L’Azerbaïdjan a annoncé, hier, procéder avec la Russie à une «démilitarisation» des forces du Nagorny-Karabakh, une région sécessionniste en majorité peuplée d’Arméniens où les forces azerbaïdjanaises ont remporté une victoire éclair en début de semaine.
«En étroite coopération avec les soldats de maintien de la paix russes, nous procédons à la démilitarisation» des troupes séparatistes et apportons «un soutien aux civils», a déclaré, devant la presse, Anar Eyvazov, porte-parole de l’armée azerbaïdjanaise, à Choucha, une ville du Nagorny-Karabakh contrôlée par Bakou. «Nous avons déjà saisi des armes et des munitions», a-t-il ajouté, sans plus de détails. Le processus de désarmement «peut prendre du temps» car certains combattants séparatistes étaient basés dans des zones montagneuses reculées, a poursuivi A. Eyvazov. «La priorité est le déminage et la démilitarisation», a-t-il soutenu.
Les séparatistes du Nagorny-Karabakh négociaient, hier, avec l’Azerbaïdjan qui vient de leur infliger une lourde défaite militaire. Après leur capitulation et le cessez-le-feu conclu mercredi dernier, à l’issue d’une offensive éclair déclenchée, un jour auparavant, par Bakou, ils doivent notamment évoquer le retrait de leurs troupes, tout en continuant de déposer leurs armes. «Conformément aux accords de cessation des hostilités, les formations armées du Karabakh ont commencé à remettre» leurs armes «sous le contrôle des forces russes de maintien de la paix», a fait savoir, vendredi, le ministère russe de la Défense.
Les pourparlers des autorités du Nagorny-Karabakh avec la partie azerbaïdjanaise, entamés jeudi «sous les auspices des soldats de maintien de la paix russes», doivent permettre d’«organiser le processus de retrait des troupes et d’assurer le retour dans leurs foyers des citoyens déplacés par l’agression militaire», selon les séparatistes. Les parties discutent également de «la procédure d’entrée et de sortie des citoyens» de cette région, ont-ils ajouté.
Accusé de passivité face à l’Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a reconnu vendredi que «la situation» reste «tendue» au Nagorny-Karabakh où «la crise humanitaire se poursuit». Mais «il y a un espoir de dynamique positive», a ajouté le chef du gouvernement, pour qui le cessez-le-feu est «globalement» respecté. Plusieurs dirigeants de l’opposition ont, de leur côté, fait connaître leur intention d’ouvrir au Parlement une procédure de destitution à l’encontre du chef du gouvernement.
Selon la police arménienne, 98 manifestants ont été arrêtés vendredi, tandis que N. Pachinian appelle au calme et à emprunter «le chemin» de la paix, bien que ce ne soit «pas facile». Le territoire montagneux du Nagorny-Karabakh a été le théâtre de décennies de violences entre Erevan et Bakou. En février 1988, en pleine perestroïka (Reconstruction) initiée par le dirigeant de l’URSS Michaïl Gorbatchev, de premières manifestations ont lieu en faveur du rattachement à l’Arménie du Nagorny-Karabakh, enclave du Caucase rattachée en 1921 à l’Azerbaïdjan par Staline avec, à partir de 1923, un statut d’autonomie.
Des violences inter-ethniques éclatent, une trentaine de personnes, essentiellement arméniennes, sont tuées dans la ville azerbaïdjanaise de Soumgaït. Alors que l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont encore dans l’URSS, Mikhaïl Gorbatchev refuse tout changement de frontière. Les violences entre communautés azérie et arménienne se multiplient.
Tensions
Après la dislocation de l’URSS, en 1991, le Nagorny-Karabakh organise un référendum boycotté par la communauté azerbaïdjanaise et proclame le 2 septembre son indépendance de Bakou avec le soutien d’Erevan. Indépendance reconnue par aucun Etat membre de l’ONU. Le départ de l’armée soviétique de la région laisse place à une escalade de violences et à une guerre ouverte jusqu’à un cessez-le-feu négocié par Moscou, le 17 mai 1994. Ces années de conflit ont fait 30 mille morts et poussé des centaines de milliers de réfugiés à fuir l’un ou l’autre pays.
La défaite de Bakou permet à Erevan de contrôler la région et des zones azerbaïdjanaises proches.
Début avril 2016, d’intenses combats opposent forces azerbaïdjanaises et arméniennes pendant quatre jours. Ces affrontements, les pires depuis 1994, se soldent par la mort d’au moins 110 personnes (civils et militaires) des deux côtés. Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan lance une opération militaire contre les séparatistes arméniens et bombarde la capitale du Nagorny-Karabakh, Stepanakert.
Ce nouveau conflit se solde, cette fois, par une défaite de l’Arménie, contrainte de céder à l’Azerbaïdjan d’importants territoires dans et autour du Nagorny-Karabakh. Parrain du cessez-le-feu signé le 10 novembre, Moscou déploie un contingent de maintien de la paix, mais les quelques milliers de soldats russes déployés n’empêchent pas la multiplication d’accrochages dans l’enclave séparatiste.
Fin 2022, l’Azerbaïdjan installe des points de contrôle, avant de bloquer la circulation sur le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny- Karabakh à l’Arménie, entraînant de graves pénuries de nourriture et de médicaments dans l’enclave.
Le 19 septembre, l’Azerbaïdjan annonce lancer des «opérations antiterroristes» au Nagorny-Karabakh, après la mort de quatre policiers et deux civils azerbaïdjanais dans l’explosion de mines posées, selon Bakou, par des «saboteurs» arméniens.
Dès le lendemain, les autorités du territoire sécessionniste, lâchées par Erevan, capitulent, et un cessez-le-feu est conclu. Au moins 200 personnes sont mortes et 400 blessées, selon les séparatistes arméniens, et le Nagorny-Karabakh est confronté à une situation d’urgence humanitaire. Des négociations sur la «réintégration» de l’enclave à l’Azerbaïdjan s’ouvrent alors.