Tintin, star mondiale de la BD et du marché de l’art. Un dessin original d’Hergé réalisé en 1942 pour la couverture de Tintin en Amérique sera mis en vente aux enchères le mois prochain à Paris et pourrait battre un nouveau record dans ce secteur. Le dessin, qui montre un grand chef amérindien en habit traditionnel pointant un doigt accusateur vers Tintin ligoté et brandissant une hache de l’autre main, est mondialement connu. Il orne depuis 80 ans la couverture du troisième volume des aventures du jeune reporter belge à houppette (qui se rend en Amérique après ses voyages chez les Soviets et au Congo), un des albums les plus vendus de la série. L’original bientôt vendu par la maison Artcurial – qui l’expose jusqu’à samedi soir dans ses locaux bruxellois – date de 1942. A cette époque, Tintin en Amérique a déjà dix ans d’ancienneté mais n’a été édité qu’en noir et blanc. Ce dessin à l’encre de Chine est celui qui est retenu pour la première édition en couleurs de l’album, qui sort en 1946. Cédé par un collectionneur belge non identifié, il est aujourd’hui estimé «entre 2,2 et 3,2 millions d’euros», selon Artcurial, firme française qui revendique la place de leader des enchères pour la BD. En janvier 2021, elle avait enregistré un record mondial avec le projet d’illustration par Hergé (encre de Chine, gouache et aquarelle) de la couverture originale du Lotus bleu. Le dessin de 1936 avait été adjugé 3,2 millions d’euros frais compris. En 2016, une planche d’On a marché sur la Lune était partie pour 1,55 million d’euros.
Style épuré
«On parle là de dessins qui appartiennent à l’histoire de l’art», fait valoir Vinciane de Traux, directrice d’Artcurial pour le Bénélux. «Hergé est avec Magritte la figure la plus importante de l’art belge.» Cette fois, la pièce maîtresse de la vente prévue le 10 février à Paris est «de plus grande taille, plus impressionnante par sa composition». C’est aussi, selon cette spécialiste, un parfait exemple du style épuré d’Hergé, Georges Rémi de son vrai nom (1907-1983) ; la «ligne claire» popularisée par une poignée de dessinateurs belges de la même génération. Le dessin a déjà été montré dans des expositions, à Paris en 2009 et à Lausanne (Suisse) en 2010. Il est «totalement documenté, authentifié», poursuit la dirigeante d’Artcurial. Il y a deux ans, la mise aux enchères du «Lotus bleu» avait mis en colère Nick Rodwell, l’homme d’affaires britannique qui veille de très près à l’héritage d’Hergé. Il est le second époux de Fanny Vlamynck, veuve et légataire universelle du dessinateur. Le célèbre dessin du dragon noir sur fond rouge était vendu par des membres de la famille Casterman, qui assuraient que leur père Jean-Paul l’avait reçu en «cadeau» d’Hergé lui-même lors d’un repas familial dans les années 1930. Le futur directeur de la maison d’édition éponyme avait alors 7 ans. Il aurait gardé la feuille de papier pliée en six dans un tiroir pendant des décennies. Une version contestée par M. Rodwell, qui avait reproché aux Casterman de ne pas avoir rendu le dessin. Mais les relations ont fini par s’apaiser. En définitive, affirme Mme de Traux, «les ayants droit d’Hergé se sont félicités du résultat de la vente. Tout le monde est content que le marché soutienne la cote de Tintin».