Ahmed Naït El Houcine. Délégué national à la sécurité routière (DNSR) : «Un nouveau système d’obtention de permis de conduire opérationnel dès janvier»

27/08/2024 mis à jour: 02:16
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Photo : D. R.

Malgré une baisse des accidents mortels en juillet, le bilan général a explosé, d’où l’urgence de nouvelles mesures. A partir de janvier 2025, c’est un nouveau système, plus sévère et transparent pour l’obtention de permis de conduire, qui sera mis en place. Les épreuves théorique et pratique actuelles seront ainsi entièrement revues, annonce Ahmed Naït El Houcine, délégué national à la sécurité routière (DNSR).

  • Durant le premier semestre 2024, le nombre des accidents de la route a explosé. Une hausse de près de 3% du nombre de décès est enregistrée. Comment expliquez-vous cette situation ?

Il y a eu 15 850 accidents de la circulation, soit une hausse de 7,67% comparativement à la même période de 2023, avec 2222 décès (+ 2,97%) et 21 429 blessés (+6,11%) à l’échelle nationale. Nous constatons la forte implication des jeunes de moins de 29 ans, avec 31,32%. Ils représentent 42,43% des décédés et 54,58 des blessés. Nous constatons aussi l’implication grandissante des usagers de cyclomoteurs.

Les deux roues représentent 4,5% du parc automobile national, mais ils sont malheureusement impliqués dans 21% des accidents. Cela devient presque systématique dans ces accidents, qui sont généralement mortels ou engendrant des blessures irréversibles, surtout que le port du casque et d’autres accessoires de protection est le dernier souci des usagers. Nous observons aussi la prédominance des titulaires de permis de conduire de moins de cinq ans. Ils sont en effet impliqués dans 41,55% des accidents.

Ce qui explique, à mon avis, le faible apprentissage des titulaires de nouveaux permis. Il s’agit d’une défaillance totale du système de formation et des examens. Contrairement aux femmes qui ne sont pas «problématiques», les hommes sont plus impliqués, cela se constate aussi dans le bilan des victimes, avec 1571 hommes décédés en 2024 contre 253 femmes.

Il faut savoir que les accidents surviennent plus, selon les statistiques, durant la tranche horaire de 18h à minuit, soit durant une fluidité qui favorise un excès de vitesse durant une diminution de visibilité, principale cause des accidents. Les piétons sont aussi, selon les bilans chiffrés, les usagers les plus vulnérables des zones urbaines. Sur les 403 décès enregistrés cette année dans les zones urbaines, 213 d’entre eux étaient des piétons.

Quant au classement des wilayas, Oran se positionne à la tête des villes exposées aux accidents, suivie d’Alger et de Chlef. Mais en termes de gravité, c’est surtout Oran et Alger qui ont enregistré un lourd bilan, avec 82 décès chacune.

Contrairement à la journée de vendredi, placée moins accidentogène, les journées de mercredi et de jeudi comptabilisent plus d’accidents mortels, soit 30-20% de la sinistralité. Et c’est à partir de ce constat que nous pouvons dresser le profit des auteurs des accidents : jeune, motocycle et excès de vitesse.

  • Un nouveau système de formation devrait être bientôt mis en place. Quels en sont les grands axes ?

De nouvelles mesures sont en effet prévues pour éradiquer le système actuel de formation, dont des pratiques douteuses et frauduleuses sont observées et signalées. Nous avons ainsi établi une convention avec le Centre de recherche sur l’information scientifique et technique (Cerist) pour l’automatisation du système de la formation.

De la délivrance de certificat médical de bonne santé chez le médecin, en passant par le dépôt de dossier à l’auto-école jusqu’à l’obtention du permis, tout le processus sera numérisé. Une traçabilité sera désormais garantie avec ce nouveau système. L’épreuve théorique (le code) sera désormais effectuée grâce à un système multimédia. Ce système sera finalisé et livré au mois de décembre prochain.

Il s’agit en effet d’un examen où le candidat sera face à un écran, où un ensemble de questions notamment (code de la route, signalisation, secourisme, mécanique, etc.) seront posées. Un timing de quelques minutes ne doit pas être dépassé. Notre système est entièrement algérien de bout en bout, avec des photos DZ de sorte à garder les repères des candidats.

Une période d’essai de ce système est prévue à partir du mois de janvier prochain. Elle concernera, en première phase, quatre wilayas pilotes, pour maîtriser l’ensemble du système à généraliser ensuite sur l’ensemble des wilayas. La nouvelle méthode de formation sera aussi rallongée à 30 heures pendant toute la session de formation. S’agissant de l’épreuve pratique (la conduite), le travail d’appréciation et d’évaluation du moniteur sera désormais encadré d’une manière numérique.

