Le ministère français des Armées a ordonné à des industriels participant à la fabrication des missiles antiaériens et antibalistiques Aster d’accorder la priorité de leur production à ces commandes par rapport à d’autres, a annoncé, hier, le ministre Sébastien Lecornu, cité par l’AFP.
«J’ai mobilisé pour la première fois des pouvoirs de police administrative, ce qui permet de prioriser un certain nombre de sous-traitants, où les commandes civiles doivent désormais passer en second plan, après les commandes militaires, pour donner droit à cette priorité pour la gamme Aster», a affirmé le ministre à Calvi, à l’occasion d’un entretien avec son homologue italien Guido Crosetto.
Le métallurgiste Aubert et Duval, qui produit des aciers spéciaux aussi bien pour l’aéronautique civile que pour les sous-marins ou les tubes du canon Caesar, est notamment visé par cette obligation, selon une source proche du dossier. Les missiles Aster 15 et 30 sont produits par MBDA, en coopération entre Paris et Rome.
Les deux pays ont fourni un nombre non précisé de ces missiles aux Ukrainiens pour leur défense antiaérienne qui leur en demandent davantage pour se défendre. Le missile a également été utilisé en mer Rouge contre les drones tirés par les rebelles houthis.
Sébastien Lecornu a laissé planer fin mars la menace d’une telle mesure afin que les industriels puissent produire davantage et plus rapidement ces missiles.
MBDA compte faire passer le délai de production des Aster de 42 mois en 2022 à «moins de 18 mois en 2026» et la production doit augmenter de 50% à cet horizon, selon son président Eric Beranger. Mais l’organisation industrielle n’est pas optimale avec des composants du missile devant «franchir les Alpes à plusieurs reprises» au cours de leur fabrication, ce qui ne facilite pas la montée en cadence.
Pour Sébastien Lecornu, il y a aussi «une urgence de simplification bureaucratique» avec «des sujets douaniers entre la France et l’Italie qui peuvent retarder les productions de missiles». «Il faut que les acteurs des industries de la défense comprennent qu’il faut travailler plus vite, et que de ce travail dépend l’avenir du pays.
Cette chose-là n’est pas encore tout à fait claire», a indiqué le ministre italien. Dans une lettre commune à MBDA, les deux ministres demandent à nouveau au groupe «d’accélérer les productions (...) afin de garantir des premières livraisons dès cette année 2024». Ils demandent également à MBDA d’«intensifier ses efforts» pour mettre en place en Italie une deuxième chaîne de montage du missile «afin d’augmenter les capacités de production».
Sébastien Lecornu et Guido Crosetto ont par ailleurs annoncé la signature d’une lettre d’intention afin de rapprocher les industries d’armement terrestres des deux pays, qui doit «donner lieu à des rapprochements sur des projets d’équipements pour nos deux armées de terre», selon le ministre français.
Cette démarche vient encadrer «l’alliance stratégique» nouée en décembre entre le groupe franco-allemand KNDS et l’italien Leonardo. Paris est, en effet, actionnaire de la branche française de KNDS (ex-Nexter), tandis que Rome l’est pour le géant italien de la défense.
Cette alliance vise à «créer un véritable groupe européen de défense» et à développer «la future génération de plateformes de véhicules blindés, notamment le Main Ground Combat System (MGCS)», ont alors annoncé les sociétés.
Le MGCS est le projet franco-allemand de futur char de combat, programme au sein duquel Rome a un statut d’observateur. Pour Sébastien Lecornu, «il y a quelque chose de naturel à ce que l’Italie puisse participer évidemment à ce projet de char du futur.
(...) Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, mais l’intérêt est là ». «Il est essentiel de réunir toutes les meilleures technologies européennes et créer des pôles toujours plus forts», a de son côté, estimé Guido Crosetto.