Après 40 ans de mystère : L’identité d’un produit chimique «fantôme» dans l’eau potable révélée

27/11/2024 mis à jour: 00:33
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Notre eau contient un composé connu depuis plus de quatre décennies, mais pas son identité exacte

Si la plupart des pays préfèrent la «chloration» à la «chloramination», c’est-à-dire l’ajout de chlore libre à celui de chloramine inorganique pour traiter l’eau potable, les deux techniques présentent un inconvénient majeur : l’interaction de ces désinfectants avec d’autres substances forme toute une série de sous-produits, que l’on retrouve ensuite à la sortie du robinet.Aux États-Unis, de nombreux réseaux publics de distribution d’eau potable privilégient la chloramination. La monochloramine (NH22Cl) et la dichloramine (NHCl2) servent ainsi à traiter l’eau potable consommée par près d’un tiers des Américains. Or, les sous-produits associés à ces chloramines sont longtemps demeurés un mystère. Du moins, jusqu’à aujourd’hui ! Une nouvelle étude publiée le 21 novembre dans la revue Science rapporte en effet la découverte de «l’anion chloronitramide», un composé dont l’existence – mais pas l’identité exacte – était connue depuis plus de quatre décennies.


Une substance repérée dans l’eau potable

En combinant des méthodes classiques avec des techniques avancées telles que la spectrométrie de masse à haute résolution et la spectroscopie de Résonance Magnétique Nucléaire (RMN), les auteurs ont enfin isolé et identifié cet «anion», ou ion négatif (de formule chimique Cl-N-NO2-), comme un sous-produit de la «décomposition de la chloramine inorganique». Puis, ils ont mesuré la teneur en anion chloronitramide dans une quarantaine d’échantillons d’eau potable. Nulle au sein des réseaux utilisant des désinfectants alternatifs, elle pouvait en revanche atteindre les 100 microgrammes par litre (μg/l) dans ceux utilisant la chloramination, excédant alors la limite réglementaire fixée pour de nombreux autres sous-produits de désinfection (60 à 80 μg/l). La modélisation informatique de ce composé nouvellement décrit semble montrer que celui-ci pourrait «ne pas être bénin», souligne pourtant l’étude. Les auteurs prônent par conséquent le lancement d’une «évaluation toxicologique immédiate» ainsi que d’une quantification de la substance «dans les eaux de source, les eaux potables et les effluents d’eaux usées».


Un travail de «détective»

Néanmoins, pour le Pr Stuart Khan, directeur de l’école de Génie civil de l’université de Sydney, interrogé par le Centre australien des médias scientifiques (AusSMC), l’identité précise de ce sous-produit ne «change rien à ce que nous savons (déjà) de la sécurité de l’eau potable chlorée ou chloraminée», laquelle s’est révélée «extrêmement sûre lorsqu’elle est traitée conformément aux lignes directrices et aux normes australiennes et internationales», a-t-il assuré. «La désinfection chimique de l’eau potable est une pratique extrêmement importante qui a permis d’éviter des millions de maladies et de décès prématurés.

 Elle fait très certainement partie des interventions de santé publique les plus efficaces du siècle dernier», a-t-il tenu à rappeler. «Il s’agit d’un merveilleux travail chimique de détective», a réagi de son côté le Pr Ian Rae, chercheur à l’école de Chimie de l’université de Melbourne et ancien conseiller auprès du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). «On sait depuis longtemps qu’il existe un déséquilibre entre les substances qui entrent (…) et celles qui sont présentes dans l’eau traitée», a-t-il expliqué. «Il manquait quelque chose. Une substance fantôme. Aujourd’hui, les comptes sont équilibrés et le fantôme se révèle être une nouvelle substance, jusqu’ici inconnue de la science.»
 

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