Le groupe polonais Moribaya a animé la sixième et avant-dernière soirée du 24e Festival européen de musique à Alger au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA).
Moribaya est une histoire de rencontre entre des musiciens de plusieurs nationalités. «Un collectif qui s’est constitué à Varsovie. Depuis notre adhésion à l’Union européenne, il y a vingt ans, la capitale de la Pologne est devenue une ville multiculturelle dynamique», a précisé le représentant de l’ambassade de Pologne à Alger, avant le concert.
Moribiya, qui signifie danse en moré et qui est également le nom d’une ville en Guinée, est composé par le Burkinabè Noumassan Dembele au balafon et au kora, l’Australien Paul Grocott au djembé, au dundun et au balafon, les Polonais Karol Kot au dundun, au kélé et au bara, et Anika Kaminska au djembé. La chanteuse ukrainienne Margarita Udovichenko, qui joue également au kenkeni et au djabara, n’a pas fait le déplacement avec le groupe à Alger.
Les cinq membres de Moribaya sont passionnés de musique africaine, sud-américaine et cubaine. Archéologue de formation, Anika Kaminska, qui pratique la danse parfois, s’est intéressée aux instruments traditionnels africains et a accompagné plusieurs groupes en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali et au Burkina Faso. Elle participe à la promotion de la culture ouest-africaine en Pologne en organisant annuellement l’événement Around the rythme festival.
Le moribayassa, une danse de célébration
Paul Grocott a lui accompagné des légendes de la musique africaine, à l’image de Tonton Sylla, de Makan Koné, de Koungbana Konde, de Karim Coulibaly, de Issouf Coulibaly et de Bolokada Konde. Mardi soir, Paul Grocott a étalé tout son savoir sur la scène du TNA en jouant du balafon aux côtés de Noumassan Dembele. Avec une voix apaisée, Noumassan Dembele a interprété en bambara, en bwamu et en malinké plusieurs chansons évoquant l’entraide, l’amour, la solidarité et le pardon.
Inspirée des sonorités traditionnelles africaines, la musique rythmée de Moribaya n’a pas laissé insensible le public nombreux du TNA. La salle Mustapha Kateb et les deux étages du TNA se sont transformés en une piste de danse. Les chansons sont extraites des trois albums du groupe Kelen (2018), Fila (2020) et Saba (2021).
Noumassan Dembele a précisé que la création du groupe Moribaya est une initiative de Anika Kaminska, épaulé par son époux Paul Grocott. «J’ai rejoint le groupe en 2018. Moribaya évolue de jour en jour. En Guinée, on danse la moribayassa après avoir réussi dans une action, réalisé un vœux et pour rendre hommage à tous ceux qui vous ont soutenu», a-t-il précisé.
Le moribayassa est également un ancien rythme de djembé, l’instrument mandingue par excellence. «En chantant, j’explique aux autres membres du groupe la signification des paroles en bambara ou en bwamu. Certaines chansons sont traditionnelles. Nous les interprétons avec de nouveaux arrangements. Nous proposons des mélodies de notre propre création comme Fakoly.
Nous y évoquons la joie, l’amour et le partage. Nous plaidons dans nos chansons pour l’idée de ne pas juger les autres car chacun de nous commet des erreurs. Il faut pardonner et apprendre de ses erreurs. L’erreur est humaine», a souligné Noumassan Dembele. Moribaya fait également un plaidoyer pour la défense de la nature en Afrique. «Nous avons repris des chansons populaires du Burkina Faso et du Mali pour évoquer la préservation des arbres et pour bien utiliser le bois.
La plupart de nos instruments sont fabriqués en bois. Dans certains villages en Afrique, le bois est encore utilisé pour préparer des plats parce qu’il n’y a pas de gaz», a-t-il dit. Noumassan Dembele, qui est fils d’un grand joueur de ngoni au Burkina Faso, a confié que le concert d’Alger de Moribya est le premier en Afrique.
«En Europe et en Pologne, nous avons animé plusieurs concerts notamment en Hongrie, en Slovaquie, en République Tchèque, au Danemark... Il faut dire que le public polonais ne connait pas bien la musique africaine. Ce que nous jouons est nouveau pour eux. Ils sont habitués à la musique hip hop, rock ou aux chants traditionnels polonais.
Parfois, ils sont étonnés de découvrir de nouveaux instruments, mais après ils adhèrent à notre musique, dansent, chantent... Après les concerts, les spectateurs viennent nous rencontrer et nous dire qu’ils ont aimé notre musique», a-t-il dit. En Pologne, Moribaya a décroché, en 2021, le troisième prix au Festival international Mikołajki Folkowe. Hicham Farès