Brésil : Avec Bolsonaro hors course, la droite brésilienne en quête de leader

03/07/2023 mis à jour: 03:06
AFP
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La condamnation à huit années d’inéligibilité de l’ex-président Jair Bolsonaro laisse la droite brésilienne sans leader et ouvre une bataille très incertaine pour sa succession, trois ans avant le prochain scrutin présidentiel. En le déclarant vendredi inéligible pour «abus de pouvoir politique», le Tribunal supérieur électoral (TSE) a mis M. Bolsonaro hors course pour la présidentielle de 2026.

 En cause : ses «fausses» informations visant à décrédibiliser le vote électronique avant sa défaite face au candidat de gauche Luiz Inacio Lula da Silva fin 2022.  Il est devenu à 68 ans le premier chef d’Etat déclaré inéligible par la justice électorale, quelques mois après avoir perdu de justesse (1,8% d’écart) face à Lula avec 58 millions de suffrages, 400 000 de plus que du temps de sa victoire quatre ans plus tôt. Lula, lui, avait été empêché par la justice de concourir en 2018, avant que la Cour suprême ne lui rende ses droits politiques. «L’électorat de droite au Brésil est consolidé et, avec un Bolsonaro plus faible,  est en quête de leader. Il y aura un héritier», estime Leonardo Paz, politologue à la Fondation Getulio Vargas.  

«Nous allons continuer à travailler. Je ne suis pas mort. (...) Ce n’est pas la fin de la droite au Brésil», a assuré vendredi M. Bolsonaro. Le responsable d’extrême droite, qui avait réussi à s’imposer comme le chef incontesté d’un vaste courant allant jusqu’à la droite classique, a assuré sarcastiquement qu’en rendant son jugement, le TSE avait fait de lui un «rabatteur de voix de luxe». Son Parti libéral (PL), qui a fait de lui cette année son président d’honneur, compte en effet sur son influence pour faire élire ses candidats aux municipales de 2024, première échéance avant la présidentielle de 2026. 

L’ancien chef de l’Etat a donc prévu de rester actif et de multiplier déplacements et réunions politiques.  «Il a besoin de rester dans le paysage face aux médias et à ses supporters», pour ne pas se faire oublier, analyse Leandro Consentino, politologue à l’institut Insper de Sao Paulo. M. Bolsonaro, qui a prévu de faire appel de sa condamnation devant la Cour suprême, a bien d’autres rendez-vous judiciaires qui l’attendent. En plus d’une quinzaine de procédures devant le tribunal électoral, l’ex-dirigeant est ciblé par la Cour suprême dans cinq affaires, notamment pour son rôle présumé d’inspirateur des attaques du 8 janvier commises par ses partisans les plus radicaux contre les lieux de pouvoir à Brasilia. Il risque la prison.
Bolsonarisme sans Bolsonaro
Grande inconnue : qui sera mis sur orbite par l’ancien président, qui jusque-là s’est bien gardé d’adouber qui que ce soit ?  La presse et les experts se hasardent déjà depuis des mois à dire qui pourrait être le favori. 
Parmi ceux qui semblent s’imposer à ce stade : le gouverneur de l’Etat de São Paulo (sud-est) et ex-ministre des Infrastructures, Tarcisio de Freitas, le gouverneur du Minas Gerais (sud-est), Romeu Zema, ou encore l’ex-ministre de l’Agriculture et sénatrice Tereza Cristina, soutenue par l’agronégoce, secteur capital de l’économie brésilienne. Un autre nom qui revient est celui de Michelle Bolsonaro, qui a joué un grand rôle dans la dernière campagne de son mari auprès de l’électorat féminin.  Après le jugement, les alliés de l’ex-Président se sont bousculés pour lui exprimer leur solidarité, à l’image de M. Freitas, qui a affirmé que son «leadership ne peut être remis en question et perdure». 

Enfin, la mise hors jeu électoral de Jair Bolsonaro ne signifie pas nécessairement un affaiblissement de la droite face à Lula, selon les experts. La question sera de savoir «si ‘la droite’ pourra marcher unie ou si, devant la prolifération de noms, elle va vers une dispersion», explique M. Consentino. Au Parlement, le camp Bolsonaro est aujourd’hui plus fort encore qu’il ne l’était sous son mandat, et a déjà infligé de sévères revers au président de gauche, en particulier sur les questions environnementales. 

Publié par le quotidien Globo samedi et intitulé «Bolsonarisme sans Bolsonaro ?», un éditorial le souligne : synonyme d’une puissante évolution conservatrice de l’opinion brésilienne, le bolsonarisme «survivra probablement» aux déboires de son inspirateur, car «c’est un phénomène social et pas simplement 
électoral». 
 

 

Lula et son gouvernement pas affectés par l’inéligibilité de Bolsonaro

Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a estimé samedi que l’inéligibilité infligée à Jair Bolsonaro était «le problème de la justice» et qu’elle n’affectait pas la «tranquillité» de son gouvernement. «Il (Bolsonaro) sait ce qu’il a fait : s’il a bien agi, il sera récompensé, s’il a mal agi, il sera jugé et puni en accord avec l’erreur qu’il a commise», a commenté le dirigeant de gauche, interrogé après un entraînement de la sélection féminine de football à Brasilia, selon les médias locaux. «C’est le problème de la justice, qui n’interfère pas dans la tranquillité du gouvernement», a-t-il évacué, à propos de la condamnation à huit ans d’inéligibilité infligée vendredi à son prédécesseur d’extrême droite. Jair Bolsonaro a ainsi été mis hors course pour les prochains scrutins, dont la présidentielle en 2026, pour s’être livré à de la désinformation avant de perdre l’élection contre Lula fin 2022. M. Bolsonaro a dénoncé un «coup de couteau dans le dos» du Tribunal électoral supérieur (TSE), qui a prononcé sa condamnation, affirmant cependant ne pas «être mort». Il prévoit par ailleurs de faire appel devant la Cour suprême du Brésil. 
 

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