Conquête de l’espace : Etats-Unis et Chine fourbissent leurs armes

14/01/2023 mis à jour: 04:44
AFP
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La taïkonaute Wang Yaping quitte la capsule du vaisseau spatial Shenzhou-13 après son atterrissage en Mongolie, le 16 avril 2022

En 2023, la Chine poursuit de manière méthodique et accélérée la mise en œuvre de son programme spatial. Certes, actuellement, les préoccupations terrestres ne manquent pas. Elles vont de la nécessité de soutenir l’économie du pays jusqu’à l’obligation de mesurer les effets de la levée des contrôles anti-Covid, en passant par le souci de se tenir à distance des actions russes en Ukraine. Mais tout cela ne doit pas, vu de Pékin, entraver l’ambition de conquête de l’espace que la Chine s’est fixée.

Le 29 décembre dernier, la base de lancement de Xichang, dans la province du Sichuan au sud-ouest de la Chine, s’est félicitée d’avoir envoyé avec succès une fusée Longue Marche 3B, qui a placé en orbite un satellite géostationnaire expérimental. Il s’agissait du 53e lancement réalisé en 2022 par la Société de sciences et technologies aérospatiales de Chine (CASC). L’agence de presse officielle Xinhua souligne qu’au total «la Chine a envoyé plus de 140 engins spatiaux dans l’espace en 2022, avec un taux de réussite de 100%. Ce record a établi de solides fondations pour faire de Pékin une puissance spatiale majeure au niveau mondial.» Il y a cependant, parfois, des chutes incontrôlées de débris sur Terre. Comme en novembre dernier, quand une fusée chinoise au lancement réussi s’est finalement écrasée aux Philippines. Mais les performances chinoises les plus spectaculaires sont réalisées à partir de la base de lancement de Jiuquan, dans le désert de Gobi, au nord de la Chine. C’est de là que partent les nombreux vols spatiaux, eux aussi lancés dans le cadre du programme spatial chinois, géré conjointement par l’administration spatiale nationale chinoise, qui planifie les vols, et la CASC, qui les met en œuvre.

Des sondes et des hommes

Après avoir envoyé un engin spatial sur la surface lunaire en 2013, Pékin a réitéré en 2020 avec Chang’e 5, du nom de la déesse de la Lune dans la mythologie chinoise. Il a rapporté sur Terre des échantillons de sol lunaire, ce que personne n’avait fait depuis la dernière mission Apollo en 1972. Puis, en janvier 2019, la Chine a été le premier pays à faire se poser une sonde spatiale (Chang’e 4) sur la face cachée de la Lune, afin de recueillir des données sur cette zone invisible depuis la Terre. C’est la première fois que les scientifiques chinois innovent, sans emprunter un trajet déjà effectué par les Américains ou les Russes. Parallèlement à ces différentes missions interplanétaires, la Chine organise le renforcement de sa présence dans l’espace. Elle a achevé, en 2022, la mise en place d’une station spatiale en orbite terrestre et prévoit d’établir une station de recherche lunaire autonome près du pôle Sud de la Lune en 2025. Pékin a également annoncé son objectif d’envoyer des taïkonautes sur la Lune d’ici à 2030, le projet étant d’y installer une présence humaine permanente. Par ailleurs, une centrale solaire doit être construite dans l’espace afin d’alimenter les futures bases chinoises exploitant des ressources minières de la Lune et sur des astéroïdes.

Des plans sont également prêts à Pékin pour lancer une station spatiale solaire en orbite géosynchrone. La Chine a également d’autres objectifs plus lointains: elle a envoyé une sonde du nom de Tianwen-1 sur la planète Mars en 2021; le rover Zhurong en 2022; et un troisième lancement est prévu pour 2023. Mais pour le moment, il semble que Zhurong, mis en sommeil pendant l’hiver martien, rencontre quelques difficultés à capter l’énergie solaire et à reprendre son activité d’exploration.

