Le patronat, qui avait pourtant soutenu M. Rajapaksa lors de ses campagnes électorales, s’est joint au mécontentement général. Dans un communiqué conjoint, 23 fédérations industrielles, représentant une grande partie du secteur privé sri-lankais, ont appelé à un changement de gouvernement, estimant que des millions d’emplois étaient menacés par la crise.
Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté hier à Colombo contre le président du Sri Lanka, Gotabaya Rajapaksa, accusé d’être responsable d’une crise économique sans précédent, même le patronat exprimant désormais son profond mécontentement.
Répondant à des appels sur les réseaux sociaux, les protestataires ont parcouru la promenade du front de mer du quartier de Galle Face, dans le centre de Colombo, en brandissant des drapeaux sri-lankais et des pancartes réclamant le départ du chef de l’Etat.
Il s’agissait de la manifestation de loin la plus massive à avoir lieu depuis le début du mouvement de protestation, selon des journalistes de l’AFP ayant couvert l’ensemble du mouvement de contestation. Le défilé s’est déroulé pacifiquement, mais les forces anti-émeutes, équipées de canons à eau et de gaz lacrymogènes, ont pris position devant le siège de la présidence, située sur le parcours de la manifestation.
«Nous avons tous des difficultés pour vivre. Le gouvernement doit partir et laisser une personne capable de diriger le pays», a lancé un vieil homme dans la foule. Les églises anglicane et catholique du Sri Lanka avaient, elles aussi, appelé à manifester.
Le cardinal Malcolm Ranjith, le chef des catholiques du pays, a lui-même pris la tête d’un cortège à Negombo, dans la banlieue nord de Colombo. «Tout le monde doit descendre dans la rue jusqu’à ce que le gouvernement parte. Ces dirigeants doivent partir. Vous devez partir. Vous avez détruit ce pays!», a-t-il lancé.
Le patronat mécontent
Le patronat, qui avait pourtant soutenu M. Rajapaksa lors de ces campagnes électorales, s’est joint au mécontentement général. Dans un communiqué conjoint, 23 fédérations industrielles, représentant une grande partie du secteur privé sri-lankais, ont appelé à un changement de gouvernement, estimant que des millions d’emplois étaient menacés par la crise. «L’actuelle impasse politique et économique ne saurait durer plus longtemps.
Nous avons besoin d’un gouvernement intérimaire d’ici une semaine au plus tard», a déclaré Rohan Masakorala, chef de la puissante association de l’industrie du caoutchouc. Le Sri Lanka, un pays de 22 millions d’habitants, traverse une profonde crise économique, marquée par des pénuries d’aliments et de carburants, des coupures d’électricité, une inflation galopante et une dette abyssale.
Samedi, la plupart des stations-service du pays étaient à court d’essence, et les rares restées ouvertes étaient prises d’assaut. A Panadura, dans la banlieue de Colombo, certains automobilistes faisaient la queue depuis cinq jours, selon les médias locaux. Cette crise, due à la pandémie de Covid-19 qui a privé le pays de sa manne touristique, a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques, selon les économistes.
Jeudi, un nouveau gouverneur de la Banque centrale, Nandalal Weerasinghe, a été nommé. Dans la foulée, l’institution monétaire a porté le taux d’emprunt de référence à 14,5% – soit une hausse record de 7 points – dans le but de «stabiliser» la roupie, qui a perdu plus de 35% de sa valeur en un mois. «Nous essayons de limiter les dégâts», a commenté Nandalal Weerasinghe, vendredi, lors de sa toute première conférence de presse.
«Nous n’aurions pas été obligés de faire une hausse aussi brutale si les taux avaient été relevés progressivement sur une période longue», a-t-il souligné, en s’engageant à relâcher les contrôles introduits pas son prédécesseur sur les marchés des devises.
Son prédécesseur, Ajith Cabraal, est visé par une plainte le tenant pour responsable de la crise. Il s’est fait confisquer son passeport et doit comparaître devant un tribunal le 18 avril.
Le gouvernement a reconnu qu’il s’agit de la pire crise économique depuis l’indépendance en 1948 et a demandé l’aide du Fonds monétaire international (FMI), mais les négociations pourraient durer jusqu’à la fin de l’année.