Lorsque le procureur de New York a ratifié un accord avec le milliardaire Michael Steinhardt pour qu’il restitue 180 œuvres d’art et antiquités volées à travers le monde, il a assuré que les victimes allaient entrevoir la «justice». Mais les Palestiniens sont restés sceptiques.
Ils ont vu cet accord, qui prévoit un transfert vers Israël d’une partie des objets, comme un autre échec dans leur quête pour reprendre possession du patrimoine antique exhumé en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza. Estimée à environ 70 millions de dollars (61 millions d’euros), la collection de Michael Steinhardt, financier new-yorkais, comprend de nombreuses antiquités découvertes en Cisjordanie occupée, selon des courriels échangés avec des marchands d’antiquités et publiés par le bureau du procureur de l’Etat de New York.
Parmi elles, des amulettes en pierre rougeâtre de cornaline datant de 600 avant J.-C. et une cuillère de l’âge de Fer utilisée pour faire brûler de l’encens, les deux ayant été découvertes à Qom, près de Hébron, dans une zone sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Mais après des années d’enquête, le procureur de New
York a conclu un accord en décembre avec M. Steinhardt, 80 ans, par lequel celui-ci échappait à la prison s’il restituait une quarantaine de ces œuvres à Israël.
Le procureur a estimé que «le pillage a eu lieu dans un territoire à l’intérieur des frontières d’Israël ou sur lequel Israël exerce son autorité légale».Israël occupe depuis 1967 de la Cisjordanie, mais certaines zones (40%) de ce territoire palestinien sont sous contrôle de l’Autorité palestinienne. Sollicité par l’AFP, le bureau du procureur n’a pas précisé s’il avait considéré rendre certaines antiquités à l’Autorité palestinienne avant de trouver un accord avec M. Steinhardt, alors que l’enquête dit elle-même que des objets ont été trouvés en territoire palestinien.
Pour Wael Hamamra, un responsable du ministère palestinien du Tourisme et de l’Archéologie, la décision est injuste. La collection de M. Steinhardt «contient des objets qui doivent revenir sur leur lieu d’origine», affirme-t-il à l’AFP. L’Autorité israélienne des antiquités ne s’est pas exprimée sur les objets trouvés en Cisjordanie mais a estimé que les éléments de la collection avaient «été volés, vendus et exportés illégalement hors d’Israël».
Dans le domaine du commerce d’antiquités, Israël est un véritable «Far-West», explique Morag Kersel, professeure d’archéologie à l’Université DePaul à Chicago. Israël est devenu un haut lieu du marché noir d’antiquités car il est l’un des rares pays qui légalise son commerce entre vendeurs privés, ajoute-t-elle.
Et contrairement à l’Autorité palestinienne, l’Etat hébreu n’a pas signé la convention de 1970 contre le trafic illicite d’antiquités de l’Unesco, organisation internationale avec laquelle il entretient en outre des relations tendues depuis que cette dernière a été la première agence onusienne à accepter la Palestine comme Etat membre en 2011.