Alors qu’ils peinent à accéder aux financements : Les phénomènes climatiques coûtent 2 à 5% du PIB aux pays africains

09/09/2024 mis à jour: 01:06
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Au cours des 60 dernières années, l’Afrique a observé une tendance au réchauffement plus rapide que la moyenne mondiale - Photo : D. R.

Alors que le continent ne contribue qu’à hauteur de 3% aux émissions mondiales de gaz à effets de serre, l’OMM estime que de nombreux pays africains devraient désormais consacrer jusqu’à 9% de leur budget à la lutte contre les événements climatiques extrêmes, dont la fréquence et la sévérité ont nettement augmenté ces dernières années.

Les experts de l’Organisation météorologique mondiale exhortent les pays du continent à accélérer la mise en place de systèmes d’alerte précoce, pour sauver des vies et réduire les impacts négatifs des événements climatiques extrêmes sur l’activité économique.

Les pays africains perdent en moyenne entre 2 et 5% de leur produit intérieur brut (PIB) chaque année à cause des événements climatiques extrêmes comme les vagues de chaleur meurtrières, les fortes précipitations, les cyclones et les épisodes de sécheresse, a souligné l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans un rapport publié lundi dernier. 

Intitulé «State of the Climate in Africa 2023», ce rapport indique que 2023 a été l’une des trois années les plus chaudes en Afrique sur les 124 dernières années. La température moyenne enregistrée l’an passé sur le continent était supérieure de 0,61°C à la moyenne de la période 1991-2020 et de 1,28°C par rapport à la moyenne de la période 1961-1990. Le continent africain s’est ainsi réchauffé à un rythme de +0,3 °C par décennie entre 1991 et 2023, soit un rythme supérieur à la moyenne mondiale.

Le rapport souligne aussi que les précipitations ont été nettement supérieures à la normale en Angola et dans les zones côtières au nord du Golfe de Guinée durant l’année écoulée, alors que les régions présentant un déficit pluviométrique comprennent la partie ouest de l’Afrique du Nord, la Corne de l’Afrique, une partie l’Afrique australe et Madagascar. Le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, le Nigeria, le Cameroun, l’Ethiopie, Madagascar, la Zambie, l’Angola et la République démocratique du Congo ont connu de graves vagues de sécheresse.

Dans le même temps, beaucoup de pays du continent dont la Libye, le Kenya et la Somalie ont enregistré des inondations très meurtrières, l’an passé.

Alors que le continent ne contribue qu’à hauteur de 3% aux émissions mondiales de gaz à effets de serre, l’OMM estime que de nombreux pays africains devraient désormais consacrer jusqu’à 9% de leur budget à la lutte contre les événements climatiques extrêmes, dont la fréquence et la sévérité ont nettement augmenté ces dernières années. En Afrique subsaharienne, l’adaptation au changement climatique coûtera, selon les estimations de l’organisation, entre 30 et 50 milliards de dollars par an au cours de la prochaine décennie.

Pour atténuer l’impact économique et humain des événements extrêmes, qui sont intimement liés au dérèglement climatique, l’OMM appelle les pays africains à investir massivement dans des services météorologiques et hydrologiques publics et à accélérer la mise en place de systèmes d’alerte précoce.

Un défi à 3000 milliards de dollars pour l’Afrique

A signaler que les pays africains doivent mobiliser 3000 milliards de dollars, d’ici 2030 pour lutter contre les effets du changement climatique. Josefa Correia Sacko (photo), commissaire à l’agriculture, au développement rural, à l’économie bleue et à l’environnement durable de la commission de l’Union africaine, a rappelé début septembre ce défi à l’ouverture de la 12e Conférence sur le changement climatique et le développement en Afrique (CCDA-XII) à Abidjan, Côte d’Ivoire, le vendredi 30 août 2024.

Hanan Morsy, secrétaire exécutive adjointe de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a noté que les pays africains peinent à accéder aux financements climatiques nécessaires. Elle a précisé que seule une fraction des 1300 milliards de dollars estimés pour renforcer la résilience climatique mondiale a été mobilisée, malgré un engagement international de 100 milliards de dollars annuels pris en 2009. De plus, le financement mondial pour l’adaptation au climat est en déclin, loin de l’objectif de doublement fixé pour 2025.

Ce défi survient alors que, depuis l’Accord de Paris, les grands groupes bancaires multinationaux ont financé des projets d’énergie fossile à hauteur de 6900 milliards de dollars.

Pendant ce temps, l’Afrique peine à mobiliser des ressources abordables et à long terme. A l’exception de quelques pays comme l’Afrique du Sud et le Maroc, ainsi que des institutions comme la Banque africaine de développement, les émetteurs de titres d’emprunt du continent sont considérés comme risqués par les agences de notation, ce qui entraîne une exigence plus élevée sur les primes de risque.

M. Morsy a appelé à l’innovation financière, en proposant des solutions qui n’aggravent pas la dette africaine. Elle a évoqué la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) comme un levier potentiel.

La commissaire Sacko a insisté sur la nécessité de privilégier les subventions plutôt que les prêts ou l’endettement. Anthony Nyong de la Banque africaine de développement a souligné l’importance de trouver un équilibre entre les investissements en adaptation et atténuation climatiques pour assurer un développement résilient en Afrique.

La CCDA-XII permet aux acteurs africains de discuter de thèmes tels que le financement climatique, la croissance verte, et la coopération régionale avant le prochain sommet sur le climat à Bakou, Azerbaïdjan.

Les enjeux pour le continent restent importants. En 2024, bien que quelques améliorations s’observent, le marché des financements verts en Afrique reste en retrait.

De janvier à juillet, le continent a mobilisé 4,4 milliards de dollars dans le cadre des financements conformes aux normes ESG, comparativement aux 287,1 milliards de dollars à l’échelle mondiale ou aux 2100 milliards de dollars levés par les entreprises sur les marchés mondiaux des capitaux.

Le défi du financement climatique en Afrique est considérable, mais il offre aussi une opportunité d’innover dans les mécanismes financiers et de renforcer la coopération internationale. Le succès de cette mobilisation sera crucial pour l’avenir du continent face aux défis climatiques.

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