Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé, hier, les dirigeants de pays de l’Europe du Sud-Est, réunis en Albanie pour un sommet, à fournir un soutien accru à son pays, en manque de munitions. «Nous rencontrons des problèmes d’approvisionnement en munitions, ce qui affecte la situation sur le champ de bataille», a-t-il déclaré à l'ouverture de la réunion, selon des propos recueillis par l’AFP. Il a souligné que son gouvernement souhaitait organiser un «forum ukraino-balkanique sur l’industrie de la défense», certains des Etats de la région disposant de capacités importantes de fabrication de munitions.
Des dirigeants de plusieurs Etats d’Europe du Sud-Est assistent à cette réunion organisée en Albanie, notamment le Premier ministre croate Andrej Plenkovic, le président serbe Aleksandar Vucic, ainsi que la présidente kosovare Vjosa Osmani ou encore la Première ministre bosnienne Borjana Kristo. La Serbie est l'un des rares Etats européens qui ne se sont pas alignés sur les sanctions occidentales contre la Russie mais A. Vucic a rencontré plusieurs fois V. Zelensky, en marge des conférences internationales.
Le chef de l’Etat ukrainien est arrivé mardi soir dans la capitale albanaise, Tirana, après avoir effectué une visite en Arabie saoudite. Il sillonne la planète ces dernières semaines pour rallier des soutiens à l’Ukraine dont les forces armées sont confrontées à un manque de munitions et d’armes, dans leur lutte contre l’avancée des soldats russes. Avant de rejoindre le sommet, V. Zelensky s’est entretenu avec le Premier ministre albanais Edi Rama, «un ami indéfectible de l’Ukraine». Et il a annoncé, à l’issue de cette réunion, que les deux parties envisagent de renforcer leur coopération en matière de défense.
«Depuis les premiers jours de l’invasion massive, l’Albanie a soutenu l’Ukraine dans sa lutte pour la liberté et l’intégrité territoriale», a écrit le chef de l’Etat ukrainien sur X. «Nous avons discuté aujourd’hui des besoins de l’Ukraine en matière de défense et de l’éventuelle fabrication en commun d’armes», a-t-il ajouté. Il s’agit du premier déplacement de Volodymyr Zelensky dans ce pays des Balkans depuis le début de l’offensive russe en Ukraine en février 2022. Membre de l’OTAN depuis 2009, l’Albanie est un fervent soutien de l’Ukraine, face à l’assaut russe.
Pendant son déplacement mi-février en Albanie, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a, à cet égard, salué l’appui de Tirana à l’Ukraine. «L’Albanie a été l'un des premiers pays qui ont envoyé de l’aide militaire à l’Ukraine, après l’agression russe, des armes, des munitions, des véhicules blindés», avait dit A. Blinken, ajoutant que ce pays figure parmi les dix plus grands soutiens de l’Ukraine (proportionnellement à sa population). Ce voyage dans les Balkans intervient au moment où le président Joe Biden essaye de faire débloquer par le Congrès américain une aide à l’Ukraine de 60 milliards de dollars (55 milliards d’euros).
Sur le continent européen, une partie des pays de l’Union européenne (UE) est prête à se rallier à une initiative tchèque, en vue d’acheter des munitions produites en dehors de l’Europe et les réexpédier vers Kiev. La proposition des autorités tchèques est dans l’air depuis quelques semaines et a été détaillée à l’occasion de la conférence sur la sécurité à Munich, entre les 17 et 19 février. Avec d’autres partenaires de l’OTAN, dont le Danemark et le Canada, la République tchèque a identifié «un demi-million de munitions de calibre 155 et 300 mille munitions de calibre 122» qui pourraient être livrées à l’Ukraine «en quelques semaines» si les financements nécessaires sont rassemblés, a alors expliqué le président tchèque, Petr Pavel.
Le démenti de Londres
De son côté, Londres a démenti, hier, toute participation directe au ciblage par l’armée ukrainienne des objectifs visés par les missiles de longue portée Storm Shadow fournis à Kiev dans sa guerre contre la Russie, comme l’a laissé entendre le chancelier allemand Olaf Scholz. «L’utilisation des (missiles) Storm Shadow par l’Ukraine et leur processus de ciblage relèvent des forces armées ukrainiennes», a déclaré un porte-parole du ministère britannique de la Défense.
Lundi, le chancelier allemand Olaf Scholz a rejeté la demande de l’Ukraine de lui livrer des missiles de longue portée Taurus, affirmant que «ce qui est fait en termes de ciblage et d’accompagnement du ciblage de la part des Britanniques et des Français ne peut pas être fait en Allemagne». «Les soldats allemands ne doivent en aucun cas et en aucun endroit être reliés aux objectifs atteints par ces systèmes», a-t-il ajouté.
Londres et Paris ont livré, l’an dernier, à Kiev des missiles Storm Shadow/Scalp, de conception franco-britannique, mais Berlin a toujours refusé de fournir des missiles allemands Taurus. Avec une portée de 500 kilomètres, ces missiles pourraient permettre à l’Ukraine de viser des objectifs très à l’intérieur du territoire russe, faisant craindre à Berlin une escalade du conflit. «L'utilisation par l'Ukraine de systèmes d'armes à longue portée joue un rôle fondamental dans la défense de son territoire et a changé la situation stratégique en mettant avec succès la pression sur les forces russes et sur leurs voies logistiques et d'approvisionnement» a, de son côté, défendu le ministère britannique de la Défense.
Offensive diplomatique chinoise
Par ailleurs, l’émissaire de la Chine pour l’Ukraine, Li Hui, effectuera à partir de samedi une visite en Europe qui le conduira notamment en Russie, au siège de l’UE à Bruxelles et en Ukraine, a indiqué hier la diplomatie chinoise. Li Hui est également attendu en Pologne, en France et en Allemagne pour évoquer le conflit en Ukraine, a précisé Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.
Ce déplacement entre dans le cadre du «deuxième cycle de la navette diplomatique pour la recherche d’un règlement politique de la crise ukrainienne», a rappelé Mao Ning. Li Hui s’est déjà rendu en Europe en mai dernier pour des discussions. La diplomatie chinoise a été critiquée par les Occidentaux sur le dossier ukrainien.
Car si elle appelle au respect de l’intégrité territoriale de tous les pays, sous-entendu Ukraine comprise, elle n’a jamais condamné publiquement l’offensive russe, ni appelé Moscou à retirer ses troupes.
Depuis le début de l’intervention russe, «nous n’avons jamais renoncé à nos efforts pour promouvoir la paix et encourager les pourparlers», a observé Mao Ning, en réitérant la position chinoise. «Tout ce que nous avons fait n’a qu’un seul objectif : parvenir à un consensus pour mettre fin à la guerre et ouvrir la voie à des pourparlers de paix», a affirmé la porte-parole lors d’un point presse régulier.
La Chine et la Russie partagent une volonté commune de contrer ce qu’ils présentent comme l’hégémonie américaine. A cet égard, les deux pays voisins se sont notoirement rapprochés sur les plans politique et économique depuis deux ans. Cette semaine en Russie, le vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Sun Weidong, a déclaré que les relations entre les deux pays étaient «à leur meilleur niveau historique».