Conflit armé en Afghanistan : Des mines et des munitions tuent un enfant tous les deux jours

25/05/2024 mis à jour: 09:26
AFP
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Le déminage a commencé dès 1988, mais au fil des conflits, des régions ont été de nouveau infestées photoS : dr

L’énorme champignon noir à peine dissous dans le ciel azur de Ghazni, des enfants s’agglutinent autour du cratère creusé par l’explosion d’une mine, l’un de ces engins de mort dont ils sont les premières victimes en Afghanistan. Maintenant que les Afghans peuvent retourner dans les champs, les écoles ou sur les routes après plus de 40 ans de guerre, un enfant est tué un jour sur deux par l’une des mines ou munitions non explosées jonchant le pays. 

La mine antichar reposait à 100 mètres de Qach Qala – un village de la province de Ghazni, dans l’Est – depuis l’invasion soviétique (1979-1989). Des démineurs de l’organisation britannique Halo Trust l’ont précautionneusement déterrée puis dynamitée. Mais avant que la détonation ne résonne à trois kilomètres à la ronde, un taliban a surgi à moto, furieux. «Donnez-moi cette mine !» ordonne-t-il. «Je vais la garder chez moi en sécurité. On pourra l’utiliser plus tard (quand) l’Afghanistan sera de nouveau occupé.» La mine «n’était pas si dangereuse puisqu’elle n’a pas explosé pendant toutes ces années», insiste-t-il, avant d’être repoussé par les démineurs. Le gouvernement taliban «soutient pleinement le déminage et veut qu’il avance», assure malgré tout Nick Pond, chef de la section des mines de l’Unama, la mission de l’ONU en Afghanistan.   


«Manque de fonds» 

Le déminage a commencé dès 1988, mais, au fil des conflits, des régions ont été de nouveau infestées. «Il est quasiment impossible de connaître le degré actuel de contamination» par ces engins qui tuent ou blessent près de 82% des enfants, concède Nick Pond. 

Le paisible village de maisons en pisé de Nokordak, lové dans une vallée bucolique, a perdu deux enfants fin avril. Shawoo, la mère de Javid, prostrée, ses autres enfants collés contre elle, raconte : «Dans le jardin en contrebas, il a lancé une pierre contre une munition non explosée. Puis une deuxième. Et encore une. L’engin a explosé.» Son fils de 14 ans est mort presque instantanément. 

Comme son ami Sakhi Dad, 14 ans également. «Les gens disaient qu’il y avait des munitions dans le coin mais on n’avait jamais eu un tel accident dans le village», dit le frère de ce dernier, Mohammad Zakir, un jeune homme de 18 ans. «Personne n’est venu nous avertir du danger pour les enfants.» 

Dans le village de Patanaye, 50 km plus loin, Sayed, 13 ans, montre sa main et son pied bandés. Il a survécu à l’accident qui a fauché fin avril son frère Taha, 11 ans, alors qu’ils gardaient les moutons. «Trois ou quatre fois je lui ai arraché la munition des mains. Je criais, mais il m’a chassé à coups de pied et l’a lancé contre une roche.» Taha est mort lors de son transport vers Kaboul. 

«On a eu beaucoup d’accidents comme ça», dit leur père, Siraj Ahmad, longue barbe grise et turban taupe. «Demain, ça pourrait être quelqu’un d’autre dont le fils sera tué ou handicapé. On demande au gouvernement de déminer», dit-il. Mais, explique Zabto Mayar, de Halo, «on manque de fonds» donc les démineurs procèdent parcelle après parcelle selon l’arrivée des dons de l’étranger. «Vers 2011, 15 500 personnes travaillaient au déminage», souligne Nick Pond, «actuellement ce sont 3000». 

D’autres crises ont surgi ailleurs, Ukraine ou Ghaza, et les talibans ont installé en 2021 un gouvernement reconnu par aucun pays.

 


 

«De jolies couleurs» 

Mais Mohammad Hassan, directeur de l’école du hameau de Deh Qazi, attend les démineurs de pied ferme. Car «même dans la cour de l’école il y a des munitions non explosées, des mines antichar et antipersonnel». «On ne peut même pas planter d’arbre», dit-il, «amener un tracteur ou d’autres engins est très dangereux». Dans la classe, les enfants assis en tailleur reçoivent un cours de prévention. Au mur, des tableaux de mines ou munitions de toutes formes et couleurs. «Il y a six mois, en nous promenant, on a vu avec des amis une roquette. On a averti tout de suite les anciens et ils ont appelé les démineurs», dit fièrement Jamil Hassan, 12 ans. 


«La majorité des accidents surviennent parce que les enfants jouent avec les engins», explique M. Pond. La mine papillon soviétique (PFM-1) par exemple, avec ses deux ailes, «est très attirante, et ils la ramassent». «La plupart des munitions ont de jolies couleurs qui les attirent», dit aussi Sayed Hassan Mayar, de Halo. 
Mais des enfants meurent également en récupérant du métal. «Après les guerres, la pauvreté a explosé et les gens se sont mis à creuser les sites pour trouver des munitions» et en revendre le métal, affirme Zabto Mayar.

 «Le plus dangereux ce sont les obus de 40 mm de l’Otan», déployé en Afghanistan de 2001 à 2021, «avec leur tête jaune, les enfants pensent que c’est de l’or et essaient de la retirer», explique-t-il. Le danger est aussi omniprésent pour les démineurs : deux hommes de Halo ont été tués début mai. «Souvent avant d’aller déminer, j’appelle ma famille et je leur dis que je les aime. 
Au cas où quelque chose arriverait», dit Zabto Mayar. 
 

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