Et c’est le Centre de développement des technologies avancées (CDTA) de Baba Hassen qui réalisera une application afin de mettre en place un système et une solution numériques. Une solution qui sera présentée en octobre prochain, lors des assises de formation, aux professionnels.

Nous allons associer les syndicats et les associations, même s’il s’agit d’un système expérimenté dans les pays développés, nous cherchons toujours plus d’adhésions et de coopération. Techniquement, il s’agit d’un système avec des tablettes basées sur une grille d’évaluation, caméras embarquées à l’intérieur du véhicule.

Autrement dit, on revient, en tant que responsable de centre d’examen, au dossier numérique pour vérifier comment le candidat est évalué. Tout sera enregistré et filmé durant les 20 minutes d’évaluation dans le véhicule et à son extérieur, pour vérifier toute pratique douteuse.

Nous aurons un moyen de revenir pour chaque examen. Et c’est le système qui validera les données introduites par l’examinateur. Ce nouveau système sera concomitant avec le lancement d'un nouveau mode de l’épreuve théorique, soit au début de 2025.

  • Les bilans révèlent l’implication des poids lourds dans de nombreux accidents. Quelle évaluation faites-vous du travail des agences de contrôle technique des véhicules ?

Nous devons impérativement mettre en place des verrous et permettre aux services de sécurité, en cas d’accident, de revenir à l’agence qui a effectué le contrôle technique, si l’accident est dû à une défaillance technique. Cela entre dans le projet de code de la route et sécurité routière.

  • D’autres priorités sont également tracées, à l’instar du permis à points…

Pour le permis à points, il ne peut pas être prêt avant 18 mois, même si le système est en train de se mettre en place. Mais je dois aussi noter l'établissement de la stratégie nationale 2025-2028. Nous sommes en train d’avancer sans pour autant avoir un plan stratégique.

Il est important d’inscrire des objectifs et des échéances. La stratégie nationale sera présentée en fin d’année, parmi les moyens mis pour sa réalisation figurent la formation, mais aussi la mise en place de chronotachygraphe (appareil électronique enregistreur de vitesse, de temps de conduite et d’activités, ndlr) des poids lourds, l’actualisation de la signalisation routière...

Nous allons associer à cette étape les professeurs universitaires, car nous procédons en même temps à un travail académique. Les choses sérieuses commenceront à cette période. A la fin de chaque année, nous présenterons le plan, opposable à tous les secteurs concernés.

Des évaluations de la mise en œuvre des plans stratégiques seront aussi faites. Un nouveau système de collection des données est mis en place de manière partielle entre les services de police et de gendarmerie, en attendant qu’il soit étendu aux données sanitaires.

Les normes de l’OMS stipulent que si la victime d’un accident de la route décède dans les 30 jours suivant le drame, elle est considérée comme victime de la route. Elle doit donc figurer dans les bilans. Les blessés évacués ne sont pas intégrés dans les bilans.

  • Comment évaluez-vous la campagne de sensibilisation contre les accidents de la route entamée depuis juillet ?

Nous sommes actuellement en train de réactiver notre travail de sensibilisation à travers les médias lourds. Et ces campagnes apportent des résultats. En 2024, juillet est le premier mois où les indicateurs de blessés et de décès sont en baisse, alors que la saison estivale est habituellement la plus accidentogène.

Une période où il y a une très forte mobilité, mais nous avons eu une baisse de gravité des accidents. Statistiquement, en juillet 2024, 2349 accidents ont été enregistrés, soit une évolution de 6% par rapport à la même période de 2023, alors qu’une baisse de 2,84% du nombre de blessés est notée et moins de 15% des décès. Nous avons en effet enregistré 398 décès en juillet, dont 334 en zone rurale.

A mon avis, il faut intensifier le travail de sensibilisation. Il s’agit de méthodes très pratiques et importantes qui donnent de bons résultats, sachant que l’Algérie enregistre quotidiennement depuis des années une moyenne de 10 victimes. Nous allons encore attendre la fin du mois d’août pour établir un bilan et évaluer notre campagne de sensibilisation.

En France, par exemple, les campagnes de sensibilisation ont réussi à diminuer de moitié le nombre des accidents, avant que les autorités passent à de nouvelles démarches. Il est aussi primordial de procéder à une sensibilisation et vulgarisation précoces, dans les écoles, d’où nos efforts d’accompagner le ministère de l’Education dans l’introduction de la nouvelle matière de sécurité routière.

Une nouvelle campagne est prévue à cet effet à la rentrée scolaire et sociale. Des pistes d’éducation routière sont prêtes avec des guides. Nous allons participer à inculquer cette culture de sécurité routière. 
 
 

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