Vives tensions sur le front libanais : L’escalade entre le Hezbollah et Israël

22/06/2024 mis à jour: 05:40
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Photo : D. R.

«Washington craint que l’expansion des combats ne soit suivie d’une intervention de l’Iran pour défendre et soutenir le Hezbollah, ce qui provoquerait une intervention des Etats-Unis en soutien à Israël, si celui-ci se trouvait dans une confrontation armée majeure sur le front nord». «Ainsi, le décor est actuellement planté pour une guerre entre Israël et le Hezbollah dans laquelle Washington pourrait se glisser», résume un spécialiste de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient.

Dès le début de la guerre contre Ghaza, les tensions se sont exacerbées entre le Hezbollah et Israël. De fait, le 8 octobre 2023, soit le lendemain du déclenchement de l’opération Toufane El Aqsa, le mouvement de résistance chiite ouvre un front au Sud-Liban en soutien au Hamas palestinien.

Depuis, les échanges de tirs aux frontières entre le Liban et Israël sont presque quotidiens, avec parfois des pointes de haute intensité. C’est ce qui s’est passé le 12 juin dernier, lorsque le groupe paramilitaire libanais a lancé plus de 160 roquettes sur Israël en représailles à l’assassinat de Taleb Sami Abdallah, un important chef militaire du Hezbollah.

Autre point d’orgue : le mercredi 19 juin, Hassan Nasrallah a prononcé un discours retransmis en direct à la télévision dans lequel il a distillé quelques messages incendiaires à l’attention de Tel-Aviv, l’avertissant qu’aucun lieu en Israël ne serait épargné, si l’armée sioniste attaquait le Liban. «L’ennemi sait parfaitement que nous nous sommes préparés au pire (...) Il sait qu’aucun lieu (...) ne sera épargné par nos missiles», a martelé Nasrallah, ajoutant qu’en cas de conflit, «Israël devrait nous attendre par la terre, par la mer et par les airs».

Et de préciser : «Nous avons reçu de nouvelles armes, nous avons développé certaines de nos armes (...) et nous en gardons d’autres pour les jours qui viennent.» Le leader charismatique du Hezbollah a prévenu en outre Israël que «toutes ses côtes, tous ses rivages, tous ses ports, tous ses bateaux et navires» seraient touchés s’il déclenchait les hostilités.

Plans opérationnels d’une offensive contre le Liban

Dans la foulée, il a menacé Chypre : «L’ouverture des aéroports et des bases chypriotes à l’ennemi israélien pour cibler le Liban signifierait que le gouvernement chypriote est partie prenante de la guerre», a-t-il tonné.

Les autorités chypriotes se sont empressées d’éteindre l’incendie. «J’ai lu les commentaires (du chef du Hezbollah, ndlr) et je tiens à dire que la République de Chypre n’est impliquée d’aucune façon dans cette guerre», a clarifié le président chypriote, Nikos Christodoulides, via un communiqué. «Chypre fait partie de la solution, pas du problème», a-t-il insisté.

Il a rappelé que son pays jouait plutôt un rôle important dans l’acheminement de l’aide vers la Palestine par le biais d’un corridor humanitaire reliant le port de Larnaca à Ghaza. Un rôle qui, appuie-t-il, « est reconnu par le monde arabe et l’ensemble de la communauté internationale».

Le discours de Hassan Nasrallah survient au lendemain de l’annonce faite par l’armée israélienne selon laquelle «des plans opérationnels pour une offensive au Liban ont été validés». Le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, déclare d’un ton péremptoire, selon des propos rapportés par Le Monde : «Nous sommes très proches du moment où nous déciderons de changer les règles du jeu contre le Hezbollah et le Liban.

Dans une guerre totale, le Hezbollah sera détruit et le Liban sera touché durement.» Sentant la fièvre belliqueuse monter, la coordinatrice spéciale de l’ONU pour le Liban, Jeanine Hennis-Plasschaert, a appelé les deux protagonistes au calme : «Il est crucial que toutes les parties cessent les tirs», a-t-elle supplié.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a mis l’accent de son côté sur «l’importance d’éviter une nouvelle escalade au Liban» et a plaidé  pour une «solution diplomatique permettant aux familles israéliennes et libanaises (déplacées par les échanges de tirs à la frontière) de rentrer chez elles».

Un émissaire du président américain au Proche-Orient, Amos Hochstein, qui s’est rendu à la fois à Beyrouth et à Tel-Aviv, a appelé à son tour à la désescalade. Défendant le plan de cessez-le-feu de Joe Biden, il estime que ce plan représente également «une chance pour mettre fin au conflit» entre le Hezbollah et Israël.

Ces appels n’ont manifestement pas suffi à baisser la tension dans la région. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le Hezbollah et l’armée israélienne ont de nouveau échangé des tirs. Avant-hier, le mouvement de résistance libanais a indiqué avoir lancé «des dizaines de roquettes Katioucha» sur une position militaire dans le nord d’Israël. 

«Le décor de la guerre est planté»

«Les cercles politiques à Washington doutent de la capacité de l’envoyé américain (Amos Hochstein, ndlr) à freiner l’escalade croissante des combats entre le Hezbollah et l’armée israélienne», analyse Mohamed El Minshawy, un spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient, dans un article publié sur le site d’Al Jazeera à la suite du discours de Hassan Nasrallah.

