Albanie : Dans le port de Shengjin, les pêcheurs attendent avec indifférence les migrants

16/10/2024 mis à jour: 09:36
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Les pêcheurs dénouent leurs filets, la mer est calme, le silence règne en maître dans le port albanais de Shengjin. Dans quelques heures y arriveront une quinzaine d’hommes arrêtés dans les eaux italiennes et envoyé en Albanie en vertu d’un accord controversé dénoncé par les défenseurs des droits humains. 

Arben Leli, 56 ans, n’en a que faire. «Je me fiche des migrants, je viens ici pêcher», dit-il. «Quand ils arrivent, quand ils repartent, ce qu’ils font, je m’en fiche. Moi je veux la mer, je veux pêcher, c’est ça ma vie». Après plusieurs mois de retard, les 16 premiers hommes devraient arriver à l’aube mercredi. Ils se trouvaient mardi à la mi-journée sur un patrouilleur de la marine italienne parti la veille de l’île de Lampedusa, selon plusieurs médias italiens. 

Les raisons de ce trajet exceptionnellement long – il peut habituellement être fait en un dizaine d’heure – n’ont pas été divulguées par les autorités italiennes. Les 16 hommes, 10 originaires d’Egypte et 6 du Bangladesh, devront s’enregistrer auprès de la police italienne dans le centre construit à cet effet sur le port de Shengjin, le 3e plus grand d’Albanie. Environ 4000 m2 de terrain ont été prêté à l’Italie qui y a posé des préfabriqués, protégés par de hautes grilles et gardés par des soldats et policiers italiens.

 A quelques mètres de là, Dashmira Deda, 42 ans, travaille avec son mari sur un bateau de pêche. Cette mère de deux enfants se lève à l’aube chaque jour pour faire vivre sa famille. «C’est notre gagne-pain, il est très difficile de survivre autrement» ici, dit-elle en extrayant de ses filets les crevettes qu’elle ira ensuite vendre. «Mais la pêche devient de plus en plus difficile, il y a de moins en moins de poisson, et ça devient de plus en plus difficile de les vendre», ajoute-t-elle, sans un coup d’oeil pour les hauts murs et les policiers présents sur le port. «C’est pas que l’arrivée des migrants ne nous intéresse pas, nous vivons ici. Mais on espère que cela se passera comme ils ont dit, sans interférer dans notre vie», ajoute la pêcheuse. 


Inédit

Le gouvernement albanais s’est pourtant fait le porte-parole de cet accord, une façon de «rendre la pareille» à l’Italie où des milliers d’Albanais se sont rendus dans les années 1990 après la chute du régime communiste d’Enver Hoxha,  a encore dit hier le Premier ministre Edi Rama. Le Premier ministre albanais, qui a signé cet accord controversé avec Giorgia Meloni, Première ministre d’extrême droite italienne, espère aussi qu’il rapprochera un peu plus l’Albanie de l’Union européenne, à laquelle Tirana est candidate depuis des années. 

«C’est une voie nouvelle, courageuse, inédite, mais qui reflète parfaitement l’esprit européen», a de son côté salué Giorgia Meloni devant les sénateurs italiens mardi matin. Selon le texte signé par Mme Meloni et M. Rama, vertement fustigé par les ONG de défense des droits humains qui y voient une violation du droit international, les migrants arrêtés en mer seront contrôlés une première fois sur un navire militaire, avant d’être emmenés à Shengjin. 

Là, ils seront identifiés, avant d’être conduits à une vingtaine de kilomètres, dans un centre construit sur l’ancienne base militaire de Gjader. Pendant qu’ils donneront leurs empreintes et déposeront leurs demandes d’asile, à quelques centaines de mètres, les derniers touristes profiteront du soleil albanais et les pêcheurs tenteront de ramasser suffisamment de poissons. «La nature humaine c’est de penser d’abord à soi, et après à ce qui se passe autour de nous... le mieux était de nous laisser tranquille», soupire Dashmira Deda.

 

 

Albanie, c’est où ?

L’Albanie, en forme longue la République d’Albanie, est  située en Europe du Sud, dans la partie occidentale de la péninsule des Balkans. Elle possède une façade maritime à l’ouest, donnant sur la mer Adriatique et la mer Ionienne, l’Italie est distante de 80 km via le canal d’Otrante. L’Albanie partage également des frontières communes avec le Monténégro au nord et nord-ouest, avec le Kosovo au nord et nord-est, avec la Macédoine du Nord à l’est et nord-est, et avec la Grèce au sud-est. Constitutionnellement, le pays a un régime politique de type démocratie parlementaire, sa capitale, Tirana, est aussi sa plus grande ville (558 000 habitants en 2018). En 2009, l’Albanie adhère à l’OTAN et pose officiellement sa candidature à l’Union européenne, candidature reconnue par le Conseil européen le 27 juin 2014.
 

 

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