La Russie a menacé, en mars, l’UE de lui intenter des poursuites judiciaires «sur des décennies», en cas d’utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l’Ukraine, ce qui s’apparenterait, selon Moscou, à un «vol».
Les Vingt-Sept sont parvenus, hier, à «un accord de principe» sur l’utilisation des revenus provenant des avoirs de la Russie gelés dans l’Union européenne afin d’armer l’Ukraine, a annoncé la présidence belge de l’UE. «Cet argent servira à soutenir la défense militaire et la reconstruction de l’Ukraine», a indiqué cette source sur le réseau social X, après une réunion des ambassadeurs des Etats membres à Bruxelles, sans autres détails, selon des propos recueillis par l’AFP.
Cet accord, qui devra encore être confirmé au niveau des ministres de l’UE, intervient après de longs et âpres débats sur la façon d’utiliser les avoirs de l’Etat russe bloqués après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui représentent environ 210 milliards d’euros dans l’UE.
La Commission européenne avait proposé, en mars, un plan visant à saisir les revenus produits par ces colossaux avoirs qui pourrait, selon elle, permettre de dégager entre 2,5 et trois milliards d’euros par an en faveur de Kiev.
«Il ne pouvait y avoir un symbole plus puissant, ni un meilleur usage pour cet argent que (d’y recourir) pour rendre plus sûrs l’Ukraine et l’Europe tout entière», a aussitôt salué la présidente de la Commission européenn, Ursula von der Leyen, dans un message sur X.
Selon le plan adopté, 90% des revenus saisis seront destinés à la Facilité européenne pour la paix (FEP) qui finance des achats d’armes, cruciaux à un moment où Kiev réclame des munitions et des systèmes de défense aérienne pour contenir une armée russe à l’offensive. Les 10% restants seront versés au budget de l’UE pour renforcer les capacités de l’industrie de défense ukrainienne.
Parmi les Vingt-Sept, certains Etats ont cependant indiqué redouter les conséquences d’une telle saisie, craignant le précédent que cela pourrait créer sur les marchés financiers et les répercussions judiciaires qu’elle engendrerait.
La Russie a d’ailleurs menacé, en mars, l’UE de lui intenter des poursuites judiciaires «sur des décennies», en cas d’utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l’Ukraine, ce qui s’apparenterait, selon Moscou, à un «vol».
L’immense majorité de ces avoirs russes gelés se trouvent en Belgique où ils sont administrés par Euroclear, un organisme international de dépôts de fonds. Ce groupe a pu en tirer des revenus totalisant, l’an dernier, 4,4 milliards d’euros, une somme taxée par l’Etat belge au titre de l’impôt sur les sociétés.
Selon une source diplomatique, l’accord des Vingt-Sept consistera à saisir ces revenus des avoirs russes après imposition, mais la Belgique s’est engagée à ré-allouer à l’Ukraine l’ensemble des recettes fiscales générées sur son territoire par ces revenus exceptionnels.
Elle assure avoir déjà consacré ces recettes fiscales pour aider Kiev en 2022 et 2023 via la création d’un fonds national dédié à l’Ukraine. En 2024, l’impôt prélevé en Belgique sur les avoirs russes pourrait atteindre 1,7 milliard d’euros, dont environ 1 milliard est déjà alloué à l’assistance militaire à l’Ukraine. Par ailleurs, selon l’accord, les frais qu’Euroclear facture pour la gestion de ces avoirs russes seraient de nouveau fortement réduits à 0,3% contre un taux initial de 3%.
Londres sévit
De son côté, le Royaume-Uni a durci le ton, hier, face à Moscou, en annonçant l’expulsion prochaine de l’attaché de défense russe présenté comme un «officier de renseignement militaire non déclaré». Ce faisant, Londres entend «cibler et démanteler les opérations de recueil de renseignements», selon un communiqué du gouvernement.
Devant le Parlement, le ministre de l’Intérieur, James Cleverly, a présenté l’attaché de défense comme «un officier de renseignement militaire non déclaré». Un attaché de défense est un membre des forces armées servant au sein d’une ambassade et qui représente le secteur de la défense de son pays à l’étranger.
Le patron du «Home Office» a, en outre, annoncé que plusieurs propriétés russes sur le sol britannique, que Londres soupçonne d’avoir été utilisées, «à des fins de renseignement», perdraient leur statut diplomatique. James Cleverly a également dévoilé de «nouvelles restrictions sur les visas diplomatiques russes», notamment en limitant le temps que peuvent passer les diplomates russes au Royaume-Uni.
Selon lui, les mesures mises en place par Londres et ses alliés ces dernières années «font déjà du Royaume-Uni un lieu d’opération extrêmement difficile pour les services russes de renseignement». Figurant parmi les principaux soutiens de Kiev, le Royaume-Uni accuse, de longue date, la Russie de mener des activités hostiles sur son sol, à l’image des empoisonnements des ex-agents russes Alexandre Litvinenko en 2006 et Sergueï Skripal en 2018.
Le Royaume-Uni a également convoqué l’ambassadeur russe mercredi pour l’informer de ces nouvelles mesures et «réitérer que les actions de la Russie ne seront pas tolérées», a indiqué le gouvernement dans un communiqué qui souligne que ces mesures ont été prises pour «protéger le Royaume-Uni» des «activités malveillantes» liées à la Russie. Les affaires se sont succédé ces derniers mois.
Cinq Bulgares ont été inculpés, accusés d’espionnage depuis le Royaume-Uni, pour le compte de la Russie. Ils ont plaidé récemment non coupables. Puis fin avril, un Britannique de 20 ans a été inculpé en vertu de la loi sur la sécurité nationale, pour l’organisation présumée d’attaques contre des «entreprises liées à l’Ukraine».
Quatre autres hommes ont été poursuivis pour des charges moins lourdes. Après la révélation de cette affaire, le Royaume-Uni a appelé à la «fin immédiate» des «activités malveillantes orchestrées par la Russie» sur son sol et convoqué l’ambassadeur russe, Andreï Keline.
Celui-ci a déclaré que «la partie russe a souligné le caractère absurde et sciemment infondé de cette nouvelle falsification d’informations concoctées à la hâte par l’establishment britannique», selon un commentaire transmis à l’agence publique TASS.
Ailleurs en Europe, Londres rappelle les accusations de projet de sabotage contre l’aide militaire pour l’Ukraine en Allemagne et en Pologne, ou celles d’espionnage en Bulgarie et en Italie, ainsi que les violations de l’espace aérien ou le brouillage de GPS ayant un impact sur l’aviation civile.
La semaine dernière, les pays de l’Otan se sont dits «vivement préoccupés par les activités malveillantes» de la Russie sur leur sol et assuré que celles-ci ne les «dissuaderaient pas de continuer à soutenir l’Ukraine».