Ces niches financières négligées à même de renflouer les caisses du Trésor public

19/07/2023 mis à jour: 00:52
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Comment renflouer le trésor public ?

1. Par la captation, déjà ,de l’argent de l’informel : 

Plus de 5000 milliards de dinars circuleraient actuellement en Algérie hors secteur bancaire, soit plus de 50% des encours des crédits accordés à l’ensemble de l’économie nationale, avait annoncé, le gouverneur par intérim de la Banque d’Algérie. 

Cette somme (5000 milliards de dinars, plus de 50 milliards de dollars) représente aussi plus de 30% de la masse monétaire totale du pays. Cela veut dire que la politique de l’épargne est déficiente .

Selon lui, il ne s’agit pas seulement de reprocher aux banques d’être inefficaces et de ne pas être capables de collecter cette épargne. Il faut entamer des études sérieuses pour mettre le doigt sur les vrais motifs qui font que cette épargne n’atterrit pas dans le cercle bancaire. 

Est-ce que les banques n’ont pas offert des produits attractifs, ou y a-t-il d’autres raisons ?

Ce sont ces questions-là qui doivent être posées et étudiées, a estimé le gouverneur par intérim de la Banque d’Algérie. 

Mais ce responsable qui s’interroge ainsi, ne sait-il pas que c’est l’argent de l’économie informelle, dont toutes les démarches pour le récupérer dans les circuits légaux se sont avérées infructueuses  ?
Par le passé, le gouvernement avait préconisé de récupérer la masse monétaire hors circuit bancaire en instituant une taxe de 7% contre amnistie au profit des déposants. 

Les résultats n’étant pas fructueux, d’autres solutions ont été imaginées pour capter l’argent de l’informel en développant la finance islamique et en lançant l’emprunt obligataire

2. A en croire les experts financiers, d’autres niches financières peuvent être ciblées 
Il s’agit de tous les biens à l’étranger dont l’exploitation ne profitait ni à la diaspora algérienne ni au Trésor public ; ils étaient parfois même laissés à l’abandon !

Selon ce qui avait été rapporté par le quotidien d’El Watan, il s’agirait de résidences luxueuses, de châteaux, de bâtiments, d’hôtels, de commerces, d’exploitations agricoles, acquis par le FLN, sous des noms d’emprunt et de particuliers, pour le compte de la Révolution mais aussi d’actions dans des sociétés financières et commerciales, dont la gestion s’avère aussi problématique que coûteuse.

Ce patrimoine ne se trouve pas uniquement en France, mais également en Suisse, en Tunisie, en Arabie Saoudite et même en Libye et au Mali, pour ne citer que ces pays.

D’autres biens ont été acquis en Allemagne, mais surtout en Suisse, qui était la base arrière du FLN pendant la guerre de Libération, et le lieu de dépôt de son trésor. 

Le patrimoine de l’Algérie en France serait bien plus important qu’on peut le croire, d’autant plus qu’il n’est pas totalement répertorié. Mais indéniablement, les plus importants biens de l’Etat se trouvent sur le territoire français. 
Un patrimoine assez important dont l’exploitation ne profite malheureusement pas au Trésor public. 

Selon des sources diplomatiques, «bon nombre de ces noms d’emprunt ont disparu. Ce qui a été récupéré reste néanmoins important, mais ne génère pas de revenus à la hauteur de sa valeur».

Durant son deuxième mandat, Bouteflika, après avoir été saisi sur les convoitises de certains dignitaires qui voulaient mettre la main sur des résidences de maître à Paris, a chargé l’IGF (Inspection générale des finances) de mener une enquête sur les biens de l’Etat à l’étranger, surtout en France, qui aurait révélé des «pratiques illégales qui auraient permis à des pontes du système d’accaparer certaines résidences d’Etat, hôtels et appartements». 

Bien évidemment, le rapport de l’IGF n’a pas été divulgué !

En 2009, une luxueuse résidence de 35 000 mètres carrés a été achetée par l’Algérie à Genève pour plus de 27 millions d’euros (30 millions de francs suisses). Considérée à l’époque comme l’une des plus grosses ventes immobilières à Genève, cette acquisition a suscité de nombreuses interrogations et alimenté le débat sur la nécessité de se «débarrasser» de ces nombreux biens budgétivores que l’Algérie détient à l’étranger.
Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à relancer le débat sur «la nécessité» de recourir à la vente de ces biens ; même si les avis divergent sur cette question, il n’en demeure pas moins que l’Algérie possède un énorme patrimoine qui aurait pu constituer un important revenu pour le Trésor public s’il n’avait pas fait l’objet de prédation et de mauvaise gestion. 

Bien évidemment, des voix vont s’élever contre cette initiative et crier à l’hérésie ! 

