amor Bendali, afin de créer le groupement artistique constantinois GAC. Rachid Kherouatou répond à l’appel de cette initiative auprès de grandes figures artistiques constantinoise comme Abderrahmane Bencharif, Malik Daoudi, Rachid Benkhouiete, Abdelaziz Doudache, Abdelmadjid Djezar, Mohamed Salah Benachour, Cherif Benchari, Abdelmoumene Bentobal, Badadi Cherouat. En 1966, Rachid Kharouatou rejoint l’orchestre pilote constantinois sous la direction de Amouchi Brahim. Ensuite, en 1967 sous la direction de Kaddour Darssouni. Il a même joué sous la direction d’Abdelkader Toumi. 

Rachid Karouatou fait partie d’une génération qui a préservé le patrimoine musical en le transmettant d’une manière saine au milieu des mélomanes. Il a fait valoir son talent d’artiste musicien à travers tous les grands orchestres andalous, avec son sourire légendaire tout en maniant el oud avec une facilité déconcertante. Rachid Kherrouatou nous quitte au moment de la prière d’El Fedjr du 2 février 2022 à l’âge de 95 ans. En laissant derrière lui cinq enfants, dont deux filles et trois garçons. Smaine, violoniste, Kadour percussionniste et Abderrahmane luthiste. Il a tout donné sans contrepartie aucune. Il a fait du bénévolat son Violon d’Ingres. Repose en paix Si Rachid.

 

Par Mohamed Ghernaout ,  Enseignant et auteur d’ouvrages 
sur le théâtre algérien
 

 

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