Arabie Saoudite : Dessaler l’eau dans le désert malgré le coût écologique, un dilemme

18/09/2023 mis à jour: 21:09
AFP
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L’usine de Jazlah, dans la ville de Jubail, est la première à utiliser massivement l’énergie solaire pour le dessalement. - Photo : D. R.

Faute de lacs, de rivières et de pluies régulières, le pays s’appuie sur des dizaines d’installations qui rendent potable l’eau du Golfe et de la mer Rouge.

Des rayons de soleil aveuglants se jettent sur des panneaux solaires qui alimentent une installation de dessalement dans l’est de l’Arabie Saoudite, la richissime monarchie pétrolière qui cherche à concilier ses énormes besoins en eau avec les pressants impératifs écologiques. Faute de lacs, de rivières et de pluies régulières, le pays s’appuie sur des dizaines d’installations qui rendent potable l’eau du Golfe et de la mer Rouge.

L’usine de Jazlah, dans la ville de Jubail, est la première à utiliser massivement l’énergie solaire pour le dessalement dans un pays qui s’est initié à cette technique il y a plus d’un siècle, avec des machines de filtration introduites par les administrateurs ottomans pour les pèlerins musulmans de La Mecque.

Aujourd’hui, les projets comme Jazlah sont censés permettre au royaume de concilier ses besoins croissants en matière de dessalement, une industrie très énergivore, avec ses promesses de réduire les émissions de CO2 pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2060.

Selon les autorités, les énergies propres vont permettre à Jazlah d’épargner environ 60 000 tonnes de CO2, pour un pays qui s’attend à voir sa population augmenter jusqu’à 100 millions d’habitants d’ici 2040, contre 32,2 millions actuellement. «La population augmente et sa qualité de vie s’améliore, ce qui nécessite de plus en plus d’eau», constate Marco Arcelli, P-DG d’ACWA Power, qui gère Jazlah.

Le dessalement est, pour l’Arabie Saoudite, une affaire «de vie ou de mort», estime l’historien Michael Christopher Low, de l’université américaine de l’Utah, qui a étudié la lutte du royaume contre la pénurie d’eau. «Il s’agit d’une question existentielle pour les Etats du Golfe», insiste le chercheur, qui souligne les «limites» d’un dessalement totalement vert.

Contextes les plus difficiles

La quête d’eau potable a commencé en Arabie Saoudite au cours des premières décennies de la fondation du royaume en 1932, avec des études géologiques qui ont contribué à cartographier ses énormes réserves pétrolières. Les premières infrastructures modernes de dessalement voient le jour à partir des années 1970.

La société nationale Saline Water Conversion Corporation (SWCC) affiche aujourd’hui une capacité de production de 11,5 millions de mètres cubes par jour à travers 30 installations.

Ce développement a un coût : en 2010, les installations de dessalement saoudiennes consommaient 1,5 million de barils de pétrole par jour, soit plus de 15% de la production actuelle.  Le ministère de l’Environnement, de l’Eau et de l’Agriculture n’a pas répondu aux questions de l’AFP sur la consommation d’énergie actuelle des usines de dessalement.

Première économie arabe et plus grand exportateur de pétrole brut au monde, l’Arabie Saoudite sera en mesure de construire toutes les infrastructures nécessaires pour produire l’eau dont elle a besoin.

«Elle l’a déjà fait dans certains des contextes les plus difficiles, comme le dessalement massif de la mer Rouge et la fourniture d’eau dessalée sur les hauts plateaux des villes saintes de La Mecque et de Médine», fait remarquer Laurent Lambert, du Doha Institute for Graduate Studies. L’entreprise SWCC assure vouloir réduire les émissions de carbone de 37 millions de tonnes métriques d’ici à 2025.

Ryad viendrait à mourir

Cet objectif sera atteint en grande partie grâce à l’abandon des centrales thermiques au profit d’usines comme Jazlah, qui recourt à l’osmose inverse (filtration membranaire), alimentée par l’électricité. L’énergie solaire, quant à elle, passera de 120 mégawatts aujourd’hui à 770 mégawatts, indique SWCC dans un rapport, sans date précise.

«Malheureusement, la consommation d’énergie restera élevée mais par rapport à qui ? Par rapport à des pays où l’eau coule naturellement des grands fleuves ou tombe du ciel gratuitement ? Oui, bien sûr, ce sera toujours plus», souligne Laurent Lambert. L’usine de Ras al-Khaïr, au nord de Jubail, produit 1,1 million de mètres cubes d’eau par jour - 740 000 grâce à la technologie thermique, le reste via l’osmose inverse - et peine à maintenir les réservoirs de réserve pleins en raison de la forte demande.

Une grande part de l’eau est destinée à la capitale Ryad, qui a besoin de 1,6 million de mètres cubes par jour, un chiffre qui pourrait passer à 6 millions d’ici la fin de la décennie, selon l’un des responsables de l’usine qui a requis l’anonymat, n’étant pas autorisé à parler aux médias. «Si la centrale n’existait pas, Ryad viendrait à mourir», dit-il, en observant les tuyaux qui acheminent l’eau de mer du Golfe vers l’usine.


 

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