Attribution de marchés publics à Boumerdès : Des entrepreneurs dénoncent le recours au gré à gré

13/09/2022 mis à jour: 00:33
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Prévu «en cas d’urgence impérieuse ou un danger imminent», l’octroi de  marchés publics de gré à gré est parfois observé même en temps normal. 

A Boumerdès, des entrepreneurs sont montés ces derniers jours au créneau pour dénoncer le recours injustifié à ce procédé. Parlant en sa qualité de représentant de la Confédération générale du patronat, Rabah Bentoura, gérant  d’une entreprise de BTPH, fustige la commission des marchés de la wilaya qui, selon lui, a accordé récemment un marché de plus 8 milliards de centimes à une entreprise activant à Blida. 

Confié à la direction des travaux publics, le projet en question a suscité une vive polémique. Il porte sur la réalisation et l’entretien de l’éclairage public sur la route de Dhous et d’autres axes de la wilaya. «Nous sommes tous égaux devant la loi et il n’y a aucune urgence pour qu’un tel projet soit donné de gré à gré. Il y a des dizaines d’entreprises qui ont mis les clés sous le paillasson à cause du manque de travail. 

Et aujourd’hui, maintenant que la page de la Covid-19 est tournée, au lieu de les aider à reprendre leurs activités, on les exclut de la commande publique alors que les directives du président de la République sont claires sur ce sujet», martèle-t-il. Et de renchérir : «Il y a anguille sous roche. Pourquoi on a fait venir une entreprise d’une autre wilaya alors qu’il y a des dizaines d’entreprises locales qui ont démontré leurs preuves dans le domaine». Le problème n’est pas nouveau. 

En 2019, au temps de l’ex-wali, Mohamed Salamani, pas moins de 75 projets ont été octroyés de gré à gré, dont des CEM, des groupements scolaires et des stades de proximité, ainsi que des marchés d’éclairage public avant que les contrats signés avec les entreprises ne soient annulés dans le sillage du hirak. Tafni Toufik, gérant de l’entreprise Grands travaux hydrauliques (EGTH), lui, se plaint de blocages au niveau de l’APC de Boumerdès, éclaboussée par plusieurs affaires de malversations ces dernières années. «J’ai obtenu plusieurs marchés portant réalisation de conduites d’AEP dans divers quartiers de la commune, mais les services concernés ne m’ont délivré aucun document pour lancer les chantiers. 

En avril dernier, on m’a retiré un marché de 11,27 millions de dinars alors que j’ai été classé le moins-disant. Le marché a été attribué par la suite à une entreprise proche d’un haut responsable local. J’ai porté plainte et le juge a placé deux cadres de l’APC sous contrôle judiciaire», relate-t-il. Cet entrepreneur cite plusieurs autres affaires qui démontrent l’étendue de la corruption dans les rouages de certaines administrations locales. 
 

Comme d’autres chefs d’entreprise, M.Tafni a subi durement les frais de ce phénomène très préjudiciable à l’économie nationale. «Mon entreprise est classée dans la 6e catégorie. J’ai 46 employés, mais ils n’ont pas été payés depuis plusieurs mois à cause des problèmes de trésorerie», dit-il. M. Bentoura rappelle pour sa part en exhibant un document de sa Confédération (CGP, ndlr), que 500 entreprises du BTPH sont à l’arrêt à l’échelle nationale. Selon lui, les entrepreneurs  «ne demandent pas l’impossible mais juste l’application de la loi»,  notamment l’article 12 du code des marchés publics. 

Cet article autorise le recours au gré à gré «en cas d’urgence impérieuse motivée par un danger imminent que court un bien ou un investissement déjà matérialisé sur le terrain, ou un péril menaçant un investissement, un bien du service contractant ou l’ordre public…». 

Le législateur sait pertinemment qu’une situation d’urgence ne peut pas s’accommoder avec les procédures habituelles, complexes et longues. D’où la possibilité pour le service contractant «d’autoriser le commencement d’exécution des prestations avant conclusion du marché public. Ces prestations doivent se limiter au strict nécessaire, permettant de faire face aux circonstances précitées». 

Mais cette règle n’est pas toujours respectée dans la pratique. Sous l’ère Bouteflika, la procédure de gré à gré était la règle et pas l’exception, surtout lorsqu’il s’agit de grands projets structurants.                                                                                                          
 

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