Une passion ancienne

L’intérêt du pays pour l’espace est très ancien. Depuis l’Antiquité, les astronomes chinois (les guetteurs du ciel) ont perfectionné une observation extrêmement précise et minutieuse de la voûte céleste. Une carte complète du ciel datant du VIIe siècle a ainsi été retrouvée à Dunhuang, au nord de la Chine, dans la région des mille bouddhas: 1339 étoiles, réparties en 257 constellations, y sont représentées sur douze panneaux. Après son arrivée au pouvoir en 1949, le pouvoir communiste de Mao Zedong a commencé par encourager le travail des astronomes chinois et pendant dix ans, ils ont été en contact avec leurs homologues soviétiques. Mais, en 1960, la brouille entre la Chine et l’URSS les a contraints à l’isolement. Entre 1966 et 1976, on leur a par la suite reproché de pratiquer une science inutile au peuple. Finalement tenu à l’écart des excès de la révolution culturelle, le monde de l’astronomie a été préservé. La Chine était alors très largement fermée au monde extérieur –au point qu’en 1969, la presse officielle s’est abstenue de parler de l’expédition américaine sur la Lune. C’est à l’heure de la fin du maoïsme, dans les années 1980, que la Chine a commencé à produire des satellites pour les télécommunications et la météorologie, qui ont pu rejoindre l’espace grâce à la création du lanceur Longue Marche 3. Comme les lanceurs américains, l’appareil possède un troisième étage qui utilise une combinaison très performante d’hydrogène et d’oxygène liquides.

Le programme spatial chinois va ensuite se compléter et se diversifier tout au long des années 1990, avec une série de satellites. Et en 2003, la Chine a envoyé son premier homme dans l’espace, Yang Liwei, qui a fait quatorze fois le tour de la Terre en vingt-et-une heures.

L’ère de la coopération

Durant toute cette période, le gouvernement chinois n’a cessé de chercher à établir des contacts techniques avec l’Occident à propos de la recherche et des perspectives spatiales. Avec la France, entre autres: en janvier 1997, François Fillon, alors ministre des Postes, des Télécommunications et de l’Espace, a effectué un voyage en Chine au cours duquel un accord de coopération dans le domaine spatial a été signé. Il fixait, principalement dans le domaine des satellites, les bases d’un partenariat stratégique entre les deux pays, relatif aux conditions de transfert de technologie. A la suite de cela, en mai 1997, Jacques Chirac a signé à Pékin un partenariat industriel franco-chinois dans lequel le spatial était mentionné. «Cet accord permettra une fructueuse coopération, pour les satellites comme pour les lanceurs», avait alors commenté le président français. Dans les années suivantes, cet accord a permis à la France, avec le Centre national d’études spatiales (CNES), de collaborer avec des techniciens chinois pour mettre au point des petites plateformes de satellites chinois d’observation de la Terre et de surveillance de l’environnement.

Entre la Chine et les États-Unis, la compétition fait rage

A l’évidence, la Chine a rattrapé son retard et, concernant l’espace, elle a dépassé l’Europe et la Russie. Les Etats-Unis, qui ont en réserve une énorme capacité technologique et une expérience ancienne, la voient d’ailleurs de plus en plus comme une concurrente. Le 1er janvier 2023, dans un entretien au média américain Politico, Bill Nelson, le directeur de la NASA, autrefois astronaute à bord de la navette spatiale Columbia avant d’être sénateur de Floride, estimait que la compétition entre les Etats-Unis et la Chine s’était nettement intensifiée ces derniers mois. Selon lui, pour cette «course à l’espace», les deux années qui viennent pourraient être déterminantes. «Nous devons faire attention à ce que les Chinois ne récupèrent pas un endroit sur la Lune sous couvert de recherche scientifique. Il n’est pas impossible qu’ils disent ensuite: “Restez à l’écart, nous sommes ici, c’est notre territoire”», estime-t-il notamment. Et d’ajouter: «Si vous en doutez, regardez ce qu’ils ont fait aux îles Spratleys», cet archipel corallien, dans les eaux internationales de la mer de Chine du Sud, que Pékin occupe depuis 2013.

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