Un tribunal spécial au Bangladesh pour les crimes de guerre, instauré par l’ex-Première ministre Sheikh Hasina, a annoncé hier l’ouverture de trois enquêtes pour «massacres» visant la dirigeante chassée du pouvoir début août après des manifestations sanglantes, rapporte l’AFP.
Sheikh Hasina, 76 ans, s’est enfuie en hélicoptère vers l’Inde le 5 août alors que les rues de Dacca étaient envahies par les manifestants réclamant son départ après 15 ans de pouvoir sans partage. Auparavant, des semaines de manifestations avaient fait plus de 450 morts, dont 42 policiers, selon un décompte effectué d’après des sources hospitalières et policières.
«Nous rassemblons à ce stade les preuves préliminaires», a déclaré Ataur Rahman, directeur adjoint de la cellule d’enquête du tribunal, ajoutant que les trois affaires concernées sont liées à des «massacres». «Après cela, nous nous rendrons sur les lieux des crimes», a-t-il expliqué.
Chacune des trois affaires impliquent, selon lui, des particuliers et les noms de plusieurs des principaux conseillers de Sheikh Hasina y sont cités. Ces affaires sont en lien avec des violences dans des banlieues ou districts voisins de Dacca.
En outre, selon des médias locaux, des unités de police locales dans tout le pays ont déposé au moins une quinzaine de plaintes contre Mme Hasina. Certaines sont liées à des affaires antérieures aux récentes manifestations, avec des accusations de «meurtre» et «crimes contre l’humanité».
Le Tribunal international des crimes du Bangladesh (ICT) avait été mis en place en 2010 par Mme Hasina pour enquêter sur des atrocités commises durant la guerre d’indépendance de 1971 avec le Pakistan.
Ce tribunal controversé, souvent critiqué par les organisations de défense des droits de l’homme, a condamné à mort plus d’une centaine de personnes sous les gouvernements de Mme Hasina, y compris plusieurs de ses opposants.
Les procès organisés par ce tribunal ont divisé le pays et déclenché des violences meurtrières en 2013, les partisans du Jamaat-e-Islami et du principal parti de l’opposition, le Bangladesh Nationalist Party (BNP), y voyant un moyen d’éliminer leurs dirigeants.
Les condamnés à mort ont tous été pendus quelques jours après le rejet de leur ultime recours par la Cour suprême. La plupart n’avaient pas demandé de grâce présidentielle, convaincus qu’on ne la leur accorderait pas. Vendredi, l’ONU a estimé qu’il y a de «fortes indications» que les forces de sécurité au Bangladesh ont fait un usage «injustifié et disproportionné» de la force lors des troubles ayant mené à la chute de la Première ministre.
Dans un rapport préliminaire, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a évoqué «des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que des restrictions sévères à l’exercice des libertés d’expression et de réunion pacifique».
Le gouvernement intérimaire, dirigé par l’économiste et prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, a déclaré jeudi dernier qu’il apporterait «tout le soutien possible» à une équipe de l’ONU, attendue cette semaine au Bangladesh, pour enquêter sur «les atrocités» pendant les manifestations d’étudiants qui ont éclaté début juillet et ont conduit à la chute de Mme Hasina le 5 août.