A Khan Younès, des déplacés, «vivants en apparence», en quête de soins et d’eau

20/05/2024 mis à jour: 09:04
AFP
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Alitée dans le calme relatif d’une chambre individuelle de l’hôpital Nasser récemment rouvert à Khan Younès, dans le sud de la bande de Ghaza, Alaa Abou Ahmed est rassurée. Elle va pouvoir reprendre son traitement chronique, interrompu par les déplacements auxquels l’a contrainte la guerre.

Dans les couloirs parfois encombrés de cartons de matériel pas encore déballés, un semblant d’ordre semble revenu dans l’établissement, assiégé pendant une semaine en février, quand la ville était l’épicentre des combats dans le territoire palestinien en guerre depuis le 7 octobre. Des soldats israéliens y avaient mené un raid sur la base de renseignements selon lesquels des otages enlevés en Israël par le Hamas y étaient retenus.

Alors que bombardements et combats continuent de secouer d’autres zones de la bande de Gaza assiégée, ici les lits ont été remis d’aplomb, le carrelage blanc débarrassé des débris et les blouses blanches au logo de Médecins sans frontières (MSF) se mêlent à nouveau aux tenues bleues des équipes locales. L’ONG internationale vient de reprendre ses activités dans cet hôpital, le plus important du sud de la bande de Gaza.

«Grâce à Dieu, MSF a pu reprendre son travail à l’hôpital Nasser et je suis retournée me faire soigner. Mon état s’est amélioré, mais j’ai passé une période de traitement dans la crainte que le scénario de ce qui s’est passé à l’hôpital al-Chifa ne se répète», raconte Alaa Abou Ahmed, en référence au plus grand hôpital de Gaza réduit par les combats à une «coquille vide», selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Sur le territoire palestinien, pilonné par l’armée israélienne depuis octobre dans des proportions jamais vues jusque-là, seuls 13 des 36 hôpitaux de Gaza fonctionnent partiellement actuellement, estimait vendredi l’OMS. Quand début avril, Israël a retiré ses troupes de Khan Younès, après des mois de combats contre le Hamas, qui ont engendré une catastrophe humanitaire, MSF est revenu à Nasser évaluer la situation avant d’y reprendre ses activités mi-mai, se concentrant sur la chirurgie orthopédique et l’unité des grands brûlés.

Désert

Dans des lits, une fillette au visage brûlé, un garçon silencieux à la jambe bandée que veille une proche, une enfant dans une robe rouge, en larmes pendant que l’ausculte une médecin. Les évacuations et fermetures d’hôpitaux à répétition, au gré des combats ou des tracts de l’armée israélienne enjoignant de quitter des zones «immédiatement», «handicapent grandement la dispensation des soins médicaux à la population palestinienne», explique Aurélie Godard, responsable médicale des activités de MSF-France à Gaza, qui s’apprête à démarrer la maternité et l’unité de soins intensifs néonatale.

«Evacuer ou rouvrir, c’est à chaque fois difficile. Déjà pour les patients, parce qu’il faut qu’ils sachent où nous trouver, il faut qu’ils sachent quels services, quels soins sont disponibles à quel endroit, et ça, ça change (...) de jour en jour à Gaza, malheureusement», décrypte-t-elle, «et c’est difficile pour nous, parce qu’évidemment, il y a tout l’équipement, les médicaments, les machines (...) à transporter, à remettre en l’état parfois».

L’OMS affirmait, vendredi, n’avoir reçu aucune fourniture médicale dans Gaza depuis le 6 mai, veille de l’offensive israélienne sur la localité de Rafah, à la lisière sud du territoire, qui a entraîné le blocage des principaux points de passage vers la bande de Gaza. Depuis, l’aide humanitaire n’arrive presque plus dans le territoire assiégé. L’armée israélienne a coupé l’électricité au début de la guerre déclenchée par l’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre, et les organisations internationales craignent une pénurie de carburant.

Non loin de l’hôpital Nasser, des bidons en plastique s’amoncellent devant des points d’eau. De plus en plus de personnes fuyant Rafah - où l’offensive israélienne a chassé environ 800 000 personnes, selon l’ONU - tentent de trouver refuge à Khan Younès. «Les gens ont juste l’air d’être vivants en apparence», commente Mohammad Baroud, déplacé de Rafah à Khan Younès. Mais «nous mourons de l’odeur des cadavres. L’eau n’est pas disponible. Nous cherchons ne serait-ce que quelques gouttes d’eau», contraints pour cela de parcourir de longues distances.  «C’est comme vivre dans un désert». 

 

 

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