Afghanistan : Entre accélération et dérapage, l’essor des sports automobiles

10/03/2024 mis à jour: 08:50
AFP
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Une démonstration des amateurs de pilotage dans les rues de Kaboul

Z. Momand fait vrombir le moteur bi-turbo de sa voiture de sport, un châssis de Mercedes Benz cabossé et sans capot que ce mécanicien afghan a transformé, puis le laisse revenir à un doux ronronnement. «Je possède le seul moteur 2JZ d’Afghanistan», sourit Z. Momand, qui gère un garage prospère de Kaboul.

 Il a fixé sur la carcasse de la Mercedes, renforcée d’arceaux de sécurité d’un jaune tape-à-l’œil, ce moteur de 420 chevaux au couvercle rouge écarlate, récupéré sur une Toyota Supra.

Le bolide tranche avec les Toyota Corolla qui engorgent les rues de la capitale. Il fait partie d’une flotte de véhicules importés et modifiés par un groupe de passionnés de sports automobiles, en plein essor dans le pays.
Après des décennies de guerre, les pilotes amateurs profitent du retour de la sécurité pour se mesurer les uns aux autres dans leurs autos surpuissantes, ou faire étalage de leur science du dérapage. 

Cette communauté de mordus du volant, apparue en Afghanistan dans la dernière décennie, a beaucoup grandi ces deux dernières années. Plus de courses sont organisées, mais très basiques. «On manque d’infrastructures», pointe H. Rahbar, qui a créé une fédération nationale du sport automobile. Celle-ci n’est pas encore officiellement reconnue, mais a tenu son premier événement - la Victory Cup – à la fin du mois de février dernier. «C’est grâce à notre dévouement (...) nous avons continué nos activités, en utilisant notre argent personnel», souligne-t-il.
 

Des cercles dans la poussière 

La compétition, repoussée deux fois, ne s’appuie sur aucun parraineur et n’offre aucune récompense 
financière. «C’est la première fois que je vois une telle chose», confie Khalid Kaihan, un habitant de Kaboul qui s’est arrêté avec quelques autres pour admirer les voitures qu’Hashmatullah et ses copains viennent parader dans les rues de la capitale quelques jours avant la course. «Parfois, certains font la course avec leurs voitures dans les rues, mais je n’ai jamais vu un événement organisé auquel les gens peuvent assister», reprend Khalid. Vêtu d’un casque doré, et accompagné d’un ami brandissant de temps en temps une caméra par la fenêtre de sa Chevrolet Camaro argentée, Hashmatullah fait glisser sa voiture sur un rond-point du centre de Kaboul, ou trace des cercles dans la poussière près d’un lac en dehors de la ville.

Là, des cavaliers et de jeunes mendiants se sont rassemblés pour regarder, ainsi que des talibans qui se prennent en photo auprès des voitures, kalachnikov à l’épaule. Les conducteurs disent avoir moins de problèmes avec les soldats du régime taliban qu’ils n’en avaient sous l’ancienne république. «Ils nous qualifiaient de machos, mais maintenant, ils nous appellent juste des passionnés, ils ne nous causent aucun problème», remarque Zabiullah.C’est le grand jour pour la Victory Cup. 

Des centaines de personnes se sont réunies dans une grande rue de Kaboul bloquée par la police pour assister aux courses. Parfois, les spectateurs s’avancent trop sur la chaussée, téléphone en main, et se font vertement rappeler à l’ordre.
 

«Elles coûtent très cher» 

Une poignée de femmes sont aussi là. Zuhal Mohammadi, 18 ans, regrette que les Afghanes n’aient guère 
l’opportunité de conduire, mais espère un changement. «Je m’intéresse (aux sports automobiles) depuis que je suis jeune», dit-elle. «Espérons que les filles puissent participer un jour». Les accros de sport mécanique ont toutefois peu d’occasions d’exhiber leurs voitures. «On ne les fait généralement pas beaucoup rouler, parce qu’elles coûtent très cher. Elles consomment plus d’essence que des voitures ordinaires», explique Amin Sangin, l’un d’entre eux. 

Leurs précieux bolides restent souvent sous des hangars proches de l’aéroport, où Amin et ses amis se réunissent pour faire des dérapages. Avec d’autres fans, ils ont tout de même organisé quelques courses et démonstrations ces deux dernières années, n’hésitant pas pour ça parfois à débourser des milliers de dollars. Zabiullah, lui, a renoncé à prendre part à la Victory Cup, inquiet de l’absence de barrières de sécurité pour les spectateurs, après un accident récent ayant fait plusieurs blessés. 

Sinon, son véhicule à double turbocompresseur aurait été invincible, jure-t-il.  Il préfère montrer ses dérapages. «Quand vous sortez de la voiture et que les spectateurs vous applaudissent comme si vous étiez le meilleur, c’est tout ce qui importe aux gars». 
 

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