«Washington craint que l’expansion des combats ne soit suivie d’une intervention de l’Iran pour défendre et soutenir le Hezbollah, ce qui provoquerait une intervention de Washington en soutien à Israël, si celui-ci se trouvait dans une confrontation armée majeure sur le front nord.

Ainsi, le décor est actuellement planté pour une guerre entre Israël et le Hezbollah dans laquelle Washington pourrait se glisser» conclut-il. Dans son édition d’hier, Le Monde consacre un article très fouillé à cette épineuse question. «La confrontation très codifiée, de basse intensité, entamée il y a plus de huit mois, entre l’armée israélienne et le Hezbollah, va-t-elle dégénérer en guerre ouverte ? Les deux parties semblent l’envisager et en agitent la menace avec une force inédite», écrit le quotidien français.

Le journal cite une source sécuritaire israélienne sous le sceau de l’anonymat qui avoue : «Nous sommes prêts à mener une opération militaire très brève, très intense, pour établir une zone tampon le long de la frontière, qui nous permettrait de faire revenir les populations du Nord [d’Israël] en toute sécurité.»

Selon Le Monde, quelque 60 000 Israéliens ont dû fuir leur domicile dans les zones frontalières au nord. «La hiérarchie militaire israélienne est désormais acquise à l’idée d’une entrée en guerre au Liban, si aucun accord n’est trouvé dans les prochaines semaines avec le Hezbollah», soutient Le Monde. «Depuis des années, l’armée et les services de renseignement israéliens ont travaillé sur leurs propres listes de cibles : installations du Hezbollah, stocks de munitions et infrastructures.»

Plus de 100 000 combattants et un arsenal étoffé

Bien évidemment, le Hezbollah ne restera pas spectateur devant ces bruits de bottes et c’est tout le sens des mises en garde musclées assénées par Hassan Nasrallah. Et il possède les moyens de faire mal à Israël. Soutenu principalement par l’Iran, le Hezbollah reste le groupe paramilitaire le plus puissant de la région.

Il compterait plus de 100 000 hommes, selon Nasrallah qui glissait à ce propos : «Nous avions 100 000 combattants par le passé», avant de préciser : «Aujourd’hui, nous avons dépassé de beaucoup ce chiffre.» S’agissant de son arsenal, «le Hezbollah n’a probablement pas encore utilisé ses armes les plus sophistiquées», fait observer Dina Arakji, analyste au cabinet de consultants Control Risks, à l’AFP.

En 2006, il avait environ 15 000 roquettes, d’après cette analyste, un nombre qui a «été multiplié par dix aujourd'hui». Un autre analyste militaire, Khalil Helou, général à la retraite, explique à l’agence de presse française que le parti dispose également de «missiles balistiques iraniens ''Fateh-110'' d’une portée de 300 km et à guidage de précision et de missiles ''Zelzal-2''».

Le mouvement de résistance libanais a également des drones. Mardi, des images de haute précision partagées sur le réseau X montraient des sites filmés par un drone du Hezbollah survolant le port de Haïfa et d’autres installations israéliennes sensibles. Le groupe paramilitaire a notamment «des drones Shahed 136 et autres drones de fabrication iranienne à double guidage, électro-optique et GPS», détaille Khalil Helou.

Le même expert croit savoir que le Hezbollah a également en sa possession «des missiles sol-mer Yakhont russes d’une portée de 300 km et des missiles Silkworm de fabrication chinoise, très précis et extrêmement rapides».Le parti chiite libanais a indiqué récemment qu’il a employé des missiles de défense aérienne contre des avions israéliens. Il a annoncé en outre avoir abattu plusieurs drones israéliens de type Hermes 450 et 900.

Le Hezbollah «dispose d’un arsenal de roquettes et de missiles, dont certains guidés, susceptible de saturer les défenses anti- aériennes israéliennes», souligne Le Monde, avant de préciser : «Ses forces ont tiré environ 5000 projectiles de l’autre côté de la frontière depuis le 8 octobre 2023. Selon les spécialistes, en cas de conflit ouvert avec Israël, le groupe pourrait hausser sa puissance de feu à 3000 tirs par jour.»

L’Arménie annonce reconnaître l’état de Palestine

Le ministère arménien des Affaires étrangères a annoncé, hier dans un communiqué, la reconnaissance de l’Etat de Palestine dans le but d’avancer vers la paix au Proche-Orient, insistant sur la «situation critique à Ghaza».

«Réaffirmant son allégeance au droit international et aux principes d’égalité, de souveraineté et de coexistence pacifique des peuples, la République d’Arménie reconnaît l’Etat de Palestine», a indiqué le ministère dans un communiqué.

«Erevan désire sincèrement l’avènement d’une paix durable» dans la région, selon le ministère qui rappelle vouloir «l’instauration immédiate d’une trêve» dans l’agression génocidaire sioniste à Ghaza. Hussein Al Sheikh, le secrétaire général du comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), a rapidement «salué» la décision prise par Erevan.

«C’est une victoire pour le droit, la justice, la légitimité et la lutte de notre peuple palestinien pour la libération et l’indépendance», a-t-il souligné sur le réseau social X. Fin mai, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont aussi officiellement reconnu l’Etat de Palestine.

 

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