50e anniversaire de l’usine de céramique de Guelma : Après les années de gloire, le déclin

20/06/2022 mis à jour: 00:48
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Photo : El Watan

Après la belle époque du Boumediénisme, l’unité connaîtra la restructuration au temps de Chadli, avant de sombrer dans la crise à l’ère de Bouteflika.

Il y a cinquante ans, jour pour jour, le 20 juin 1972, l’usine de céramique de Guelma est officiellement inaugurée par feu Houari Boumediene, président du Conseil de la révolution et président du Conseil des ministres.

C’est une date charnière, gravée dans le marbre, puisqu’elle venait de celer une coopération sino-algérienne dans les domaines de la céramique et de la brique réfractaires, d’autant que le projet fut un don de la Chine à l’Algérie avec une assistance technique, formation des cadres en Chine et accompagnement sur le terrain durant des années. «Je me rappelle comme si c’était hier, nous avions organisé une haie d’honneur. El Rais m’avait serré la main, il avait des taches de rousseur, le regard perçant», a déclaré à El Watan Larbi Draïdi, l’un des premiers cadres de cette usine mythique, chef d’atelier moulage. «Vous avez recruté des enfants de chahid. Des enfants de moudjahid», m’avait-t-il questionné.

«Nous avons un atelier hétéroclite, j’ai répondu par l’affirmatif», a révélé notre interlocuteur. Et de préciser : «C’était un excellent projet ! Nous étions tous de jeunes cadres. Au moment où l’usine était en construction. Nous étions 26 cadres (16 techniciens et 10 technologues et ingénieurs) retenus pour une formation de longue durée en Chine. Nous avions pris l’avion le 4 février 1969, départ d’Alger pour un très long voyage.

C’est à Changsha, dans la province du Hunan, que nous avions passé une année de formation pratique et théorique dans la céramique. Nous avions pour objectif de réaliser des moules en prenant en considération les mœurs et coutumes de l’Algérie.  De retour le 21 janvier 1970, nous avions immédiatement lancé les premiers essais le 2 mars 1970. La mission chinoise à Guelma nous a assistés. Nous avions lancé la production le 1er septembre 1971».

Et de conclure : «Nous étions leaders nationaux. L’usine produisait des services à café (15 et 27 pièces), à thé (14 pièces), de table (44 pièces) ainsi que les objets de décoration pour être commercialisés dans toute l’Algérie avant que l’usine ne connaisse son apogée lors du passage énergétique du fuel au gaz naturel, en 1975».

Après plus d’une décennie sous les tutelles, entre autres, de la société nationale d’études, de gestion, de réalisation et d’exploitation industrielles, de la SNIC (Société nationale des industries chimiques), une autre date charnière est à inscrire pour l’usine de céramique et réfractaires aura été celle de la restructuration des entreprises algériennes appliquée au début des années 1980 sous la présidence de feu Chadli Bendjedid. De gros problèmes de commercialisation et financiers apparaîtront par la suite, car l’usine croule sous les dettes.

C’est sous l’appellation ECVE (Entreprise céramique et vaisselles de l’est) que le complexe n’est plus que l’ombre de lui-même. Les grèves des travailleurs pour salaires impayés marqueront l’histoire à jamais. C’est la descente aux enfers !

La cession de l’entreprise céramique et vaisselle de l’Est – Complexe industriel porcelaine de Guelma à l’italien ETER Algérie SPA est intervenue dans un contexte très en vogue, au milieu des années 2000, sous l’ère du défunt Abdelaziz Bouteflika.

L’ère de la privatisation

Entérinée le 19 décembre 2006 par le comité national pour les privatisations (CPE), avec avis favorable du ministère de l’Industrie et de la Promotion des investissements, cette cession s’est définitivement concrétisée par l’inauguration de cette usine en 2007, en présence de son président-directeur général.

Pour rappel, ce protocole stipulait, en plus de la cession des machines existantes sur site, la location des surfaces bâties et nues de l’usine, moyennant un loyer sur une période déterminée avec la préservation des 245 employés de l’époque. Mais il n’en fut rien ! Des business plant ont été exhibés par les directions en place. De promesses et promesses non tenues, la gronde des travailleurs a repris de plus belle.

En 2011, les travailleurs avaient dénoncé énergiquement l’opacité qui caractérise la gestion de l’entreprise. Les requêtes ciblaient la régularisation des dossiers des travailleurs ayant atteint l’âge légal de la retraite et la désignation d’une date fixe pour la paye.

Finalement, ce sont les ventes aux enchères publiques qui ont prévalu, pour assainir ce contentieux avec les travailleurs, lors de cette période de déclin, qui persiste à nos jours. Bien évidemment, «un actionnaire national» d’ETER ne manqua pas de prendre en charge ponctuellement certains problèmes de créances de l’usine, mais cela reste en deçà des objectifs fixés par la cession et la convention signée en 2006 par devant huissier de justice entre le directeur de l’ECVE de l’époque et le repreneur italien.

Quoi qu’il en soit, c’est le statu quo à Guelma ! C’est pratiquement une usine désaffectée que nous retrouvons à chaque visite. Depuis quelques mois, des échantillons de carreaux faïencés ont été placés à l’entrée de l’usine et les échos se font très rares ou du moins pour une bonne nouvelle annoncée.               

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