Burkina Faso : Une mortelle indiscipline pour les conducteurs de deux-roues

16/03/2024 mis à jour: 04:02
AFP
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Rasmané Ouédraogo, dit «Rastafou», est le cascadeur le plus célèbre du Burkina Faso. Cet acrobate de 72 ans caracole depuis l’enfance dans les rues de Koudougou, ville du centre du pays, sans le moindre équipement de sécurité.

 

Sa mobylette file dans les rues poussiéreuses. Couché en équilibre sur le siège, le septuagénaire mouline des bras et des jambes dans les airs, devant les riverains admiratifs. 

«Ce n’est pas prudent de faire comme moi mais c’est ma passion et j’ai une longue expérience», assure-t-il, avec une lueur de témérité dans le regard que ni le poids des années, ni plusieurs séjours à l’hôpital n’ont éteint. «A le voir faire ses tours, on a peur qu’il tombe mais il tient toujours», constate Bruno Ilboudo, un habitant de Koudougou. Cette conduite à risque a tout de même fini par irriter une partie du public dans un pays où les accidents de la route sont un fléau, en particulier pour les deux-roues. 

Un reportage de la télévision nationale consacré à Rastafou cabriolant sans équipement de protection sur son engin a déclenché une polémique et relancé le débat sur le port du casque, officiellement obligatoire mais rarement porté. Au Burkina Faso, la moitié des victimes d’accidents de la route au premier semestre 2023 ne portaient pas de casque de protection, selon un rapport de l’Onaser (Office national de la sécurité routière). 

Les statistiques officielles font état d’environ un millier de morts par an, un chiffre réputé sous-évalué dans un pays classé parmi les plus pauvres du monde.
 

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 92% des décès sur les routes surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, alors qu’ils ne possèdent qu’environ 60% du parc mondial de véhicules.
 

Geste vital

Sommée de réagir, la télévision nationale avait offert un kit de protection intégrale à Rastafou, face aux caméras venues pour l’occasion. Mais le cascadeur s’est empressé de ranger cet équipement au placard, préférant arborer un treillis plus en vogue dans ce pays dirigé par les militaires depuis un coup d’Etat en 2022. «Le grand casque n’était pas à ma taille, je l’ai troqué contre un plus petit, mais qui m’empêche de voir lors de mes sorties», plaide Rasmané Ouedraogo. 

Comme lui, de nombreux Burkinabè rechignent à porter le casque. En 2006, une opération de contrôle des usagers avait même déclenché une «émeute du casque» dans la capitale où circulent des milliers de deux-roues. Le non-respect du port du casque demeure pourtant la première cause des traumatismes crâniens enregistrés à l’hôpital, selon le docteur Sévérin Kéré, praticien à la clinique Saint Désiré à Ouagadougou. «Si vous comparez le prix du casque à celui d’un scanner, vous vous rendrez compte que ne pas payer ou porter de casque revient plus cher», souligne-t-il. 

A Ouagadougou, où des nuées de deux-roues vrombissent sur des voies dédiées aux heures de pointe, plusieurs associations mènent des campagnes de sensibilisation dans les espaces publics et les établissements scolaires pour «rappeler à tous le geste vital» qu’est le port du casque. «Bien souvent, même lorsque l’usager porte le casque, celui-ci n’est aucunement attaché, ou pas comme il le faut, toute chose qui lui ôte toute son utilité en cas de collision», rappelle Sakinatou Segda, membre de l’association Casqués du Faso.
 

L’objectif consiste aussi, «à long terme», à former «des citoyens soucieux de leur sécurité», explique Youssouf Noba, membre de l’association Zéro goutte de sang sur la route.
 

Répression

Mais en dépit des multiples réformes législatives et règlementaires, des actions de sensibilisation et de répression, le taux d’accident se maintient et implique majoritairement des jeunes de 15 à 30 ans, selon l’Onaser.
En décembre 2023, les autorités ont décidé de sévir une nouvelle fois en mettant à jour une loi qui oblige les vendeurs de deux-roues à intégrer un casque dans la transaction. 

Un surcoût de 20 000 à 35 000 francs CFA (environ 30 à 50 euros) par achat, selon Henri Joël Kaboré, responsable d’une entreprise de vente de motocyclettes. «Souvent des clients refusent le casque, espérant avoir une baisse du coût de la moto. Mais on est obligé de leur expliquer la mesure, surtout qu’il n’est pas possible de faire établir les documents de l’engin sans les reçus mentionnant que le casque est compris dans la vente», indique M. Kaboré. 

En décembre 2023, le ministre des Transports, Roland Somda, a affirmé que le gouvernement passerait à la répression en cas de non-respect du port de casque courant 2024. Rastafou sera-t-il rattrapé par la patrouille ? «Jusqu’à présent, je continue avec les cascades en me confiant à Dieu», assure-t-il. AFP

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