La Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) a annoncé qu’elle réintégrait le Gabon, suspendu au lendemain du coup d’Etat de l’armée qui a renversé, le 30 août 2023, le président Ali Bongo Ondimba, dans un communiqué rendu public, hier, rapporte l’AFP.
Une junte dirigée par le général Brice Oligui Nguema, proclamé ensuite président de transition par la totalité des chefs de corps de l’armée et de la police, avait annoncé, sans verser une goutte de sang, «la fin du régime» d’Ali Bongo, une heure après l’annonce de sa réélection qualifiée de frauduleuse par les putschistes.
Les militaires accusaient également les proches du chef de l’Etat déchu de «corruption massive» et d’une gouvernance catastrophique. Ils étaient alors acclamés dans tout le pays par des Gabonais très majoritairement heureux qu’ils aient mis fin à 55 ans de règne de la famille Bongo dans ce petit Etat d’Afrique centrale, riche de son pétrole notamment. Mais l’Union africaine (UA) et la CEEAC ont, dès le lendemain, condamné le coup d’Etat et suspendu le Gabon de leurs institutions jusqu’à un «retour à l’ordre constitutionnel».
Les chefs d’Etat, ou leurs représentants, des 11 pays de la CEEAC, réunis samedi lors de leur sommet annuel ordinaire à Malabo, en Guinée équatoriale, ont «décidé de lever la suspension de la participation du Gabon», selon le communiqué final lu sur le site internet de l’organisation régionale dimanche. Cette réintégration a été décidée, compte tenu «des avancées significatives dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel marquées par l’adhésion du peuple et la mise en place d’un chronogramme pour une transition de 24 mois», selon le communiqué.
Mi-novembre, le gouvernement nommé par le général Oligui Nguema a confirmé la durée de 24 mois pour la transition en détaillant un calendrier jusqu’à des élections législatives et présidentielles en août 2025. Et il a confirmé, samedi, la tenue d’un «dialogue national inclusif» qui doit rassembler, du 2 au 30 avril, «toutes les forces vives de la nation» pour élaborer notamment une nouvelle Constitution qui sera soumise à référendum. Depuis plus de 55 ans, la famille Bongo, le père, Omar, pilier de «la Françafrique» de 1967 à 2009, puis le fils Ali, dirigeait sans partage le Gabon. L’épouse d’Ali Bongo, Sylvia, ainsi que l’un de leurs fils, Noureddin, ont été arrêtés le jour du putsch et sont toujours en prison, accusés avec plusieurs membres du cabinet de l’ex-chef de l’Etat, notamment de détournements massifs de fonds publics. Ali Bongo, lui, victime d’un grave AVC en 2018, est maintenu dans sa résidence de Libreville.
L’indépendance confisquée
Ancienne colonie française, pays de l’Afrique centrale, le Gabon proclame son indépendance le 17 août 1960. En février 1961, Léon Mba devient président. Trois ans plus tard, il est renversé par un coup d’Etat puis réinstallé grâce à une intervention de l’armée française. Lui succède, à sa mort en décembre 1967, Albert-Bernard Bongo qui impose, en mars 1968, le PDG comme parti unique.
Converti à l’islam, il devient Al Hadj Omar Bongo. Unique candidat, il est élu président en 1973, 1979 et 1986. En avril 1990, le multipartisme est adopté. En mai-juillet de la même année, l’opération militaire «Requin» permet à Paris de rétablir l’ordre à Libreville, après des émeutes. Mais Omar Bongo remporte toutes les présidentielles (1993, 1998 et 2005). Scrutins tous contestés.
En 2010, la justice française a ouvert une enquête sur le patrimoine amassé en France par Omar Bongo et d’autres chefs d’Etat africains. En 2014, le journaliste français Pierre Péan affirme, dans son livre Nouvelles affaires africaines, que Ali Bongo a falsifié son acte de naissance. Démentie par le pouvoir, la thèse soutient aussi que le Président est un enfant nigérian adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra (1967-1970) au Nigeria.
Selon la Constitution, il faut être né gabonais pour prétendre à la Présidence. A la fin de la même année, de violents heurts opposent manifestants de l’opposition et forces de l’ordre, lors d’un rassemblement interdit réclamant le départ de Ali Bongo, faisant officiellement un mort. Avant la présidentielle d’août 2016, l’opposition a demandé, en vain, l’invalidation de la candidature de Ali Bongo, indiquant qu’il est un enfant nigérian adopté et ne peut ainsi être Président.
Le 31 août, la commission électorale annonce sa réélection, devant son adversaire Jean Ping. En juin 2022, le Gabon a adhéré au Commonwealth et noué des contacts importants avec Pékin qui a accru significativement ses investissements dans ce pays de l’Afrique centrale.
Lors de sa visite, en avril dernier, à Pékin, Ali Bango est qualifié de «vieil ami de la Chine» par son homologue chinois Xi Jinping. Les médias d’Etat chinois ont évoqué des relations «solides comme un roc» entre les deux pays, élevées récemment au rang de «partenariat stratégique global».
Lors de cette visite, le président Bongo a remercié la Chine pour «l’aide précieuse» qu’elle «apporte depuis longtemps» au Gabon et «son rôle important dans la promotion de la diversification économique et de l’industrialisation» de son pays. «Nous espérons que les deux parties renforceront leur coopération dans les domaines tels que les infrastructures, l’agriculture et le tourisme, et que les entreprises chinoises seront invitées à participer à la construction de parcs industriels au Gabon qui leur offrira un bon environnement», a-t-il ajouté.
Il a indiqué que le Gabon et la Chine «partagent des positions identiques ou similaires sur de nombreuses questions internationales et que tous deux, qui préconisent le respect de la souveraineté de tous les pays, s’opposent à l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, à la politisation des questions relatives aux droits de l’homme et à l’application du deux poids deux mesures».
Le Gabon «est prêt à continuer à travailler en étroite collaboration avec la Chine sur la coopération stratégique multilatérale et à promouvoir un meilleur développement et de meilleures réalisations, dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine et des relations entre l’Afrique et la Chine», a-t-il affirmé.
Le Gabon est l’un des pays les plus riches d’Afrique en PIB par habitant (8,820 dollars en 2022), grâce à son pétrole, son bois et son manganèse. En 2020, l’or noir a représenté 38,5% de son PIB et 70,5% de ses exportations, selon la Banque mondiale.