Après des mois de préparation en secret et une tournée européenne express, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a présenté hier son plan au Parlement, censé aboutir à une «fin juste et rapide» de la guerre courant 2025, rejetant l’idée de céder des territoires à Moscou en échange de la paix, rapporte l’AFP.
«La Russie doit perdre la guerre contre l’Ukraine. Il ne peut y avoir de gel (du front). Il ne peut y avoir d’échange concernant le territoire de l’Ukraine ou sa souveraineté», a-t-il dit. Kiev et ses alliés doivent «forcer la Russie à participer à un sommet de la paix», a-t-il indiqué, en référence à un sommet qu'il aimerait organiser en novembre, mais dont la date reste incertaine. Moscou y serait invitée, contrairement à une première édition en juin. Pour V. Zelensky, il s’agit de donner à Moscou le choix entre «un processus diplomatique honnête», ou faire face aux moyens de dissuasion militaire qu’aura l’Ukraine grâce à l’Occident.Pour cela, il réclame à ses alliés occidentaux des moyens de dissuasion non nucléaires, la capacité de frapper en profondeur le territoire russe et une invitation à rejoindre l’Otan.
«L’Ukraine propose de déployer sur son territoire un ensemble complet de mesures de dissuasion stratégique non nucléaires, qui sera suffisant pour protéger l’Ukraine de toute menace militaire de la part de la Russie», a-t-il déclaré hier. Ce point est détaillé dans une «annexe secrète» qui a été présentée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, à la France, à l’Italie et à l’Allemagne. Il a de nouveau réclamé que la levée des «restrictions sur l’utilisation des armes à longue portée sur l’ensemble du territoire ukrainien occupé par la Russie et sur le territoire russe», ainsi que la poursuite de l’aide occidentale pour former et équiper «des brigades de réserve des forces armées ukrainiennes».
Les Occidentaux refusent d’autoriser Kiev à utiliser librement en territoire russe les missiles qu’ils livrent, craignant une escalade. De son côté, le président russe, Vladimir Poutine, a brandi plusieurs fois la menace d’un recours à l’arme nucléaire.Volodymyr Zelensky, qui présentera son plan aujourd’hui à un sommet de l’Union européenne (UE), a aussi demandé d’inviter son pays à rejoindre l’Otan, même si l’adhésion elle-même peut se faire plus tard. «Le premier point est une invitation de l’Otan dès maintenant. (Vladimir) Poutine doit voir que ses calculs géopolitiques sont perdants», a déclaré V. Zelensky, la Russie ayant déclenché son offensive en février 2022 notamment pour empêcher un rapprochement entre Kiev et l’Alliance atlantique. Les forces ukrainiennes reculent depuis des mois dans le Donbass, l’est de l’Ukraine. Le président ukrainien cherche à reprendre la main dans l’Est, grâce notamment à une offensive lancée dans la région russe de Koursk en août, à la frontière entre l’Ukraine et la Russie. Néanmoins, l’opération n’a pas fait faiblir les assauts russes dans le Donbass. Moscou a encore revendiqué hier la conquête du village de Nevské, dans la région de Lougansk, et celui de Krasniï Yar, à une douzaine de kilomètres de Pokrovsk, nœud stratégique ukrainien que Moscou tente de conquérir.
Appel de Berlin à des discussions
Le 22 septembre, le président ukrainien a présenté son plan au président américain, Joe Biden. Mais jusqu’ici, les Etats-Unis n’ont fait aucune annonce, notamment sur l’usage des armes à longue portée. Durant cette visite, V. Zelensky a aussi exhorté le Conseil de sécurité de l’ONU à «contraindre la Russie à la paix».
De son côté, le Kremlin a balayé les propos du président ukrainien hier, alors que Moscou réclame la reddition de l’Ukraine, sa démilitarisation et cinq régions : Lougansk, Donetsk, Kherson, Zaporijjia en plus de la Crimée annexée en 2014. «Le seul plan de paix qui puisse être, c’est la compréhension par le régime de Kiev que sa politique est sans perspective et qu’il est nécessaire de se réveiller», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.Un peu plus tard, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a appelé à «tout faire» pour empêcher la poursuite du conflit en Ukraine, y compris en discutant avec le président russe, en concertation avec Kiev et les alliés de ce pays. Le temps est venu «pour nous de tout faire – en plus de soutenir clairement l’Ukraine – pour trouver un moyen d’empêcher cette guerre de continuer», a déclaré le chancelier devant les députés du Bundestag. «Si on nous demande : ''Allons-nous en parler avec le président russe'', nous disons : ''Oui, c’est le cas''», a-t-il ajouté. Ces discussions devraient respecter des «principes clairs», a-t-il souligné : «Il n’y aura jamais de décisions prises par-dessus la tête de l’Ukraine, et jamais sans concertation avec nos partenaires les plus proches.»
Olaf Scholz n’a pas commenté le «plan de victoire» présenté le président ukrainien. La Russie «a remis en question, par son attaque contre l’Ukraine, l’un des principaux points d’accord de ces dernières décennies, à savoir que les frontières ne doivent pas être déplacées par la force», a dénoncé le chancelier allemand.