Bons salvadoriens en bitcoin : Le pari risqué du président Bukele

22/02/2023 mis à jour: 00:13
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Le président salvadorien Nayib Bukele a mené la transition bitcoin tambour battant

Le président salvadorien Nayib Bukele projette d’émettre de la dette publique adossée au bitcoin pour financer notamment la construction ex-nihilo dans l’est du pays d’une «bitcoin-city» alimentée par l’énergie géothermique issue du volcan Conchagua.

Le 11 janvier, le Parlement salvadorien, dont la majorité est acquise au chef de l’Etat, a ouvert la voie à l’émission de l’équivalent d’un milliard de dollars de bons d’Etat en bitcoin, mais ces «bons-volcan» en cryptomonnaie pourraient ne pas rencontrer le succès escompté auprès des investisseurs, avertissent des analystes. L’ancien chef de la Banque centrale du Salvador Carlos Acevedo est sceptique : «Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’appétit pour ce produit sur les marchés», a-t-il confié à l’AFP.

De même, le FMI a appelé la semaine dernière le président Bukele à la prudence. «Etant donné les risques légaux, la fragilité fiscale et la nature principalement spéculative des marchés crypto, les autorités (salvadoriennes, ndlr) devraient renoncer à leurs projets d’étendre l’exposition gouvernementale au bitcoin, y compris (par) l’émission de bons», a-t-il mis en garde. La vente des «bons-volcan» va «dépendre du taux d’intérêt offert», relève l’économiste Ricardo Castaneda de l’Institut Centroaméricain d’Etudes fiscales. Si cette émission de dette publique en cryptomonnaie contribue à la construction de la première «ville bitcoin» au monde elle «pourrait avoir un impact positif dans le monde crypto en général» et être prise en compte «au moment de prêter de l’argent» de cette façon au gouvernement salvadorien, souligne M. Castaneda.

Conjoncture «peu propice»

Cependant, juge-t-il, «la conjoncture est peu propice, au moins pour toute cette année» en raison de la «volatilité» actuelle de la cryptomonnaie.

De son côté, Rafael Lemus juge que la situation fiscale du Salvador est «intenable», avec une dette publique équivalent à 80% du PIB. Dans ces conditions, «acheter des +bons volcan+ est un pari spéculatif» et dans la pratique «il s’agit de trouver des millionnaires dormants», soutient l’économiste. Abondant dans le sens du chef de l’Etat, l’ambassadrice du Salvador à Washington Milena Mayorga, assure cependant que «de grandes entreprises» achèteront des «bons-volcan» : «Nous avons parlé en Europe avec des acheteurs potentiels et je crois que cela va être important pour les projets du président Bukele», a-t-elle déclaré à la télévision publique Canal 10 du Salvador. Depuis septembre 2021, le Salvador est le premier pays à avoir adopté le bitcoin comme monnaie légale, parallèlement au dollar. Le but proclamé par le chef de l’Etat était d’épargner des frais de transfert d’argent de la communauté exilée vers la population restée au pays, dont 70% ne possède pas de compte bancaire. Cependant, le bitcoin n’a pas rencontré le succès attendu : seul 1,6% des plus de 7,7 milliards de dollars de ces «remesas» a transité l’année dernière sous la forme de cryptomonnaie, selon la banque centrale. Il est vrai que la chute vertigineuse du cours du bitcoin - passant de 68 000 dollars en novembre 2021 à environ 24 000 dollars actuellement - n’était pas faite pour rassurer.

En 2022, 74% des Salvadoriens n’ont pas du tout utilisé la cryptomonnaie, selon une enquête de l’Université Centroaméricaine (UCA). Si le président Bukele jouit d’une écrasante popularité grâce à sa «guerre contre le crime», sa politique en faveur du bitcoin est un «pari raté» car elle «ne répond pas à un besoin réel de la population», juge l’économiste Rafael Lemus. Avoir boudé la cryptomonnaie «a sauvé» les Salvadoriens de la chute du bitcoin, remarque-t-il. Croyant en sa bonne étoile et en l’avenir de la cryptomonnaie, le président Bukele a consacré 107 millions de dollars d’argent public à l’achat de bitcoin de septembre 2021 à octobre 2022. Le 17 novembre, il a même annoncé que le Salvador allait acheter un bitcoin par jour, sans cependant préciser pendant combien de temps.   

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