Les chefs d’Etat de plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’Est se sont réunis hier en sommet extraordinaire à Bujumbura, pour discuter de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Les pourparlers sont organisés par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC, constituée de sept pays), qui dirige des efforts de médiation face à la recrudescence des violences dans l’est de l’immense nation d’Afrique centrale. «Ordre du jour : évaluation de la situation sécuritaire dans l’est de la République démocratique du Congo et voie à suivre», a déclaré l’EAC vendredi sur Twitter, en annonçant le sommet. La cellule de communication de la présidence congolaise a annoncé hier sur Facebook que le chef de l’Etat Félix Tshisekedi était arrivé sur place. Son homologue rwandais, Paul Kagame, accusé de soutenir des groupes rebelles dans l’est de la RDC, est lui aussi arrivé à Bujumbura, selon des photos postées sur Twitter par la présidence burundaise, ainsi que le président kényan, William Ruto, l’Ougandais Yoweri Museveni et la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan. Le sommet se tient peu après la visite du pape François à Kinshasa, où il a rencontré des victimes du conflit et condamné les «cruelles atrocités» perpétrées dans l’est du pays. De nombreux groupes armées sévissent dans cette région riche en minerais depuis des décennies, dont beaucoup sont un héritage des guerres régionales qui ont éclaté dans les années 1990 et au début des années 2000. Depuis novembre 2021, la rébellion majoritairement tutsie du M23 s’est emparée de pans de territoire près de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. La RDC accuse le Rwanda de soutenir le M23, ce qui est corroboré par des experts de l’ONU et les pays occidentaux, mais Kigali s’en défend. L’EAC a décidé l’an dernier de créer une force militaire régionale de paix pour l’est de la RDC, les premières troupes étant arrivées à Goma en novembre. Les soldats sont autorisés à recourir à la force contre les combattants du M23, mais ils ne l’ont pas encore fait. Au sommet de Bujumbura, M. Tshisekedi «entend clarifier le mandat de la force régionale», a déclaré hier la présidence congolaise sur Facebook. «Les discussions devraient se concentrer sur l’évaluation de la feuille de route de Luanda qui exigeait le retrait effectif et définitif des troupes du M23/RDF (Forces de défense rwandaises) des zones occupées avant le 15 janvier», a-t-elle ajouté, en faisant référence à un accord conclu en Angola en juillet 2022. «Les troupes terroristes du M23 n’ont jamais quitté ces zones, au contraire le M23 et ses alliés ont élargi leurs zones d’occupation», a ajouté Kinshasa. Les tensions se sont exacerbées fin janvier lorsque les forces rwandaises ont ouvert le feu sur un avion de chasse congolais qui, selon elles, avait violé l’espace aérien rwandais. Kinshasa a évoqué «un acte de guerre». Et l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, médiateur de l’EAC dans la crise en RDC, s’était dit préoccupé par la «forte détérioration» de la situation dans le Nord-Kivu. La semaine dernière, le Qatar avait prévu d’accueillir une rencontre entre MM. Kagame et Tshisekedi, mais ce dernier a finalement refusé d’y participer, selon un diplomate africain ayant requis l’anonymat. L’EAC regroupe le Burundi, la RDC, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Soudan du Sud et la Tanzanie. A noter que c’est la première visite de M. Kagame au Burundi depuis 2013, les deux pays ayant des relations tendues et s’accusant mutuellement d’ingérences dans leurs affaires intérieures. Le Burundi a notamment accusé le Rwanda d’abriter les responsables d’un coup d’État manqué en 2015, qui avait alors entraîné de violents combats. En 2020, M. Kagame avait exhorté son homologue burundais, Evariste Ndayishimiye, élu depuis peu, à normaliser leurs relations diplomatiques, mais cette demande avait alors été rejetée, qualifiée d’«hypocrite».