Au Salon de l’emploi pour jeunes diplômés de Shanghai, les recruteurs s’ennuient ferme dans leurs stands sous la pluie, en attendant des candidats potentiels. Malgré un taux de chômage au plus haut en Chine, l’offre ne correspond souvent pas aux aspirations des jeunes.
Le chômage des jeunes est devenu un problème si pressant que le président, Xi Jinping, a déclaré récemment aux hauts cadres du Parti communiste chinois (PCC) qu’il devait devenir une «priorité absolue». Cette semaine, se tient justement à Pékin une réunion au sommet autour du président chinois, pour discuter des maux de la deuxième économie mondiale et des moyens de la relancer, alors qu’elle tourne au ralenti depuis la sortie de la Covid.
En mai, le chômage des jeunes s’élevait à 14,2%, selon les données officielles, et en juin, 11,8 millions d’étudiants devaient obtenir leur diplôme et arriver sur le marché du travail. Le taux de chômage avait grimpé à un niveau sans précédent de 21,3% à la mi-2023, avant que les autorités ne cessent de publier des chiffres mensuels. Ils ont recommencé à les publier en décembre, après avoir ajusté la méthode de calcul.
L’hôtellerie et les ressources humaines dominaient le petit salon de l’emploi à Shanghai qui s’est tenu fin mai, l’un des nombreux organisés par les autorités locales. «Il est difficile de trouver un emploi qui corresponde à son diplôme et à ses aspirations», explique à l’AFP un étudiant en sciences de l’information, l’un des rares jeunes au Salon.
«Beaucoup d’étudiants ont en fait des attentes trop élevées», remarque Julia Shao, qui recrute pour une chaîne de restaurants. «Ils n’apprécient pas ce genre de poste de base. Ils préfèrent (...) un emploi de luxe.» Xi Jinping a spécifiquement mentionné les diplômés dans son discours au bureau politique du PCC fin mai, notant que «davantage d’emplois devraient être créés pour qu’ils puissent mettre en pratique ce qu’ils ont appris».
Il y a eu auparavant «une série de déclarations de dirigeants chinois soulignant l’urgence» de cette question, explique à l’AFP Erica Tay, directrice de la recherche macroéconomique pour Maybank. Avec la faiblesse persistante de la consommation et la profonde crise que traverse le secteur immobilier, le chômage est considéré comme l’un des principaux obstacles à la reprise d’une croissance vigoureuse en Chine après la pandémie.
Augmentation des aides
Malgré des déclarations encore vagues, «il est clair qu’un changement de politique est en cours», estime Harry Murphy Cruise de Moody’s Analytics. «Nous nous attendons à ce que les politiques visant à réduire le chômage des jeunes soient un pilier essentiel des discussions» au Troisième Plénum, la réunion au sommet organisée à Pékin cette semaine, a-t-il indiqué.
Le président chinois veut encourager les jeunes «à trouver des emplois ou à créer des entreprises dans des domaines (et) des industries clés», selon ses déclarations publiées fin mai. M. Murphy Cruise s’attend à ce que le gouvernement augmente les aides pour pousser les entreprises à embaucher des jeunes diplômés et à ce qu’il favorise les stages.
Toutefois, il ne s’agit là que de «solutions temporaires», pense l’analyste. A long terme, des «réformes plus importantes de la politique industrielle et éducative» sont nécessaires pour garantir une meilleure adéquation entre les compétences des diplômés et les exigences des employeurs.
Le gouvernement veut promouvoir les emplois qui «s’inscrivent dans les grandes priorités politiques» ou dans les secteurs en tension, comme la modernisation du secteur industriel et l’innovation, selon Mme Tay. Les débouchés se tarissent en revanche pour les diplômés de sociologie, journalisme et droit.
Près d’une faculté de droit de Shanghai, des étudiants de dernière année disent leur inquiétude. «Depuis la pandémie, c’est un peu plus difficile qu’avant», observe Qian Le, 22 ans, en mentionnant de récents plans sociaux et baisses de salaire dans les principaux cabinets d’avocats chinois. «Même ceux qui ont déjà un emploi risquent de ne pas pouvoir le garder et l’accès pourrait donc être plus difficile pour les nouveaux». Qian et sa camarade de classe Wang Hui ont toutes deux choisi de poursuivre leurs études.
La croissance du secteur privé chinois a considérablement ralenti, en partie à cause de mesures à l’encontre des géants de la technologie. De nombreux jeunes veulent devenir fonctionnaires, une option considérée comme plus stable, ou, comme Wang et Qian, obtenir des diplômes de troisième cycle.
Pour Karl Hu, un autre étudiant en droit, la difficulté n’est pas de trouver un emploi mais d’avoir «une carrière convenable» en termes de salaire et d’avantages. Il a lui-même obtenu un bon emploi dans une banque, mais prévient que beaucoup d’étudiants doivent «revoir leurs attentes à la baisse».