Dans les rues de Nour Shams, le sifflement des balles a laissé la place aux cris et aux sanglots. Encore sous le choc d’un raid meurtrier de l’armée israélienne, des familles enterrent leurs proches dimanche dans ce camp proche de Tulkarem, en Cisjordanie occupée.
La poussière est à peine retombée quand, au milieu des rues portant les stigmates de l’opération israélienne, passe la procession funéraire. Des familles éplorées enterrent treize hommes et adolescents tués par l’armée lors de ce raid entamé jeudi soir et terminé samedi soir. Les forces israéliennes mènent régulièrement des opérations militaires sur des localités de Cisjordanie occupée, et le nombre de ces raids a augmenté depuis le 7 octobre.
Au total, 14 personnes ont été tuées en deux jours, selon le Croissant-Rouge palestinien. L’armée israélienne avait dit samedi avoir tué dix personnes dans un raid «antiterroriste» sur ce camp du nord du territoire palestinien. Mais les habitants de Nour Shams racontent une histoire toute autre. Le fils de Niaz Zandeq, Jihad, a été tué d’une balle dans la tête par un soldat israélien, le jour de son quinzième anniversaire, raconte ce Palestinien de 40 ans. Des voisins ont expliqué qu’il était sorti de chez lui les mains en l’air quand il a été tué par un soldat. Ils ont montré à l’AFP des photos de son corps gisant dans la rue, une blessure par balle sur le front. «Ils ont ouvert le feu et l’ont touché à la tête au moment où il est sorti», ajoute M. Zandeq, en larmes. «Il n’était pas armé.» Sollicitée par l’AFP, l’armée israélienne n’a pas été en mesure de répondre dans l’immédiat.
Un autre adolescent a été tué au cours de ces 48 heures meurtrières. Qais Fathi Nasrallah, 16 ans, est mort après avoir été «touché à la tête par des tirs israéliens», avaient indiqué vendredi le ministère palestinien de la Santé et l’agence de presse palestinienne Wafa. Le père de l’adolescent, secouriste, a appris la funeste nouvelle quand le corps de Qais a été transporté à l’hôpital où il travaillait, a raconté l’organisation dans une publication sur X.
«Un petit Ghaza»
L’armée israélienne avait annoncé samedi avoir arrêté huit personnes et saisi des armes dans le camp, et que huit soldats et un officier de police avaient été blessés. Dans les rues du camp, des journalistes de l’AFP ont constaté la présence d’hommes armés qui ont tiré en l’air lors des funérailles.
«Quiconque riposte dans le camp est considéré comme terroriste», a déclaré à l’AFP Ibrahim Ghanim, un étudiant en droit de 20 ans assistant aux obsèques. «Les soldats israéliens ont tué tellement de personnes ici au fil des années que j’en ai perdu le compte», soupire-t-il, désabusé. En marge de la procession, certains s’affairaient déjà à déblayer les décombres autour des maisons, tandis que d’autres semblaient encore en état de choc. A 85 ans, Hamdia Abdallah Sarhan n’avait «jamais vu autant de violence».
Des soldats ont fait irruption chez elle et ont tiré dans le mur pour tenter d’ouvrir une position de tir : elle est resté allongée au sol, «terrifiée», a-t-elle détaillé. Mme Sarhan a des problèmes de santé et doit utiliser une machine à oxygène pour pouvoir respirer. A leur arrivée, les soldats ont cassé la machine, et elle n’a dû son salut qu’à des voisins qui ont trouvé une machine en urgence, alors qu’elle luttait pour respirer, a-t-elle ajouté. Misk El Cheikh, neuf ans, était à l’étage chez elle quand des bulldozers israéliens ont démoli la façade de sa maison jeudi soir. «J’ai eu très peur», a-t-elle confié, «je voulais que mon papa me prenne dans ses bras». «L’opération de l’armée israélienne ciblait la vie quotidienne des civils», argue son père, Moustafa El Cheikh. «Ils ont transformé Nour Shams en un petit Ghaza.» Le raid de Nour Shams s’inscrit dans un contexte d’intensification de la violence en Cisjordanie, un territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, depuis le début de la guerre dans la bande de Ghaza déclenchée par l’attaque du Hamas du 7 octobre sur le sol israélien.
Au moins 484 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes ou des colons en Cisjordanie depuis le début de la guerre.
Lazzarini : la situation en Cisjordanie «s’aggrave de jour en jour»
Le patron de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, a déclaré hier que la situation en Cisjordanie occupée «s’aggrave de jour en jour», y compris dans les camps de réfugiés, appelant à mettre fin à l’occupation des territoires palestiniens. «La situation en Cisjordanie s’aggrave de jour en jour y compris dans les camps de réfugiés», a écrit Philippe Lazzarini dans un post sur la plateforme X. «La récente opération des forces (sionistes) dans le camp de Nour Shams a causé des pertes en vies humaines et de graves dégâts aux habitations et aux services publics», a-t-il déploré avant de rappeler que des centaines de personnes parmi lesquelles au moins 112 enfants palestiniens sont tombés en martyrs depuis le 7 octobre, date du début de l’agression génocidaire sioniste contre la bande de Ghaza qui a fait, jusque-là, plus de 34 000 martyrs. Le chef de l’Unrwa a aussi souligné que «les restrictions de mouvement et la violence des colons entravent l’accès des gens à l’emploi et aux moyens de subsistance et imposent un état de peur constant». «Il est temps de mettre fin à l’occupation et résoudre ce vieux conflit par des moyens politiques à travers un véritable engagement en faveur de la paix», a-t-il conclu dans son post.