Boumerdès : Des sites historiques à valoriser

11/07/2022 mis à jour: 00:10
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Photo : D. R.

Des initiatives sont entreprises pour valoriser des lieux chargés d’histoire et qui demeurent méconnus du grand public.

Soixante ans après l’Indépendance du pays, à Boumerdès plusieurs monuments historiques et autres lieux de mémoire sont encore méconnus du grand public ou livrés à l’abandon, dans l’indifférence générale. Le cas du bâtiment ayant abrité le siège de l’instance exécutive du GPRA est édifiant.

Classé patrimoine culturel le 8 mai 2016, ce monument n’a bénéficié d’aucune opération de réhabilitation, et ce, malgré sa détérioration. Même l’endroit où a été hissé pour la première fois de manière solennelle et officielle le drapeau algérien est livré aux oubliettes.

La cérémonie s’est déroulée dans la matinée du lundi 3 juillet 1962 en présence d’Abderrahmane Farès en sa qualité de président de l’Exécutif provisoire et de hauts responsables de l’ancienne puissance coloniale, dont Christian Fouchet, le haut commissaire de la France en Algérie. Le drapeau a été hissé par les moudjahidine Abdelkrim Seraidi et Saïd Hamrouche, frère de Mouloud Hamrouche, sous les chants patriotiques d’une troupe de scouts algériens, rapporte Hamoud Ibaouni, un ancien journaliste qui entreprend des recherches sur l’histoire de la région. Mais le site reste toujours méconnu du grand public.

La semaine dernière, à l’occasion du soixantenaire de l’indépendance, les responsables de l’université ont pris l’initiative de transformer le bureau d’Abderrahmane Farès en musée. On y trouve des fauteuils, une petite table ainsi que plusieurs photos de moudjahidine et des membres de l’instance exécutive. Le musée se trouve au 2e étage du bloc abritant la faculté des hydrocarbures et devra être ouvert au public chaque samedi, précise le Pr Mustapha Yahi, recteur de l’université.

Bien que tout a été organisé à la hâte, le geste a été salué par plus d’un. Né en 1911 à Amalou, près d’Akbou, Abderrahmane Fares, notaire de profession, était membre de l’Assemblée constituante en 1946. Il s’installe à Paris en 1956 où il est chargé par la Fédération de France de collecter des fonds. Le 4 novembre 1961, il est arrêté pour «atteinte à la sûreté de l’Etat» et incarcéré à la prison de Fresnes. Il sera libéré le 19 mars 1962 avant d’être désigné quelques jours plus tard à la tête de l’Exécutif provisoire.

Ouverture d’un musée

Ce militant au long cours est décédé à Zemmouri le 13 mai 1991. En sus du musée, une unité de soins a également été aménagée juste au dessous du bureau d’Abderrahmane Farès. La structure ne fait pas l’unanimité. «Cette unité de soins ne cadre pas avec la vocation de ce monument. Elle lui fait de l’ombre, d’où l’urgence de la délocaliser à l’intérieur du campus d’autant qu’elle est réservée exclusivement au personnel de l’université», estime un enseignant qui fait un flash-back aux années où Boumerdès était la capitale du pays.

Pour lui, le choix des autorités coloniales de s’établir au Rocher noir à la veille de l’Indépendance était dicté surtout par les impératifs de sécurité en raison de la pression exercée par les combattants de l’ALN sur Alger et les exactions perpétrées par l’OAS.

Les premiers bâtiments ayant abrité les bureaux des responsables coloniaux en Algérie ont été réceptionnés fin 1961. L’instance Exécutive du GPRA y avait élu domicile quelques jours après la proclamation du cessez-le-feu pour gérer les affaires courantes du pays, préparer le référendum pour l’autodétermination et organiser l’élection de l’Assemblée constituante. Dans son livre L’Exécutif provisoire : les enjeux d’une transition chaotique, le sociologue Aïssa Kadri estime que «peu de travaux ont été menés sur l’Exécutif provisoire.» Cette instance est composée de 12 membres.

Parmi eux : Mohamed Khemisti, Missoum Sbih, Abdelatif Rahal, Abdelmalek Temmam, Abdelkader Zaibeck, Smail Mahroug ou encore Mohand Mahiou, premier directeur de cabinet de Abderrahmane Farès. La mission de l’instance se termine le 15 octobre 1962 après l’élection de l’Assemblée nationale constituante et la formation du gouvernement de Ben Bella.

Pour Aïssa Kadri, «les hommes, qui ont eu la charge de conduire la transition du printemps à l’automne 1962, ont travaillé avec des contraintes extraordinaires.

Dans une phase de violence inouïe, ils ont, dans les limites des accords négociés, permis aux institutions de fonctionner. Ils ont permis l’essentiel, à savoir asseoir les bases de la construction de l’Etat national indépendant». 

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