Birmanie : Un groupe d’insurgés contrôle un poste-frontière près de la Chine

27/11/2023 mis à jour: 21:12
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Image d'illustration: le pouvoir militaire birman sous pression (phorto du 8 novembre 2023). — © keystone-sda.ch

Un groupe d’insurgés d’une minorité ethnique en Birmanie a pris le contrôle d’un lucratif poste-frontière qui sépare le pays de la Chine, ont indiqué hier les médias locaux et une source de sécurité, relayés par l’AFP.
Des combats font rage dans l’Etat birman Shan, dans le nord, près de la frontière chinoise, depuis qu’une alliance de trois groupes insurgés de minorités ethniques a lancé une offensive contre l’armée birmane en octobre. 

Ces groupes ont pris le contrôle de positions militaires et d’une ville stratégique pour le commerce avec la Chine, coupant la junte de ses routes commerciales. Une offensive menée par l’Armée de l’Alliance démocratique nationale de Birmanie (MNDAA), l’un des trois groupes insurgés, a pris le contrôle du poste-frontière de Kyin San Kyawt, a indiqué un média local affilié au groupe. «Le MNDAA a également signalé avoir saisi une autre porte commerciale frontalière, appelée Kyin San Kyawt, dans la région de Mongko, district de Muse», a rapporté dimanche le journal Kokang. 

Il a ajouté que l’alliance, comprenant l’Armée d’Arakan (AA) et l’Armée de libération nationale de Ta’ang (TNLA), s’était emparée d’autres positions dans la zone commerciale frontalière après le début de l’assaut vendredi. 
Le MNDAA a hissé son drapeau dans la zone de commerce frontalière de Kyin San Kyawt, a indiqué une source sécuritaire. 
 

Au début de la semaine, le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun, a déclaré aux médias d’Etat qu’environ 120 camions, garés près du poste-frontière, ont été incendiés par les groupes armés. 

Une partie non négligeable des échanges avec la Chine transite précisément par cette zone. Son blocage depuis plusieurs semaines prive l’armée de liquidités, devenues précieuses dans une économie en panne depuis le coup 
d’Etat de 2021.

 

Situation sécuritaire dégradée

Selon des informations locales, les marchandises qui transitent par le poste-frontière de Kyin San Kyawt comprennent des machines, des appareils électriques, des tracteurs agricoles et des articles de consommation.
Au vu de la détérioration de la situation sécuritaire, la Chine a appelé vendredi ses ressortissants à quitter «au plus vite» le nord de la Birmanie et à se tenir à l’écart des combats.
 

Dans ce contexte, l’armée chinoise a lancé des «exercices de combat réel» le long de la frontière avec la Birmanie, a indiqué samedi son commandement Sud dans un communiqué, qui ne précise ni la durée des opérations ni le nombre de soldats impliqués. Ces exercices visent à «tester la capacité des troupes (...) à contrôler et fermer les frontières et à frapper avec une puissance de feu», a affirmé l’armée, assurant être «prête à répondre à toutes sortes d’urgence». La Chine a informé l’armée birmane de ces exercices, a déclaré samedi le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun.
 

Pays du Sud-Est asiatique, ancienne colonie britannique, occupée par le Japon de 1942 à 1944, la Birmanie a proclamé son indépendance en 1948. En 1962, le général Ne Win, commandant en chef de l’armée, prend le pouvoir par un coup d’Etat. En 1992, le général Saw Maung est renversé par un putsch du général Than Shwe. La junte est officiellement dissoute en 2011. Le 1er février 2021, l’armée birmane destitue Aung San Suu Kyi. Elle est arrêtée avec le président de la République, Win Myint, et le gouvernement est démis. L’armée juge le coup d’Etat nécessaire pour préserver la «stabilité» de l’Etat et promet de nouvelles élections «libres et équitables», une fois l’état d’urgence d’un an levé. Elle a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’irrégularités électorales «énormes», après sa victoire au mois de novembre 2020. Les militaires dénoncent, déjà depuis plusieurs semaines, des millions de cas de fraudes et font planer le spectre d’un coup d’Etat. 

En fait, l’élimination de la cheffe de gouvernement obéit à une raison liée à l’avenir de l’armée dans le pays. Les militaires se sentent menacés par la défaite en novembre du Parti de la solidarité et du développement de l’union (PSDU), formation qui sert les intérêts de l’armée. La LND y a obtenu 396 des 476 sièges du Parlement, soit 82% des députés, tandis que le PSDU a dû se contenter de 33 élus en plus des 25% de sièges attribués à l’armée par la Constitution birmane de 2008. Les résultats du scrutin sont validés par la Commission électorale. 

Avec sa grande majorité, Mme Suu Kyi compte modifier la Constitution. Intention manifestée en 2019. La Constitution de 2008 interdit à toute personne ayant des enfants étrangers d’accéder à la présidence de la République, c’est le cas d’Aung San Suu Kyi, dont les deux fils sont de nationalité britannique. Le texte garantit à l’armée un quart des sièges au Parlement ainsi que trois ministères stratégiques (l’Intérieur, la Défense et les Frontières). En plus, l’armée ne dépend pas du gouvernement, mais directement du commandant en chef des forces armées.
 

Un projet de modification de la Constitution a généré des tensions entre les pouvoirs civil et militaire. Des propositions en question sont issues d’un comité de 45 parlementaires que le gouvernement d’Aung San Suu Kyi a fait adopter au Parlement en janvier 2019. Une des principales propositions des députés de la LND serait de réduire le quota des 25% de sièges alloué aux militaires en plusieurs phases. Ce qui peut permettre à Mme Suu Kyi de devenir enfin présidente et de réduire le pouvoir des généraux et d’œuvrer à son élimination définitive de l’échiquier politique birman. Ce que l’armée ne peut admettre. 
 

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