«Absurde», selon les experts : Une couverture thermoplastique pour sauver le dernier glacier vénézuélien

20/03/2024 mis à jour: 04:47
AFP
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Vue du parc national Sierra Nevada de Mérida, dans la cordillère des Andes, au Venezuela

Deux hectares de glace, c’est tout ce qu’il reste du Corona, dernier glacier du Venezuela, réduit à presque néant par le changement climatique et au centre d’un plan gouvernemental visant à le «sauver» en le couvrant d’une couverture thermoplastique. «Illusoire», «absurde», tranchent les experts.

 

Le recul des glaciers est un phénomène mondial, et le Venezuela, situé au cœur des tropiques, est le premier pays de la cordillère des Andes, qui s’étend entre Colombie, Pérou, Bolivie, Argentine et Chili, à avoir perdu la totalité de ses cinq glaciers, qui s’étendaient sur une superficie de 1000 ha il y a plus d’un siècle. 

Le Corona était le plus grand, et s’étendait sur 450 hectares sur le pic Humboldt et le pic Bonpland. Ne reste aujourd’hui que 2 hectares sur le Humboldt. 

Quelque 35 rouleaux de polypropylène, un polymère thermoplastique, longs de 80 m pour 2,75m de large et destinés à renvoyer les rayons du soleil frappant sa surface, ont été transportés par hélicoptère. On ne sait pas quand ils seront installés. Mais pour les détracteurs de cet étrange projet, la Corona n’est plus un glacier depuis longtemps.
 

Selon eux, un glacier, pour être défini comme tel, doit avoir une superficie minimale de 10 hectares, loin des deux hectares - un peu moins de trois terrains de football - restant sur le pic Humboldt, le deuxième plus haut du Venezuela, culminant à 4916 mètres. «Il n’y a plus de glaciers au Venezuela, ce que nous avons, c’est un morceau de glace», soutient auprès de l’AFP Julio César Centeno, professeur à l’Université des Andes (ULA) et conseiller à la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement (CNUED). Selon lui, sa disparition est «irréversible».

«En termes techniques, ce n’est plus un glacier», renchérit l’herpétologiste Enrique La Marca, coordinateur du projet baptisé «Où le Venezuela touche le ciel», qui compile différentes données sur les plus hautes montagnes du pays.
 

Microplastiques 

Cette technique de couverture sur glace est utilisée depuis plus de 20 ans dans les Alpes, en Chine ou Russie, la plupart du temps afin de protéger «des pistes de ski privées, à des fins purement commerciales», explique M. Centeno. Jehyson Guzman, gouverneur de Mérida (ouest), l’état où se trouvent les seuls glaciers du pays, y croit : «Cela nous permettra de maintenir la température et d’empêcher la fonte de l’ensemble du glacier.» Et pour le président Nicolas Maduro pas de doute : la couverture thermoplastique va «sauver le glacier de Mérida.» «Illusoire», «absurde», rétorque M. Centeno, «on protège un glacier qui n’existe plus». 

Avec d’autres scientifiques, ils entendent demander à la Cour suprême de suspendre le projet, qui, selon eux, n’a pas fait l’objet d’une étude d’impact environnemental et n’a pas été soumis à une consultation publique, comme l’exige la loi. Ils mettent également en garde contre la dégradation de la couverture sous l’effet du rayonnement solaire et de la pluie. «Ces microplastiques sont pratiquement invisibles, ils tombent sur le sol et de là, ils passent dans l’eau, les cultures et l’air. Les gens finiront donc par les manger et les respirer», s’alarme M. Centeno.

Enrique La Marca, également spécialiste de l’environnement tropical, craint que la couverture n’entrave le processus biologique des mousses et lichens qui ont colonisé la roche : «Cette vie va mourir parce qu’elle n’aura pas l’oxygène dont elle a besoin.»
AFP
 

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