Après 20 ans d’attente, Abderrazak El Para déféré devant le tribunal criminel : Le procès renvoyé à la demande de la défense

23/05/2024 mis à jour: 19:45
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Photo : D. R.

Pour la première fois depuis son transfert de Libye en octobre 2004, le numéro deux du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), une organisation terroriste née en 1996, des entrailles du sinistre Groupe islamiste armé (GIA), Amari Saifi, plus connu sous les pseudonymes de Abou Haydara ou Abderrazak El Para, est apparu, hier, au tribunal criminel de Dar El Beida, à Alger. Il devait comparaître pour toutes les opérations terroristes auxquelles il a pris part de 1992 jusqu’à son transfert de Libye en octobre 2004.

Le tribunal criminel de Dar El Beida, à Alger, a été assiégé par un dispositif sécuritaire impressionnant. La salle 1 est fermée au public par des barrières installées très tôt dans la matinée. Au rôle de cette audience, un seul procès. Celui du n°2 du GSPC, Amari Saifi, dit Abderrazak El Para, ou Abou Haydara, qui fait son apparition dans la salle 1 vers 9h30 encadré par de nombreux policiers et gendarmes. Les mains menottées, il rejoint le box des accusés avec quatre autres mis en cause, Ghrika Noureddine, Djermane Kamel, Meslem Abdelmalek et Attia Nacer, en détention, deux en liberté, alors que 26 autres sont en fuite.

Très forte corpulence, haute stature, habillé d’un tee-shirt blanc, la tête rasée, le visage caché par une cagoule verte qui laisse apparaître de grands yeux clairs, bien encadré par plusieurs gendarmes et policiers, El Para, né en 1968 à Guelma, semblait aussi vif que calme. Pour la première fois, il doit répondre de tous les actes terroristes qu’il a commis depuis son ralliement des groupes armés en 1992 jusqu’en 2004, en tant que membre de la direction du GIA, du GSPC puis de l’Aqmi (Al Qaida au Maghreb islamique).

La liste de ses méfaits est très longue. D’abord la sanglante embuscade tendue à un groupe de parachutistes qui s’est soldée par la mort de plus d’une quarantaine d’éléments, à Batna, puis l’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine, à Médéa, l’enlèvement du sénateur Mohamed Bediar, à Tébessa (dont la libération a été obtenue en contrepartie d’une rançon) et 32 touristes allemands et autrichiens au mois de mars 2003.

Une opération qui l’a mis au-devant de la scène internationale, après avoir transféré les captifs d’Illizi à Tamanrasset, puis à Kidal où 14 parmi eux ont été libérés après de longues négociations, en contrepartie du paiement d’une somme de près de 5 millions d’euros.

«De nombreux absents»

Les 17 autres otages avaient retrouvé leur liberté à Tamanrasset. Des faits qui lui ont valu plusieurs chefs d’accusation : «atteinte dans le but de faire tomber le pouvoir ou le changer, et incitation des citoyens à prendre les armes contre l’autorité de Etat ou les uns contre les autres», «atteinte à l’unité nationale», «organisation et commandement d’une bande armée pour porter atteinte à la sécurité de l’Etat dans le but  de voler et se partager les biens publics, d’attaquer et de s’opposer aux forces publiques», «création et commandement d’une organisation terroriste armée pour semer la terreur parmi la population», «création d’un climat d’insécurité», «agression physique et morale contre les personnes», «détention d’un commerce, importation et exportation d’armes à feu et de munition», «homicides volontaires avec préméditation dans le cadre d’une organisation criminelle transnationale», «enlèvement dans le but de soutirer une rançon, dans le cadre d’une organisation criminelle transfrontaliere».

El Para était le premier à être appelé à la barre. Les gendarmes lui enlèvent la cagoule et les menottes avant qu’il ne se mette devant la barre et ne décline son identité, puis reprend sa place.

Le juge appelle les autres parties, certaine victimes et deux témoins. Certains étaient absents. L’avocat de Amari Saifi, Me Bachir Mechri, avance vers le président : «Monsieur le juge, vous avez remarqué qu’il y a de nombreux absents au procès. La partie civile n’est pas au complet, les témoins et les victimes aussi. Pour que le procès soit plus juste et équitable, il faut que tout le monde soit présent.

Cela fait presque 20 ans que mon mandant est en prison sans jugement. Il remplit toutes les conditions nécessaires pour la tenue de ce procès», plaide Me Mechri. Le président décide alors de suspendre l’audience, le temps de statuer sur la demande de l’avocat. Au bout de 20 minutes, il revient et annonce le report de l’examen du dossier pour la prochaine session criminelle qui n’interviendra qu’après septembre 2024.

 

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