Chine : La médecine traditionnelle en renfort face à la Covid

21/01/2023 mis à jour: 09:13
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Une pharmacie de médecine traditionnelle chinoise

Ils sont opposés aux médicaments chimiques ou veulent un complément, alors ils utilisent gélules de plantes, tisanes ou acupuncture : de nombreux Chinois ont recours à la médecine traditionnelle contre l’actuelle vague de Covid en Chine. 

Le président Xi Jinping promeut régulièrement la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et les autorités louent son rôle face à la maladie, en complément d’une médecine moderne qui reste de loin le mode de soin privilégié dans le pays. La médecine traditionnelle regroupe diverses pratiques (médicaments à base de plantes, minéraux ou extraits d’animaux, massages, acupuncture, diététique, gymnastique tai-chi...) et est utilisée depuis des millénaires. Ses détracteurs, nombreux en Chine même, la voient comme une pseudoscience inefficace et soulignent qu’il existe peu d’études scientifiques prouvant sa potentielle efficacité. Mais des millions de personnes l’utilisent dans le pays, louant la quasi-absence d’effets secondaires, qui sont de coutume avec les médicaments classiques dits «occidentaux» (fatigue, troubles digestifs voire endocriniens). Employé d’une société de conseil à Pékin, Yu Lei, 38 ans, était fiévreux durant son Covid, alors il s’est fait une tisane de cassier, sorte de cannelle chinoise, avec racines de pivoine, réglisse, jujubes et gingembre, une décoction aux propriétés réputées anti-inflammatoires. «Durant la nuit, ma fièvre est redescendue», assure-t-il à l’AFP. Selon ses adeptes, les médicaments chinois agissent plus lentement, afin de réguler l’organisme et d’ouvrir une porte de sortie (transpiration, urine, selles) au pathogène. «En famille, on utilise souvent la MTC. On la préfère aux médicaments occidentaux, qui s’attaquent aux symptômes mais rarement à la source du mal», déclare Yu Lei.

«On ne sait pas»

Les «médicaments chinois» sont normalement des décoctions, réalisées sur prescription d’un médecin spécialisé. Mais aujourd’hui, beaucoup de Chinois achètent directement en pharmacie des médicaments tout prêts, sans ordonnance, et dont le conditionnement (gélules, pastilles, poudres) est similaire aux médicaments occidentaux. «On ne sait pas si ces traitements sont efficaces, car ils n’ont pas été étudiés lors d’essais cliniques», souligne toutefois Ben Cowling, professeur d’épidémiologie à l’école de santé publique de l’université de Hong Kong. «Je n’exclus pas la possibilité que certains d’entre eux soient efficaces, mais je n’exclus pas non plus la possibilité que certains d’entre eux puissent être nocifs.» De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande uniquement des traitements à base de médicaments chimiques contre la Covid-19. Interrogée par l’AFP à propos de la MTC, elle a déclaré laconiquement conseiller aux pays de «rassembler des preuves et des données fiables sur les pratiques et les produits de la médecine traditionnelle». La médecine occidentale reste largement privilégiée par la population et les hôpitaux. Mais les autorités sanitaires et des experts médicaux invités dans les médias assurent régulièrement que les deux médecines peuvent jouer «un rôle complémentaire» contre fièvre, douleurs articulaires, toux et maux de gorge. Sur internet, de nombreux autodidactes partagent leurs recettes d’infusions, techniques de massage ou de pression de points d’acupuncture. Acupuncteur de 68 ans, Li Wen se pique avec quelques aiguilles pour combattre son état grippal. «Les médicaments chinois sont utiles pour affronter le virus, mais ne peuvent pas tuer le virus», précise-t-il.

Poires et poireau

Contre la toux, Danni, Pékinoise de 39 ans, prend elle du Pei Pa Koa, un sirop à base d’extraits de plantes. «Pas parce que je ne trouve pas de médicaments occidentaux», que les Chinois peinent parfois à se procurer depuis l’explosion des cas de Covid-19, «mais parce que c’est efficace et apaisant», déclare-t-elle. «Je me prépare aussi une soupe de poires et de l’eau chaude avec du citron, pour soulager la gorge et pour l’apport en vitamine C.» Pékinois de 70 ans, Cai Yongmao utilise deux médicaments chinois aux propriétés anti-inflammatoires. «Je me fais aussi un bouillon poireau-ail-gingembre pour soulager mon mal de gorge», dit-il. «Cela fait des décennies que j’utilise les plantes pour soigner rhume, toux, maladies respiratoires... Pourquoi ? Parce que je suis satisfait des résultats et que les médias vantent souvent leurs bienfaits.» Mais beaucoup ne sont guère convaincus. «Nous les jeunes, on connaît peu la médecine traditionnelle. On privilégie les médicaments occidentaux parce qu’ils ont des résultats immédiats», juge Grace Hsia, réalisatrice de 30 ans.  «Contre la fièvre, j’ai pris du paracétamol et l’effet était très rapide», abonde Li Na, Pékinoise de 36 ans. «Les médicaments chinois, c’est inefficace. Les gens en prennent plus pour se rassurer, pour se dire qu’ils prennent quelque chose.» Pour Lan Jirui, docteur en médecine chinoise à Pékin, les doutes entourant leur efficacité sont surtout dus à l’automédication. «C’est la même logique que la médecine occidentale. Si le médicament est acheté sur prescription du médecin, il sera probablement efficace. S’il est acheté au hasard à la pharmacie, alors peut-être pas...»

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