Cinémathèque de Toulouse : Les archives de la lutte palestinienne conservées

19/08/2024 mis à jour: 18:48
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Les Palestiniens s'accrochent à l'histoire de leur terre occupée par les sionistes - Photo : D. R.

Des scènes de la vie quotidienne, des entraînements militaires, un camp de réfugiés au Liban en 1976... 40 films réalisés entre 1960 et 1980, véritable mémoire cinématographique palestinienne, ont trouvé un refuge provisoire en France, à la cinémathèque de Toulouse.

C'est au terme d'un parcours chaotique que ces courts et moyens métrages au grain fatigué et au format 16 et 30 mm ont traversé les remous de l'histoire pour rejoindre cette cité du sud-ouest de la France. Début des années 1980 : l'Institut du film palestinien, installé à Beyrouth, où est stockée une centaine de films militants, est bombardé par Israël, en pleine guerre du Liban.

Sa directrice Khadijeh Habashneh fuit le pays et laisse les bobines derrière elle. Depuis, cette cinéaste et militante féministe n'a eu de cesse que de reconstituer ce fonds. Les originaux laissés dans la capitale libanaise ont disparu et c'est à partir des copies qui ont circulé dans le monde entier que Mme Habashneh a pu mener son travail de reconstruction mémorielle, une œuvre qu'à 79 ans, elle poursuit encore aujourd'hui.

Jointe par téléphone à Amman, en Jordanie, où elle vit, elle explique ce que représentent ces films : «Dans les années 1960, les Palestiniens ont un besoin vital de documenter la révolution, le quotidien. De laisser des traces. De se créer une mémoire.»

«Le cinéma palestinien de l'époque répond à d'autres cinémas, notamment en Amérique latine et en Asie, et à l'idée selon laquelle le cinéma devait accompagner la révolution, avoir une fin politique», explique Hugo Darroman, auteur d'une thèse sur «le cinéma de la révolution palestinienne, 1967-1982».

Ces films, en grande partie produits par l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), marquent «l'investissement d'un proto-Etat dans le cinéma palestinien, qui existait auparavant, mais sous des formes individuelles», précise ce chercheur.

Les morceaux de cette mémoire, qu'elle est tant bien que mal parvenue à rassembler, sont issus des bobines projetées au fil du temps par les sympathisants de la cause palestinienne, de Cuba au Vietnam en passant par l'Italie, ou qui étaient conservées dans les bureaux internationaux de l'OLP.

Des pellicules qui ont donc «beaucoup tourné et ont été endommagées par l'usage et le temps», souligne Victor Jouanneau qui, à la cinémathèque de Toulouse, a travaillé à leur numérisation. «On s'est dit que l'on n'allait pas effacer toutes les traces de leur circulation, qui font partie de leur histoire», dit-il.

L'institution toulousaine, qui dispose des moyens techniques pour scanner les pellicules argentiques, a été séduite lorsqu'en 2018 Mme Habashneh cherchait des partenaires pour conserver les bobines, alors stockées au Caire et à la représentation palestinienne à Amman.

La caméra pour exister

«Ces films documentent la lutte palestinienne. Cela faisait sens de les accueillir à Toulouse car notre cinémathèque dispose historiquement d'un fonds très militant», explique son directeur Franck Loiret, en référence notamment aux importantes archives de mai 68 – époque de grandes manifestations et d'une grève générale en France – qui y sont conservées.

«C'est la première fois que le peuple palestinien se filmait lui-même», s'enthousiasme-t-il pour décrire la valeur historique du fonds, en ajoutant : «Le cinéma devient un moyen d'existence, de reconnaissance : on prend la caméra pour exister.» Sauvegarde, valorisation et diffusion de ces archives sont les trois missions que s'est fixée la cinémathèque.

Le grand public a pu les découvrir dans la 4e ville de France au printemps, lors d'un festival Ciné Palestine. Et leur numérisation permet désormais de les faire voyager plus facilement.

Elles ont déjà été projetées à Paris, Marseille (sud-est) et Londres, et sont désormais attendues au Maghreb et en Arabie Saoudite.

Toulouse ne devrait en tout cas être pour ces films, l'idée étant qu'un jour, lorsque la situation le permettra et qu'une institution dédiée pourra les accueillir de manière pérenne, ils reviennent là où, pour la plupart, ils ont été tournés, en territoires palestiniens. 
 

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