De quel droit l’Etat va-t-il vendre des biens communs, des bijoux de famille ? oseront dire certains 
Pourtant, beaucoup de pays et non des moindres y recourent pour renflouer leurs caisses :

• l’Espagne à titre d’exemple, qui a procédé à la vente de quelque 15 135 biens publics et ce n’était pas la première fois !

• la France qui, chaque année, cède une partie de son patrimoine public mais aussi militaire, ce qui lui permet d’engranger outre des bénéfices plus que substantiels, d’adapter son parc immobilier aux besoins (restructurations militaires, nouvelles cartes sanitaire et judiciaire etc.). A titre indicatif, les cessions ont permis de rapporter près de 574 M € à l’Etat ; un chiffre globalement stable depuis 10 ans. 
3. Et il n’y a pas que les biens à l’étranger !

L’Etat, les collectivités locales et les organismes divers dépendant des administrations centrales possèdent un patrimoine qui, en l’état, grève lourdement le budget parce qu’en partie, il est constitué d’actifs dormants «improductifs» et pour la plupart abandonnés par négligence et laxisme des responsables et/ou suite à un changement de leur destination initiale. 

Il s’agit, par exemple, d’écoles désaffectées, de services de santé abandonnés, de marchés inopérants et inaccessibles (dans la seule commune de Douéra, il a été recensé 5 infrastructures de ce type), de locaux destinés à l’emploi des jeunes en état de ruine avancée, de gares routières boudées par des usagers et les transporteurs, d’anciens sièges de la garde communale réalisés sur PCD et délaissés suite au redéploiement de ce corps… Et tant d’autres biens de valeur qui grèvent lourdement le budget de l’Etat et qui pourraient être identifiés après enquête.
Bref, toute une «niche financière» qui ne demande qu’à être transformée en recettes bénéfiques en ces temps de crise !

L’évaluation de tous ces biens patrimoniaux n’est pas, à notre sens, problématique. 

Les walis, les ministères et les organismes concernés, accompagnés par les services domaniaux compétents, s’ils venaient à être instruits, pourraient :

Dans un premier temps, en établir la «cartographie» et le «recensement». 
Ensuite, définir la propriété, en s’appuyant, impérativement, sur un critère absolu, l’«inutilité » des immeubles concernés. 

Enfin et avec la remontée des informations et leur consolidation, l’on aura, déjà :
1. un aperçu sur leur «estimation quantitative et qualitative» en termes de valeur vénale et leur superficie.
2. une idée de ce que tout ce «trésor dormant» peut rapporter, éventuellement, à l’Etat s’il venait à être aliéné et cédé
3. les montants ainsi collectés qui seront injectés pour réduire le déficit public.
4. une partie des recettes qui sera prélevée pour réhabiliter des bâtiments publics, en acheter ou en construire d’autres.

5.  le niveau des «économies» qui seront réalisées :
• en termes d’entretien, d’énergies 
• et même de postes de travail, sachant que les gardiens desdits biens, par exemple, pourraient être redéployés voire même imposés aux «repreneurs» par des clauses particulières.

A défaut, tous ces biens patrimoniaux, continueront à se dégrader inexorablement, tout en grevant lourdement le budget de l’Etat. 

En somme, des «biens Habous» qui ne disent pas leur nom ! 
Est-ce bien raisonnable en ces temps de crise ? 

A ceux, enfin, qui viendraient à critiquer «la vente d’une partie du patrimoine immobilier de l’Etat» on les renvoie à l’exemple d’une entreprise qui se trouve en difficulté profonde et qui n’a d’autre choix que de réaliser certains de ses actifs, notamment immobiliers, afin de préserver son cœur de métier et poursuivre son redressement. 

N’est-il pas préférable pour elle d’alléger ses charges en matière de gardiennage, d’entretien, d’énergies, d’assurances et dans la foulée, bénéficier d’argent frais pour sa relance ?

Cela relève du bon sens ! 

Pour conclure, rappelons cette instruction d’«interdiction d’exportation de tout produit stratégique» édictée par le président de la République lors d’un discours à la Nation, qui résonne comme une volonté ferme d’aller vers le «patriotisme économique». 

En clair, et c’est un des enseignements à tirer de la pandémie du coronavirus, l’Algérie ne doit compter que sur ses potentialités.

Tout le monde l’aura compris : «Le pays exige des expérimentations audacieuses et soutenues. Le bon sens est de choisir une méthode et de l’essayer. Si elle échoue, admettez-le franchement et essayez autre chose. Mais surtout, essayez quelque chose  !». 

Citation formulée il y a plus de 80 ans par l’ancien président américain, Franklin Roosevelt. A méditer !
 

Par Cherif Ali  , Ancien cadre supérieur de l’Etat

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