Actrice de théâtre et de cinéma à la carrière riche de 75 films, Marisa Paredes, qui avait connu la gloire internationale en tournant à six reprises sous la direction du réalisateur Pedro Almodóvar, est décédée à l’âge de 78 ans.
«C’est comme si je me réveillais d’un mauvais rêve, mais c’est encore un mauvais rêve. J'ai du mal à assimiler que Marisa est morte», a réagi hier le réalisateur espagnol sur la télévision publique RTVE. «Le cinéma espagnol perd l'une de ses actrices les plus iconiques», a de son côté salué sur X l'Académie espagnole du cinéma, que l'actrice avait présidée entre 2000 et 2003.
Issue d’un milieu populaire, Marisa Paredes débute sa carrière à l'adolescence, mais c'est sous la direction de Pedro Almódovar, jeune réalisateur espagnol prometteur qu’elle se fera un nom. Leur première collaboration remonte à 1983 avec Dans les ténèbres, où elle joue «Sœur Excrément», une religieuse sous amphétamines qui dort sur des clous et marche sur des tessons de bouteilles. Elle perce ensuite à l’international avec Talons aiguilles (1991), César du meilleur film étranger, dans le rôle de Becky del Paramo, diva peroxydée et mère égocentrique de Victoria Abril qu’elle a abandonnée enfant. Symboliquement, c’est d’ailleurs en diffusant sur X une scène de Talons aiguilles, quand elle interprète «Piensa en mi» sur scène, que le Festival de Cannes a rendu hommage à l’actrice.
Personnage principal de La fleur de mon secret, elle irradie l’écran en autrice de roman à l’eau de rose dévastée par le départ de son mari en Bosnie. «Marisa a déposé en moi une confiance absolue et m’a tout donné», confiait Almódovar au quotidien français Libération en 1995.
Récompensée, entre autres, par le Prix national de cinématographie et un Goya d’honneur en 2018, la comédienne a également participé à plusieurs productions internationales comme La vie est belle, de l’Italien Roberto Benigni, ou L’Echine du diable, du Mexicain Guillermo del Toro. «Désolé d’apprendre la nouvelle du décès de Marisa Paredes, l’une des actrices les plus importantes de notre pays», a réagi le Premier ministre espagnol socialiste, Pedro Sánchez, sur X. «Sa présence dans le cinéma et le théâtre et son engagement pour la démocratie seront un exemple pour les générations futures», a-t-il ajouté, en référence aux combats progressistes de l’actrice.
«Grande dame de l’interprétation» -
Née dans une famille ouvrière de Madrid le 13 avril 1946, elle grandit sous le franquisme dans une loge de concierge, quatrième enfant d’une famille «pauvre», confiait-elle dans les colonnes d’un supplément du quotidien espagnol El Pais en février 2024. Avec un père autoritaire, elle a vécu «maltraitance, humiliation... Comment ne pas devenir féministe ?», racontait l’actrice. Elle arrête l’école à 11 ans et commence à travailler, mais rêve de devenir actrice. «Ma vocation est née avec moi (...), mais le quartier où je vivais a aussi joué un rôle», a récemment expliqué à l’Académie espagnole de cinéma, celle qui vivait enfant près du Théâtre national. A 15 ans, la jeune fille aux yeux vert-gris décroche son premier rôle dans une pièce de José Lopez Rubio.
Dès lors, elle ne cesse de jouer, de Garcia Lorca à Beckett en passant par Ibsen et Tchekhov qu’elle joue aussi pour la télévision. «On m’a toujours donné des personnages spéciaux», confiait-elle dans l’interview accordée au supplément d’El País en février. «J’ai eu de la chance, car je n’ai pas l’air espagnol (...) Lorsque la télévision était cultivée et qu’elle diffusait du théâtre, j’ai joué tous les drames de Tchekhov, Dostoïevski, Ibsen. C’était l’âme russe. Le grand drame». Elle a une fille avec le cinéaste Antonio Isasi Isasmundi, Maria Isasi, devenue elle-même actrice. «Une grande dame de l’interprétation», a salué sur X le comédien espagnol Antonio Banderas, qui partageait l’écran avec elle dans La piel que habito. «Tu nous quittes trop tôt (...) Bon voyage», a réagi de son côté sur Instagram sa compatriote Penelope Cruz, qui a aussi joué à ses côtés dans un film d’Almódovar, Tout sur ma mère. Outre sa carrière artistique prolifique, Marisa Paredes s’était engagée dans diverses causes. Elle présidait notamment l’Académie du cinéma lors du gala des Goya 2003, marqué par des protestations contre le soutien de l’Espagne à la guerre en Irak.